Au cours de la dernière décennie, de nombreuses entreprises se sont engagées dans une transformation qu’elle soit digitale ou, inversement, physique (en anglais « online to offline »).
Certaines entreprises traditionnelles, telles que Nike, Burberry ou Disney, proposent désormais aux consommateurs des expériences multicanales fluides. D’autre part, les magasins physiques créés par des entreprises nées du digital, comme Amazon, Asos ou Netflix, offrent aux consommateurs, grâce à leurs technologies, une expérience multicanale bien différente de celle fournie par le commerce de détail traditionnel.
Mais globalement, seule une poignée d’entreprises sont véritablement devenues hybrides, et délivrent une expérience multicanale fluide aux trois parties concernées par ce « modèle hybride ». Ces parties étant les consommateurs bien évidemment, mais également les collaborateurs et les partenaires. C’est ce que nous appelons le capital humain tant pour le B2C que le B2B. Il reste encore beaucoup à faire avant que les organisations ne soient complètement transformées – selon les principes exposés dans cet article – en particulier dans la « nouvelle normalité » de l’ère post-Covid 19 (en anglais « new Normal »).
Certes, notre époque est marquée par un environnement de plus en plus complexe, caractérisé par des changements rapides dans les domaines de la santé, des structures sociales, de l’environnement et de la technologie. Nous assistons à des transformations du capital humain sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Par conséquent, tant les entreprises traditionnelles que numériques ont besoin de s’appuyer sur l’agilité, l’interactivité et la cohérence sur tous les canaux, physiques et digitaux, pour changer la donne.
Cette agilité peut être atteinte en transformant l’entreprise en un modèle hybride. Cela consiste à combiner le traditionnel et le numérique à tous les niveaux : des modèles économiques aux compétences professionnelles. Ceci exige que les collaborateurs fassent évoluer leurs compétences, leur savoir-faire, leur savoir-être, et désormais, dans le cadre de la nouvelle normalité, leur « savoir-vivre ». Concrètement, la mise en place d’une organisation hybride nécessite d’agir sur deux leviers principaux. Tout d’abord, un levier managérial pour comprendre l’ensemble du capital humain : les consommateurs et leurs attentes, les collaborateurs et leurs besoins, ainsi que les partenaires et leurs propres défis. Deuxièmement, un levier organisationnel pour mêler les domaines traditionnels et numériques dans toutes les fonctions de l’entreprise, et garantir une gouvernance transparente sur tous les canaux.
Le défi du cordon ombilical
Le capital humain, un cordon ombilical pour l’entreprise et ses partenaires, représente un défi majeur. Par partenaires, nous entendons les fournisseurs, les entreprises clientes, les distributeurs et les prestataires. Si les partenaires manquent d’agilité, l’entreprise manquera d’agilité, et inversement.
Chaque consommateur, collaborateur et partenaire d’une entreprise doit avoir l’impression de traiter avec une marque cohérente et homogène, quel que soit le canal utilisé. Pour ce faire, les entreprises qui s’intéressent déjà à la fluidité multicanale du parcours de leurs consommateurs pourraient également appliquer, à la gestion de leurs collaborateurs et de leurs partenaires, l’approche ATAWAD (en anglais « anytime, anywhere, through any device » : n’importe quand, n’importe où, par le biais de n’importe quel appareil). L’entreprise serait en mesure de communiquer et d’interagir avec chacune de ces trois parties prenantes, et de partager sa vision, ses valeurs, ses objectifs, ses activités et ses progrès de manière plus rapide et efficace. Ainsi, elle entretiendrait une relation continue avec chacune des trois composantes du capital humain.
Grâce à leur mobilité et à leur exposition en temps réel au marché, les collaborateurs, qui sont à la fois employés, consommateurs et citoyens, sont plus susceptibles de fournir des informations et des idées s’ils sont connectés à leur entreprise, et s’ils bénéficient d’un management de confiance et d’une autonomie entrepreneuriale. Dans un tel cadre participatif, ils ressentent la possibilité d’avoir un impact significatif sur l’avenir de leur entreprise.
Les partenaires qui eux traitent avec des clients multiples ont une vue d’ensemble du secteur et potentiellement d’autres industries. Ils peuvent apporter des informations en temps réel s’ils sont correctement connectés et impliqués via un partenariat de confiance et de long terme.
Les entreprises digitales et traditionnelles ont tout intérêt à développer les deux types de canaux – physiques et numériques – afin d’interagir de manière permanente et fluide avec leurs trois principales audiences.
Cela leur permet, quand nécessaire, de « Penser global » et « Agir local » de façon agile.
