Plus de deux ans après le lancement des réservations de 1 000 $ pour la Model 3, il n’est pas certain que le constructeur américain, Tesla, puisse se permettre de vendre ses voitures tant attendues à 35 000 $ et ainsi répondre à l’ambition d’Elon Musk : proposer des voitures électriques au grand public. En effet, la poursuite de ce programme de production pourrait être fatale pour l’entreprise.
Elon Musk a, depuis quelques semaines, élu domicile à l’usine de Fremont en Californie, afin de superviser les améliorations apportées à la ligne d’assemblage de la petite berline. Il n’a cependant pas oublié de vanter, sur Twitter, les mérites de la Model 3 quatre roues motrices à 78 000 $. Elle ne devrait pas tarder à rejoindre la version dotée d’une batterie de grande autonomie, dont la fabrication a déjà commencé et qui coûte plus de 50 000 $ avec les options. L’entreprise ne peut tout simplement pas construire de modèles moins chers avant la fin de l’année, et surtout pas avant d’avoir atteint une cadence de production d’au moins 5 000 véhicules par semaine.
« En ce qui concerne la production, vous devez tout d’abord atteindre votre taux cible, puis vous devez lisser le flux afin d’atteindre les objectifs de coûts », twittait Elon Musk le 20 mai. « Livrer la Model 3 la moins chère dès maintenant serait synonyme de grosse perte et de déclin pour Tesla. Nous devrons attendre trois à six mois après avoir atteint notre objectif de production, pour entamer celle des modèles à 35 000 $ et permettre à l’entreprise de survivre ».
Cette concession, bien qu’elle ne fasse que refléter la réalité de l’entreprise qui fait état de pertes monumentales depuis deux trimestres, rappelle à quel point le constructeur n’était pas prêt à passer de la niche des voitures électriques commercialisées à plus de 100 000 $, au marché de masse. Au mieux, les Model 3 à 35 000 $ pourraient être livrées à la fin de cette année, au pire, elles pourraient ne jamais entrer en production.
« Je ne suis pas sûre que ces voitures à 35 000 $ voient le jour », explique Rebecca Lindland, analyste pour le Kelly Blue Book, qui a elle-même annulé sa propre réservation à cause des retards considérables. « Je pense que l’entreprise peut encore annoncer qu’elle ne produira pas cette version en prétextant que les consommateurs ne sont pas tant intéressés ou que personne ne veut l’acheter ».
Et cette décision ne serait pas sans précédents. En 2013, se complaisant dans le lancement réussi de la berline Model S, Tesla avait contre toutes attentes, décidé d’abandonner la production du modèle de base à 49 900 $, prétextant une faible demande. Cette décision était totalement inattendue étant donné qu’Elon Musk avait fait la publicité de sa voiture avec un prix de départ à 50 000 $ grâce à son « plan secret ».
Par ailleurs, lundi dernier, Consumer Reports déconseillait à ses lecteurs d’acheter la Model 3. En cause, des défauts présents sur les systèmes de frein et de commande qui seraient difficiles à utiliser : « La distance d’arrêt de la Tesla à 100 km/h est de 47 mètres, ce qui est nettement supérieur à celle des autres voitures que nous avons eu l’occasion de tester. Cela représente près de 2 mètres de plus qu’avec le pickup Ford F-150 ». Tesla a commenté cet article en assurant que lors de ses propres tests, la distance de freinage était de 40,5 mètres.
La production des véhicules haut de gamme permet de maintenir des marges proches des objectifs de l’entreprise, en plus de répondre à la demande de certains consommateurs, explique Jeffrey Osborne, analyste pour Cowen & Co, avant de déclarer que l’action Tesla était elle aussi en-dessous de ses objectifs : « Ce n’est pas une surprise de voir qu’ils lancent la production de modèles à plus de 70 000 $, car certains clients les veulent. Mais cela risque de réduire le nombre d’acheteurs à cause du prix. Et nous ne connaissons pas la composition de ce groupe d’acheteurs ».
Ce mois-ci, Tesla se targuait de compter encore 450 000 réservations pour sa Model 3, sans donner de détails sur les annulations ou les nouvelles commandes. L’entreprise s’est également gardée de dévoiler la part de réservations concernées par sa voiture destinée au marché de masse. Pour l’instant, le seul objectif de la marque est de produire autant de versions haut de gamme que possible et d’en finir enfin avec ce lancement raté : « À court terme, l’entreprise pourrait mettre la clé sous la porte si elle ne fait pas de profits avec sa voiture à 35 000 $. Elle doit mettre fin à tous les problèmes de production, et ce, définitivement ».
Selon Osborne, c’est grâce aux inconditionnels de la marque qui lui sont complètement dévoués, que le nombre de réservations se maintient : « Ça fait maintenant deux ans qu’ils attendent, alors au point où ils en sont, ils peuvent bien attendre six mois de plus ».
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits