Dans cette tribune en exclusivité pour Forbes France, Fabien Poggi rappelle l’importance d’adapter nos cursus de formation aux évolutions de la blockchain et l’émergence du Web3. Ce dernier est CEO et co-fondateur de Starton, une plateforme qui permet via API d’accéder plus facilement à la blockchain.
Depuis plusieurs années déjà, la blockchain transforme en profondeur l’économie numérique et s’impose comme une transition technologique majeure. Alors que des champions français émergent progressivement dans ce secteur en pleine effervescence, l’Hexagone reste confronté à une pénurie critique de talents. À l’heure où la souveraineté numérique française et européenne est au cœur de toutes les préoccupations, former massivement aux savoir-faire du Web3 et de la blockchain devient un enjeu stratégique déterminant.
Ne pas reproduire les erreurs du passé
Si la souveraineté numérique est une question si brûlante en Europe, c’est avant tout parce que des erreurs décisives ont été commises au cours des dernières décennies. Des semi-conducteurs à l’intelligence artificielle en passant par le cloud, tous les changements de paradigme en matière de numérique ont tant tardé à être intégrés dans les pays européens que les entreprises états-uniennes jouissent désormais d’une suprématie presque incontestable sur le secteur.
Sur les 10 plus importantes capitalisations boursières du dernier trimestre 2021, 8 ont été créées aux Etats-Unis, dont 7 dans le secteur du numérique. Aujourd’hui, la blockchain rebat en partie les cartes de l’innovation numérique : des champions français, comme Ledger ont d’ores et déjà émergé et un écosystème dynamique s’est créé autour du Web3 dans le pays. Il s’agit donc de ne pas reproduire les erreurs du passé pour donner toutes leurs chances à ces nouveaux acteurs dans la compétition mondiale.
Un défaut massif d’information et de formation
Pour se développer rapidement et massivement, cet écosystème a besoin que soient réunis trois
éléments :
● Un cadre législatif favorable, qui permette de développer des entreprises innovantes et des business models créatifs ;
● Des capitaux en quantité suffisante pour donner aux start-up les moyens de leurs ambitions ;
● Des ressources humaines nombreuses et formées.
Or, si les deux premiers points semblent largement acquis en France au vu notamment des levées de fonds considérables de ces derniers mois, le troisième est très loin d’être suffisamment développé. Les technologies liées à la blockchain et au Web3 ne sont tout simplement enseignées dans aucune université ou école d’informatique française. Lors de leurs contacts avec les étudiants, les entrepreneurs sont ainsi très régulièrement frappés par l’absence totale de sensibilisation à ces technologies pourtant centrales dans le numérique d’aujourd’hui et de demain. Un manque qui pourrait bien entraîner des conséquences extrêmement néfastes sur la vitalité économique du Web3 hexagonal.
Investir massivement en capitalisant sur les savoir-faire français
La France dispose pourtant de savoir-faire extrêmement précieux et stratégiques sur le marché du Web3. Notre pays est en effet reconnu dans le monde entier pour l’excellence de sa formation et de sa recherche en mathématiques appliquées et en particulier en cryptographie.
Or, les technologies liées à la blockchain sont pour une vaste part basées sur les savoir cryptographiques. Sur cette base décisive, un plan d’investissement massif dans la formation pourrait rapidement faire émerger une génération entière de spécialistes performants et bénéficiant de conditions d’intégration au marché du travail particulièrement privilégiées. Car si l’on sait que les développeurs freelances gagnent bien leur vie, les revenus que peuvent espérer des spécialistes de la blockchain sont encore plus élevés.
Cultiver un écosystème
Pour atteindre cet objectif, il est notamment nécessaire de créer des cursus dédiés aux technologies liées à la blockchain, à ses environnements, protocoles et langages de programmation. Des programmes de formation qui pourraient être mis en place par des organismes publics ou privés mais qui devraient également s’inscrire dans un écosystème plus large d’échange et d’entraide autour du Web3. Car l’innovation numérique repose également sur la pratique et le partage informel de savoir-faire à travers des hackathons, des workshops et des conférences dédiés.
Sans attendre de décision institutionnelle, tous les acteurs de cette nouvelle économie peuvent ainsi s’impliquer pour développer leur écosystème et favoriser les échanges. Le Web3 pourrait bien constituer une opportunité décisive pour la souveraineté technologique française. Mais pour réussir ce tournant, il est absolument nécessaire d’apprendre du passé et de créer un écosystème favorable en investissant massivement dans la formation et en multipliant les initiatives permettant de développer une véritable culture commune de la blockchain. Une fois ces conditions réunies, plus rien n’empêchera la France de devenir l’un pays leader du paradigme numérique de demain.
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