Business | La presse s’est fait l’écho d’une stimulation importante de l’économie américaine après le passage de la chanteuse durant sa tournée. Les conséquences réelles sont en réalité beaucoup plus minimes.
« Si Taylor Swift était une économie, elle serait plus grande que celle de 50 pays », déclarait mi-2023 le président de QuestionPro, Dan Fleetwood. La société d’études de marché calculait alors que la tournée de la chanteuse américaine, « The Eras Tour » pourrait rapporter près de 5 milliards à l’économie mondiale. Un chiffre dérisoire comparé aux estimations de Bloomberg qui avance une contribution de près de 6 milliards d’euros au seul PIB de l’oncle Sam. En clair, les concerts de l’icône pop permettrait de stimuler la croissance. Un mythe est né : celui des « Taylornomics » (contraction de Taylor et economics).
A chaque nouvelle date, Taylor Swift arrive à attirer des milliers de fans. Conséquence : les restaurants sont pleins, les centres commerciaux pris d’assaut, les hôtels affichent complets. Dans de nombreuses villes, les prix de la nuit peuvent même tripler. En moyenne, le site de voyage Navan constate une hausse de 50% du tarif de la chambre. Les « Swifties » – nom donné aux fans de la chanteuse -, ne lésinent pas sur les moyens pour suivre leur idole. Citée par le Washington Post, QuestionPro évoque une dépense moyenne de 1 300 dollars pour assister à un concert (l’avion, l’hôtel, le ticket, les repas).
Ainsi, le Département touristique de Cincinnati a calculé, sur la base des données recensées, que le passage de Taylor Swift a rapporté 48 millions de dollars à la ville. Un montant similaire est avancé à Kansas City, près du triple à Denvers City. A Los Angeles, les retombées générées par les six concerts de l’artiste grimpent à 320 millions de dollars. De quoi enflammer la sphère médiatique. « C’est l’économie de Taylor Swift et nous vivons tous dedans », titre le Wall Street Journal. « L’économie (version Taylor) », intitule – sobrement – le Post. La frénésie autour d’effets macroéconomiques causés par la tournée de la pop star ne s’arrête pas aux frontières de l’Amérique. « L’économie américaine ensorcelée par Taylor Swift », s’enflamme Les Échos.
Effet d’éviction oublié
Preuve ultime de l’existence de ces « Taylornomics », une mention officielle de la Réserve fédérale de Philadelphie, succursale de la puissante Banque centrale américaine (FED). « Mai a été le mois le plus fort en termes de revenus hôteliers depuis le début de la pandémie, en grande partie grâce à un afflux de visiteurs pour les concerts de Taylor Swift dans la ville », stipule-t-elle dans son « Beige Book » du mois de juin 2023. Affirmation reprise, en septembre, par le président de la Fed de New-York, John William : « Il y a clairement un effet Taylor Swift sur les dépenses des consommateurs, parce que les gens ont dépensé pour le concert, l’hôtel, tout cela a été un phénomène important ».
Reste que les estimations sur les conséquences macroéconomiques des concerts de la chanteuse semblent avoir largement été surestimées. En cause, l’omission d’un phénomène important dans les calculs : l’effet d’éviction ou de substitution. « Les fans de la chanteuse ont certes dépensé des sommes importantes pour assister aux concerts de leur idole, se loger et se restaurer. Mais il est probable que ces dépenses se soient traduites par une baisse sur d’autres postes de dépense (effet d’éviction) », observe le cabinet Asterès dans une récente étude. En clair, rien ne garantit qu’il s’agisse de dépenses nouvelles issues d’un recours à l’épargne ou à des hausses de salaire, cela peut aussi provenir d’un transfert d’argent.
0,02% de la richesse créée
D’autant que les chiffres rapportés, aussi flatteurs qu’ils soient, apparaissent minimes une fois remis dans leur contexte. En 2023, le PIB américain s’élevait à 26 950 milliards de dollars. Les 6 milliards de dollars avancés par Bloomberg – qui ne semblent pas tenir compte de l’effet d’éviction -, ne représentent, in fine, que 0,02% de la richesse créée sur le sol américain durant l’année. « Une très large palette d’événements climatiques, sociaux, technologiques, politiques, monétaires, géopolitiques… auraient un impact économique d’une ampleur similaire aux concerts de Taylor Swift, sans que la presse ou les réseaux sociaux ne les mentionnent pour autant », tacle le cabinet.
Une question se pose désormais, la manne dégagée va-t-elle être réellement bénéfique aux économies locales ? Et là aussi, la charrue a, semble-t-il, été mise avant les bœufs. « Les six jours de Swift à Los Angeles ont produit, selon les estimations, assez de revenus pour créer 3 300 nouveaux emplois », se réjouit le Washington Post. Pour autant, les revenus engendrés n’entraîneront pas nécessairement de création d’emplois, ni de hausses de salaires voire d’investissement. Une chose est sûre, la « force économique » de Taylor Swift a été largement exagérée.
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