Chaque crise économique a montré la capacité de l’hôtellerie de luxe à se réinventer et à s’adapter. Cette industrie florissante depuis des décennies est, par sa dimension internationale, constituée de dirigeants et d’employés enclin aux changements et à la réactivité. Les crises sanitaires et économiques que nous traversons en seront encore un bon exemple. Des transformations profondes sont et seront opérées sur la manière de recevoir, mais de grands changements stratégiques verront également le jour. Par Guillemette Dormans, directrice générale de Blossom Projects, société d’audit et de conseils en hôtellerie haut de gamme et alumna Sup de Luxe.
A l’annonce du confinement, mi-Mars, les Palaces, hôtels de luxe et autres restaurants gastronomiques ont dû se remettre en question et réfléchir à l’après. Il s’est agi de prendre connaissance des nouvelles conditions sanitaires imposées par le gouvernement. Mais, si l’on prend quelques exemples phares de ce protocole, soumettre les clients à une distanciation sociale et remettre en question les systèmes d’aération et de ventilation des lieux publics n’est pas une mince affaire dans ce secteur très exigeant ! Qui aurait pensé que des pratiques sanitaires deviendraient un véritable outil marketing dans le tourisme ?
Les plus grands architectes d’intérieurs français ont été sollicités par leurs clients, leaders du marché, pour repenser leurs espaces. Et la réponse ne s’est pas fait attendre. Il était primordial de pouvoir offrir de nouveaux aménagements dans les lieux de réception. Sans cloisonner les tables dans des plexis corners, il a été nécessaire de modifier la gestion de l’espace, tout en maintenant la rentabilité de l’établissement. Le célèbre designer Patrick Jouin et Alain Ducasse ont d’ailleurs prototypé le restaurant du futur dans l’établissement « Allard » du célèbre Chef. Sans distanciation sociale en intérieur mais avec de gros aménagements techniques.
La clientèle des hôtels et restaurants de luxe étant majoritairement internationale (américaine, chinoise, russe, moyen-orientale…), il est devenu vital de recentrer les démarches de promotion sur les marchés de proximité, délaissés ces dernières années. Par « proximité », s’entendent les villes, les pays, et le continent européen. Les plus grands établissements français auront recours au staycation, terme anglais déterminant le fait de prendre des vacances « à la maison », et proposeront des offres adaptées à ces nouveaux touristes. Un couple lyonnais urbain, décidera ainsi de séjourner dans un bel établissement intra muros pour un week-end d’évasion, de gastronomie et de détente, loin des contraintes du quotidien. A titre d’exemple, l’Hôtel Plaza Athénée à Paris a créé le package Ultimate Staycation pour les parisiens et les français désireux de vivre le « Plaza Lifestyle ». Des prestations adaptées à cette nouvelle cible de clientèle sont inclues comme une arrivée matinale et un départ tardif ou encore le parking.
L’hôtellerie de luxe devra également faire preuve d’une plus grande flexibilité en termes de politique d’annulation des réservations car les voyageurs ont été largement échaudés pendant cette période de confinement et tardent donc à s’engager pour de prochains séjours. Le groupe hôtelier Mandarin Oriental a, comme beaucoup de ses concurrents, réduit à 24h avant l’arrivée la possibilité d’annuler sa réservation. Et cela, même sur des tarifs prépayés, souvent soumis à des conditions plus restrictives.
Par ailleurs, bon nombre d’établissements prestigieux ont développé une offre de gastronomie de luxe livrée à domicile pendant le confinement. C’est le cas de la célèbre Cheffe Stéphanie Le Quellec doublement étoilée au Michelin pour son restaurant La Scène. Guy Savoy et Hélène Darroze se sont également mis au take away. Les Chefs devront probablement conserver cette belle initiative après la réouverture si les clients tardent à revenir. Et même s’ils reviennent ! Découvrir qu’il est parfaitement possible d’obtenir ce revenu additionnel, grâce aux contraintes sanitaires propres à cette période, aura été un pari réussi !
A la réouverture totale des hôtels français, il faudra veiller à rassurer les voyageurs en proposant par exemple des coffrets au check-in incluant gel hydroalcoolique, masques, jeu de clés de chambre, billets de spectacles ou musées, mais également espacer les tables dans les restaurants, ou toute autre action permettant de maintenir un service de qualité et une expérience inoubliable, tout en observant des règles d’hygiène strictes.
Les mesures pour palier le manque de visiteurs sont nombreuses et les hôteliers sauront faire face à cette crise sans précédent. Néanmoins, le pouvoir d’achat des européens reste bien inférieur à celui de la clientèle de luxe internationale et le tourisme d’affaires mettra du temps à revenir ; le confinement a révélé une facilité déconcertante aux échanges internationaux à distance ! Il faudra donc miser en priorité sur le tourisme de loisirs et de bien-être, proposer une offre adaptée aux nouvelles conditions sanitaires, prospecter une nouvelle clientèle et travailler de nouveaux modèles. Cette adaptation nécessaire et ce besoin de se réinventer pourront, sans aucun doute lorsque le tourisme international sera dynamisé, apporter des vecteurs de croissance complémentaires aux hôteliers. Le retour à la normale se fera attendre certes, car il est prudent de ne pas envisager de réelle reprise avant la fin 2021, mais cette crise permettra, aux plus agiles et réactifs, d’actionner de nouveaux leviers stratégiques !
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