L’ultimatum d’Elon Musk aux employés de Twitter aggrave un peu plus la crise à laquelle est confronté le réseau social depuis son rachat.
Les employés de Twitter avaient jusqu’au 18 novembre pour s’engager pleinement et durement dans la nouvelle entreprise voulue par Elon Musk ou partir avec des indemnités de licenciement. Au final, des centaines d’employés ont préféré quitter le navire, soulevant ainsi de nombreuses interrogations sur l’avenir de Twitter.
Elon Musk a indiqué dans un courriel aux employés de Twitter que rester « signifiera travailler de longues heures à haute intensité », et d’ajouter que « seules les performances exceptionnelles constitueront une note de passage. »
« À la mi-journée mercredi, les membres de l’équipe de confiance et de sécurité de Twitter, qui sont chargés de garder les discours haineux et la désinformation hors de la plateforme, discutaient d’une démission massive, selon trois employés actuels qui n’ont pas souhaité révéler leur identité par crainte de représailles », a rapporté le Washington Post.
Quelques jours après le licenciement de milliers d’employés de Twitter par Elon Musk, son ultimatum vient aggraver un peu plus la crise au sein du réseau social.
De nombreux experts ont partagé leurs observations et leurs prévisions concernant les répercussions d’un tel ultimatum sur les effectifs en baisse de Twitter et sur la plateforme en général.
Le moral des employés au plus bas
« Le moral des employés de Twitter était déjà très bas ; cet ultimatum ne va rien arranger à cette situation », a déclaré par courriel Nicholas Creel, professeur adjoint de droit commercial à la Georgia College and State University.
« De plus, la ligne dure adoptée par Elon Musk garantit pratiquement que toute personne qui postule pour travailler dans cette entreprise devra être prête à abandonner tout espoir de vie personnelle, tout en acceptant que sa sécurité d’emploi soit entre les mains d’un micro-manager impitoyable aux attentes démesurées. En d’autres termes, le vivier de talents qu’Elon Musk peut désormais espérer sera extrêmement réduit », note-t-il.
Une orientation stratégique
Ce qu’Elon Musk a indiqué à propos de l’orientation stratégique de l’entreprise a été perdu dans le flot de gros titres sur l’ultimatum.
Dans un message adressé aux employés, le milliardaire a déclaré que Twitter « sera beaucoup plus axé sur l’ingénierie. La conception et la gestion des produits resteront très importantes et me seront subordonnées, mais ceux qui écrivent du bon code constitueront la majorité de notre équipe et auront plus d’influence. Au fond, Twitter est une entreprise de logiciels et de serveurs, donc je pense que c’est logique. »
« Fixer des limites »
« Demander un engagement est une chose. Mais le cas présent, vous avez un individu qui fixe des limites et demande un chèque en blanc », affirme Mark A. Herschberg, instructeur au Massachussetts Institute of Technology.
« Diriger, c’est amener les employés à s’engager dans une vision. Elon Musk n’a pas de vision claire et, pire encore, il a l’habitude d’être capricieux et de renvoyer ses détracteurs. Pourquoi quelqu’un devrait-il s’engager sans perspectives claires alors que les risques de frustration, de licenciement ou de faillite de l’entreprise sont élevés », s’interroge-t-il.
« Lorsque la maison brûle, c’est une chose de mobiliser des gens et les inciter à prendre des risques pour l’éteindre. Vous faites appel au sens de l’objectif, au travail d’équipe et à une vision plus large. Mais c’en est une autre de tenir des propos comme “vous feriez mieux de le faire à ma façon ou de ne pas le faire du tout” sans aucun échange. À mon avis, les employés qui n’ont pas encore démissionné ou été licenciés vont mettre à jour leur CV et accélérer leur recherche d’emploi », conclut Mark A. Herschberg.
