Depuis un an, toute personne souhaitant mobiliser son Compte Personnel de Formation (CPF) doit désormais s’acquitter d’un reste à charge de 100 euros (porté aujourd’hui à un peu plus de 102 €). Si cette évolution a pu susciter des critiques, elle marque en réalité un tournant structurant pour le secteur de la formation professionnelle, en responsabilisant les bénéficiaires, en assainissant les pratiques du marché et en réintroduisant un dialogue utile avec les entreprises.
Une contribution de François Fourmentin, co-fondateur du Cercle des Langues
Un système qui partait à la dérive
En 2019, le lancement de la plateforme Mon Compte Formation avait été salué comme une avancée démocratique majeure : pour la première fois, chaque actif pouvait choisir sa formation de façon autonome, sans passer par l’entreprise ni par un conseiller. Mais cette désintermédiation rapide, couplée à l’absence de garde-fous suffisants, a rapidement donné lieu à une explosion d’offres… et de dérives.
Formations sans lien avec l’emploi, usages détournés, marché désorganisé, marketing agressif et dans les cas les plus graves, fraudes massives (usurpation d’identité, inscriptions fictives, démarchage illégal). À force de vouloir tout ouvrir, le CPF est devenu un terrain glissant, où le sens des formations était parfois sacrifié sur l’autel de la consommation.
Une mesure sobre, mais efficace
C’est dans ce contexte qu’est intervenu le reste à charge. Modeste sur le plan financier, il a pourtant agi comme un révélateur d’intention. Ce que l’on obtient gratuitement est parfois sous-valorisé. Ce que l’on paie, même symboliquement, oblige à se poser les bonnes questions : cette formation est-elle utile ? Est-elle de qualité ? Est-elle alignée avec mon projet ?
Sur le terrain, les effets ont été immédiats : plus de temps de réflexion, des choix plus argumentés, des comparaisons plus rigoureuses entre les organismes de formation. Ce filtre simple a suffi à réintroduire une exigence de cohérence, tant du côté des apprenants que des prestataires.
Une croissance plus saine et maîtrisée
Les chiffres de la Caisse des Dépôts témoignent d’une stabilité remarquable du marché, malgré ce tournant réglementaire.
En 2023, 1,45 million de formations avaient été engagées via le CPF, représentant un montant total de 2,26 milliards d’euros. En 2024, année de la mise en place du reste à charge, le volume de dossiers est resté quasiment identique, avec 1,49 million de formations engagées pour 2,36 milliards d’euros dépensés, soit près de 100 millions d’euros supplémentaires mobilisés.
Cette résilience s’observe aussi sur le début de l’année 2025. Malgré l’effet mécanique d’un pic de demandes juste avant avril 2024, le rythme d’engagement reste soutenu, avec plus de 360 000 dossiers déjà validés sur les trois premiers mois de l’année, à un coût moyen pédagogique en légère hausse.
Le retour du dialogue entreprise-salarié
Au-delà de la régulation des comportements individuels, le reste à charge a eu un autre effet vertueux : il a relancé le dialogue entre salariés et employeurs autour de la formation. Là où le CPF avait marginalisé l’entreprise, le cofinancement du reste à charge a permis de réintégrer les managers et les services RH dans la réflexion. De plus en plus de parcours sont aujourd’hui construits en double appui : volonté individuelle + soutien financier de l’entreprise.
Ce mouvement redonne une cohérence entre besoin en compétences, temps de travail et objectifs de montée en qualification, là où le CPF pouvait auparavant être activé de façon isolée, voire opportuniste. Le cloisonnement entre formation B2B et B2C s’estompe, au profit de montages hybrides mêlant CPF, budgets OPCO, Pôle Emploi ou financements directs de l’entreprise.
Un CPF renforcé, pas affaibli
On aurait pu craindre que ce reste à charge décourage l’accès à la formation. Il n’en est rien. Il n’affaiblit pas le CPF : il en renforce la portée. Il replace chacun dans une posture active. Il rappelle que se former n’est pas un acte passif de consommation, mais une décision stratégique, à fort impact personnel et professionnel. Et il participe à la maîtrise des dépenses publiques, dans un contexte de vigilance budgétaire accrue.
Un an après son entrée en vigueur, le reste à charge CPF apparaît comme une mesure de bon sens : simple, proportionnée, et surtout efficace pour faire évoluer un système qui s’essoufflait. Loin de brider la formation, il contribue à lui redonner de la valeur.
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