Une transformation à tous les niveaux vers un modèle hybride
La pierre angulaire d’une transformation dans la nouvelle normalité post-Covid ne consiste pas simplement à injecter des composantes digitales ou traditionnelles dans une entreprise, mais bien de comprendre l’objectif ultime à poursuivre, à savoir de construire un modèle totalement hybride. Qu’il s’agisse d’une transformation digitale ou inversement « online to offline », la performance peut être atteinte lorsque l’entreprise est « hybride », c’est-à-dire enrichie et agile.
Concrètement, nous proposons 17 principes clés à mettre en pratique pour qu’une entreprise profite pleinement des avantages de cette « hybridité » :
- Les dirigeants incarnent leur triple responsabilité de collaborateur, de citoyen et de consommateur. Conscients de l’impact qu’ils ont sur la planète, ils jouent un rôle crucial en tant que modèles et ambassadeurs.
- La vision, les valeurs et la culture sont partagées à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise avec les trois parties prenantes (consommateurs, collaborateurs et partenaires).
- Les managers pratiquent une communication transparente, cultivent la participation et la confiance. Ils préservent la dimension humaine, soutiennent le sens des responsabilités, et intègrent les préoccupations sociétales.
- L’état d’esprit individuel et collectif invite à entreprendre.
- Les pratiques commerciales sont éthiques et durables.
- Le modèle économique initial est diversifié et enrichi par de nouveaux modèles issus de l’économie numérique et/ou de l’économie traditionnelle.
- Le capital humain, sur lequel s’appuie l’entreprise, combine de façon équilibrée des ressources internes et externes et un eco-système de partenaires, permettant la flexibilité, le partage de connaissances et l’auto-apprentissage.
- Expertises traditionnelles et digitales sont intégrées à la cartographie des compétences. Elles sont regroupées, selon leur thématique majeure, sous une même grande ligne fonctionnelle, ce qui garantit la cohérence et la montée en compétences.
- En termes de gestion de carrière, le développement de compétences de « savoir-vivre » s’ajoute à celles de savoir-faire et de savoir-être.
- En termes de méthodologie, l’entreprise s’appuie à la fois sur l’approche « tester, échouer, corriger, apprendre » (en anglais « test, fail, fix, learn ») et sur la pratique de l’innovation ouverte (en anglais « open innovation »), assurant ainsi un développement organique et dynamique à l’entreprise.
- Les canaux de communication, de vente et de distribution sont équipés d’outils physiques et digitaux pour permettre une interactivité bi-directionnelle.
- Le modèle de gouvernance est rationalisé et clair pour permettre un pilotage holistique et une prise de décision rapide, vis-à-vis des trois parties prenantes autant que des actionnaires.
- Les indicateurs de performance clés sont quantitatifs et qualitatifs, incluant les domaines environnemental, sociétal et de gouvernance.
- Consommateurs, collaborateurs et partenaires ont à faire à une marque cohérente et homogène, quel que soit le canal d’accès utilisé.
- Consommateurs, collaborateurs et partenaires sont représentés au sein de l’équipe de direction et du Comité Exécutif.
- Quels que soient le type et la taille de l’entreprise, celle-ci est connectée à son environnement extérieur, à l’industrie, à la société civile et au gouvernement, par son implication dans des associations et des réseaux.
- Et, enfin, l’entreprise fait évoluer sa position dans sa chaîne de valeur principale ainsi que dans d’autres nouvelles chaines potentielles. Ceci lui permet aussi de profiter des disruptions de son secteur.
Un rayonnement tridimensionnel vers un véritable succès hybride
Ces principes constituent des atouts pour s’adapter et être créatif. Selon le type d’organisation – PME, groupe, entreprise familiale, institution, association -, certains principes sont peut-être déjà mis en œuvre. Par exemple, la combinaison du digital et du physique peut être en partie réalisée, les valeurs peuvent avoir évolué vers une approche plus humaine et durable… Cependant, l’enjeu est d’avoir tous ces principes en place afin d’être véritablement une organisation hybride, prête à faire face à tout environnement changeant et à évoluer en accord avec les besoins de son capital humain. L’organisation s’inscrit dans une dynamique tridimensionnelle qui implique la société civile, la nation et l’économie. A travers cette « hybridité », chaque individu et l’entreprise elle-même ont l’opportunité d’avoir un impact durable.
Géraldine Maouchi est Experte en transformation des entreprises, Conférencière et Entrepreneuse.
Hélène Musikas est Professeur Associé en Stratégie et Politique d’Entreprise à HEC Paris.
Daniel Brown est Responsable de communication recherche HEC Paris
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