Un choix ni libre ni rationnel
« Les actions morales sont celles qui ne violent pas la capacité d’un individu à faire des choix libres et rationnels. À première vue, Elon Musk semble offrir un choix aux employés, mais ce choix n’est ni libre ni rationnel », déclare Sarah Cabral, chercheuse principale en éthique des affaires au Markkula Center for Applied Ethics à la Santa Clara University.
« Ce choix n’est pas libre, car il est coercitif. Il n’est pas rationnel, car les conditions ne sont pas claires. Les employés n’ont que 24 heures pour décider de leur avenir et n’ont aucune idée précise de ce que le nouvel environnement “ultra exigeant” impliquera », souligne-t-elle.
« Une très mauvaise idée »
« Essayer d’intimider ou de contraindre les employés à accepter un certain style de travail qui n’est pas la norme dans l’organisation est une très mauvaise idée », affirme Kia Roberts, directrice et fondatrice de Triangle Investigations.
« La direction peut et doit opérer en identifiant les leviers à actionner pour augmenter la productivité des employés et les encourager à rester dans l’organisation, mais lancer des ultimatums n’est certainement pas une bonne manière d’y parvenir », indique-t-elle.
Encourager la syndicalisation
« Je m’attends à ce qu’au moins deux campagnes de syndicalisation se mettent en place si Elon Musk reste à la tête de Twitter », suggère Nora Burns, chercheuse en culture du travail et ancienne responsable des ressources humaines.
Elon Musk « fait preuve des pires stratégies de leadership des années 1940, tout en utilisant un mégaphone international pour faire passer le message. Les syndicats étaient à leur apogée [aux États-Unis] dans les années 40, lorsque ces techniques de manipulation, d’intimidation et de chantage étaient trop souvent appliquées à la main-d’œuvre », observe-t-elle.
« Les ultimatums n’ont leur place dans aucune relation, et la relation de travail ne fait pas exception. Elon Musk semble avoir oublié que Twitter dans son ensemble est une entreprise de relations », indique Nora Burns.
Des conséquences sur le recrutement
« Il y aura très peu de recrutement (presque tous les recruteurs ont été licenciés). Les rares personnes qui rejoindront l’organisation […] seront celles qui seront attirées par la philosophie de gestion “ultra exigeante” d’Elon Musk. Je prédis qu’il y aura peu d’intéressés », déclare Ron Oltmanns, coach et consultant en leadership.
« Les dirigeants en situation de crise doivent réfléchir sérieusement à la nécessité d’un “traitement de choc” comme celui administré par Elon Musk à Twitter. Ce n’est nécessaire que dans certains cas extrêmes. Sinon, vous prenez des problèmes existants et multipliez les troubles, au lieu de résoudre les problèmes », note-t-il.
Redoubler d’efforts
« La meilleure leçon à tirer pour les chefs d’entreprise est de reconnaître que la première étape dans la gestion d’une crise que vous avez vous-même créée est d’arrêter de faire ce qui vous mis dans le pétrin, pour commencer », recommande Nicholas Creel, professeur adjoint de droit des affaires à la Georgia College and State University.
« Elon Musk redouble d’efforts alors qu’il devrait se retirer, et nous pouvons probablement nous attendre à ce que les problèmes ne fassent qu’empirer à partir de maintenant », prédit-il.
Elon Musk n’en est pas à son coup d’essai
Les observateurs de longue date du style de gestion d’Elon Musk ne seront surpris ni par ce qu’il fait avec Twitter ni par la manière dont il le fait. Les résultats obtenus ans les autres entreprises qu’il possède (SpaceX et Tesla) pourraient fournir une feuille de route pour les prochaines actions du milliardaire.
« La stratégie d’Elon Musk peut être caractérisée par des thèmes communs à trois domaines : ce qui s’inscrit dans sa vision des problèmes à résoudre, comment il conçoit une organisation comme une solution à ces problèmes, et pourquoi il peut si efficacement mobiliser des ressources pour trouver ces solutions », selon la Harvard Business Review.
Article traduit de Forbes US – Auteur : Edward Segal
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