Afin de pouvoir enfin honorer ses réservations de Model 3, Telsa va faire tourner son usine d’assemblage de Fremont en Californie jour et nuit. L’entreprise prévoit donc de recruter « 400 personnes par semaines, et ce durant plusieurs semaines ». Elles seront réparties entre l’usine californienne et celle située à Sparks dans le Nevada et qui est dédiée à la production de batteries.
Avec cette vague de recrutement, le PDG de l’entreprise, Elon Musk, tente de nous faire croire qu’il est entièrement confiant quant aux capacités de Tesla à booster sa production avant la fin du mois de juin, et à répondre à la forte demande en Model 3, sa voiture électrique entrée de gamme. Mais ne vous y méprenez pas, cette décision a été prise en désespoir de cause. Le lancement de la Model 3 est un désastre, et le recrutement de centaines de personnes à la va-vite ne va faire qu’empirer les choses.
Financièrement, Tesla court à la catastrophe. Wall Street doit déjà affronter les résultats décevants du premier trimestre, majoritairement dus aux difficultés rencontrées avec la production de la Model 3. Elon Musk a récemment reconnu les limites de l’automatisation à outrance, et les résultats du second trimestre seront analysés à la loupe. Tesla va non seulement devoir faire face à un coût de main d’œuvre plus élevé, en plus de devoir se débarrasser d’automates valant des millions de dollars.
Le milliardaire affirme maintenant que les Hommes sont sous-estimés, mais ce n’est pas en recrutant en masse que Tesla va gagner en efficacité. L’entreprise a triplé ses effectifs entre 2014 et 2017. Mais la productivité espérée n’est toujours pas au rendez-vous, alors que le revenu par employé stagne bien en dessous de celui de General Motors ou de Ford Motor, comme l’a remarqué Bloomberg.
Sur Twitter, Elon Musk a prédit avec assurance que Tesla sera rentable et que la trésorerie passera au vert au cours de la seconde partie de l’année, en prenant bien soin de préciser que l’entreprise n’aura pas besoin de demander davantage d’argent à ses investisseurs. Mais ce gonflement d’effectifs laisse entendre que le budget de l’entreprise est très serré. En effet, à partir de maintenant, toutes dépenses dépassant le million de dollars devront être approuvées par Elon Musk en personne.
Pendant ce temps, les autorités fédérales et nationales ont scruté le fonctionnement de l’usine de Tesla, après avoir reçu des signalements de conditions de travail dangereuses. Il n’est donc peut-être pas très judicieux d’inonder les lignes d’assemblage avec plus de 1 000 petits nouveaux en si peu de temps.
« L’entreprise court droit au désastre », affirme Kristin Dziczeck, vice-président de l’industrie, du travail et de l’économie pour le centre de la recherche automobile d’Ann Arbor, dans le Michigan. « Le fonctionnement de l’usine n’est pas fluide et on ajoute de la main d’œuvre non formée, ça ne peut pas marcher ».
Il convient de se demander si Tesla parviendra à embaucher 1 200 – ou plus – employés qualifiés à temps pour atteindre les objectifs de production ambitieux d’Elon Musk. Dans un récent courriel, le PDG de l’entreprise expliquait aux employés que son objectif était d’atteindre une productivité ambitieuse de 6 000 véhicules par semaine, soit le triple de la production actuelle, et ce, avant le mois de juillet. Ce nombre comprend une marge d’erreur de 20 % pour s’assurer de pouvoir sortir au moins 5 000 voitures par semaine. Cette marge d’erreur ne serait jamais acceptée chez d’autres constructeurs. Tesla ajoute que la qualité de sa Model 3 s’est considérablement améliorée au cours des derniers mois.
Afin d’atteindre ses objectifs, Tesla a décidé de recruter des ouvriers qui assureront le travail de nuit dans l’usine de Fremont. Mais où l’entreprise pourra-t-elle trouver autant de main d’œuvre sur un marché du travail aussi réduit ? Le taux de chômage dans les comtés d’Alameda et de Contra Costa en Californie est de seulement 3 %, ce qui est bien plus bas que le taux de l’état ou du pays. Le coût de la vie dans cette région est d’ailleurs rédhibitoire pour de nombreux ouvriers. Les représentants syndicaux affirment que la plupart des employés de Tesla résident à au moins une heure de route de l’usine ou alors habitent en colocation avec des collègues pour joindre les deux bouts avec un salaire de 19 $ (15,8 €) de l’heure. Tesla se voit alors obligé de recruter jusqu’à Fresno ou Modesto, qui sont des régions davantage rurales.
Ensuite, il y a la question de la formation. Nous avons demandé à d’autres constructeurs automobiles combien de temps il faut pour former un ouvrier avant qu’il ne soit totalement autonome, Tesla n’a pas souhaité donner de détails sur son processus de recrutement.
Entre 1984 et 2009, GM, Ford et Chrysler comptaient dans leurs rangs des milliers de travailleurs syndiqués licenciés payés pour ne rien faire. C’était grâce à ces réserves que les constructeurs pouvaient trouver des ouvriers capables et qualifiés en cas de besoin.
Aujourd’hui, c’est plus compliqué d’identifier, de sélectionner et de former de nouveaux ouvriers pour une ligne d’assemblage, même dans les régions fortement industrialisées. « Pour recruter 400 personnes, il nous faut douze ou treize semaines », nous a précisé un porte-parole de Ford, alors que Tesla envisage de recruter 400 personnes par semaine.
Pourquoi cela prend-il autant de temps chez Ford ? L’entreprise explique qu’il lui faut environ deux semaines pour recueillir assez de CV auprès d’agences pour l’emploi de la région et d’associations de minorités et d’anciens combattants. Ensuite, chaque candidat doit passer des tests de compréhension écrite et de logique. Cette première sélection prend au moins une semaine, mais souvent bien plus. Les candidats ayant réussi cette phase de tests doivent ensuite passer une visite médicale et un dépistage de drogues. Afin de pouvoir recruter 400 employés ne prenant pas de stupéfiants, l’entreprise affirme qu’elle doit étudier au moins 600 ou 700 candidatures, et cela ajoute deux semaines à la campagne de recrutement.
Les nouvelles recrues devront ensuite participer à une semaine d’intégration à l’entreprise. Ce séminaire d’intégration est assez poussé, alors Ford ne prévoit que cent employés à la fois. Il lui faut donc quatre semaines pour intégrer 400 employés. Ensuite, les employés sont fins prêts pour suivre la formation qui leur permettra d’occuper un poste spécifique. Cette formation prendra encore deux semaines.
Une fois détaillé, ce délai 12 semaines pour le processus de recrutement semble en effet indispensable. On peut donc affirmer que le planning de recrutement de Tesla n’est pas tenable.
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