Après avoir mis le feu aux poudres en annonçant la semaine dernière un retrait de Tesla de Wall Street, Elon Musk persiste et signe, affirmant être actuellement en discussion avec des investisseurs potentiels…au premier rang desquels le fonds souverain saoudien.
Dans le collimateur des autorités boursières américaines après son tweet dévastateur du 7 août, faisant état d’un prochain retrait de Tesla de la cote, Elon Musk a tenu (une fois de plus) à clarifier ses propos. « Je continue à discuter avec le fonds saoudien et je discute également avec un certain nombre d’autres investisseurs, ce que j’ai toujours prévu de faire car je souhaite que Tesla continue de bénéficier d’une large base d’investisseurs ». Une nuance bienvenue qui permet de reconsidérer la seconde partie du tweet qui évoquait « un financement assuré » pour soutenir ce retrait de Wall Street. Visiblement, il reste encore du chemin à faire pour cela et cette assertion aurait fortement déplu au gendarme de Wall Street en plus d’avoir déclenché une levée de boucliers des vendeurs à découvert. Mais le fantasque entrepreneur d’origine sud-africaine s’est montré optimiste quant à l’issue de cette opération d’envergure, arguant que depuis son tweet, le directeur du fonds saoudien avait exprimé son soutien à l’opération, sous réserve des modalités financières et autres éléments. Ce ne serait donc qu’une question de temps, selon Elon Musk. « Ils (le fonds) m’ont d’abord rencontré au début de 2017 pour manifester cet intérêt en raison de l’importante nécessité de diversification au-delà du pétrole », écrit-il sur le blog de l’entreprise.
Et de poursuivre son argumentaire. « Nous avons ensuite eu plusieurs autres réunions au cours de l’année suivante pour confirmer cet intérêt et tenter d’avancer vers un retrait de la Bourse. De toute évidence, le fonds souverain saoudien a très largement assez de liquidités pour réaliser une telle transaction ». Avant d’asséner son « argument massue » visant à échapper au viseur des autorités boursières américaines. « J’ai quitté la réunion du 31 juillet (avec le fonds) sans le moindre doute qu’un accord avec le fonds souverain saoudien pourrait être conclu, et qu’il ne s’agissait que de mettre le processus en marche. Voilà pourquoi j’ai parlé de financement assuré lors de l’annonce du 7 août ». Fin de citation. Suffisant pour échapper au couperet des autorités ? Rien n’est moins sûr. Pour rappel, le fonds d’investissement public d’Arabie Saoudite (Public Investment Fund ou PIF) est connu pour ses investissements dans les nouvelles technologies et a notamment débloqué 45 milliards de dollars (39,4 milliards d’euros) pour créer, avec le conglomérat japonais SoftBank, le fonds Vision Fund.
Le « feuilleton de l’été »
Toujours est-il que, depuis ce fameux tweet, l’action Tesla, en légère hausse, n’a pas non plus crevé le plafond, les investisseurs n’ayant visiblement pas été convaincus plus que cela par les explications d’Elon Musk. Un scepticisme partagé par les analystes qui doutent de la capacité de la société à lever les fonds nécessaires. Mais quitter Wall Street aurait un avantage certain pour Elon Musk : lui permette d’échapper aux exigences de transparence des investisseurs et autorités de régulation sur les marchés cotés. Lui qui a récemment ferraillé avec régulateurs, analystes et journalistes « s’achèterait » ainsi une forme de « tranquillité ». « Tesla considère les tweets comme un moyen de communication public. Je pense qu’il est sérieux. Et en plus cela permet un ‘short squeeze’ après un bon trimestre », avait commenté, dès le 7 août, Chaim Siegel, chez Elazar Advisors, cité par Reuters. Une telle opération, si elle prend corps, constituerait le plus important LBO (leveraged buyout, acquisition financée par de la dette) de l’histoire, devançant nettement le rachat pour 45 milliards de dollars de la compagnie d’électricité texane Energy Future – qui finit en faillite en 2014.
D’où la circonspection susmentionnée des analystes. « Pour moi il est inimaginable que quelqu’un finance le rachat d’une entreprise aussi endettée et qui perd autant d’argent alors qu’elle a d’énormes besoins d’investissements », abondait Mark Spiegel, gérant du fonds spéculatif Stanphyl Capital Partners, et toujours cité par Reuters. Mais derrière ce « quelqu’un » les analystes voyaient la main d’un fonds souverain ou d’un partenaire aux épaules solides, comme le mastodonte chinois Tencent Holding, qui a pris une participation à hauteur de 5% dans le capital de Tesla l’année dernière. Mais cette dernière possibilité a rapidement été écartée, laissant ainsi le champ libre au fonds souverain saoudien.
Une opération à 50 milliards ?
Prochaine étape, selon Elon Musk, consulter les principaux actionnaires de Tesla. Le patron de SpaceX – dont aucune fusion n’est prévue avec Tesla – a estimé qu’environ deux tiers des actionnaires actuels conserveraient leurs parts dans la société Tesla non cotée et que, par conséquent, le capital requis pour une opération de rachat serait inférieur à la valorisation boursière du groupe. Si elle venait à aboutir, cette opération entrerait dans l’histoire boursière américaine. Avec une sortie à 420 dollars par titre, la valorisation de Tesla avoisinerait les 72 milliards de dollars contre 61 milliards à l’heure actuelle. Dans l’hypothèse où Elon Musk conserverait sa participation de 20 %, il faudrait environ 50 milliards pour finaliser la transaction, calculent des banquiers mais le coût pourrait être moindre si les grands actionnaires décidaient de ne pas céder leurs parts. Divers paramètres qui pourraient compliquer la donne. On attend avec impatience le prochain épisode de ce « feuilleton de l’été ».
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