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Start-up : Donner Un Minimum D’Amour Aux Produits

Il y a neuf ans, Eric Ries publiait « The Lean Startup. » Un phénomène d’édition mondial traduit en plusieurs langues. La méthode qui y est décrite, aujourd’hui érigée au rang de dogme, a infusé toutes les scènes Tech et tous les écosystèmes. On y retrouve les « 5 Pourquoi » et l’Amélioration Continue directement tirée du « Lean Manufacturing. » On y retrouve aussi le concept de Minimum Viable Product (MVP). Cette version embryonnaire d’un produit à peine développé qu’il faudrait immédiatement lancer sous peine de se faire doubler par la concurrence. Et si le Minimum et le Viable seuls ne suffisaient plus? 

Le monde des start-up a aussi sa cosmogonie. Sa mythologie. Le Garage des parents comme lieu de tous les possibles. Le Manifeste d’un dieu caché promettant un monde décentralisé. Sans banques. Sans gouvernement pour faire tourner l’infâme planche à billets. Satoshi Nakamoto. Jobs. Gates. Zuck. Musk. Page & Brin.

Apôtres d’un Évangile nouveau. De Commandements nouveaux. Gravés en PHP sur le frontispice du Silicon Vatican. « Move fast and break things. « If the product you ship is perfect then you’ve released too late. » En bon français, le mieux est l’ennemi du bien. Et pas d’omelette possible sans casser quelques œufs. Des citations entourant les papillotes ouvertes pendant les fêtes. Des aphorismes aussi simples qu’expéditifs. Mais pas assez pour empêcher certains d’aller en chercher l’herméneutique chez Y Combinator aux États-Unis. Ou The Family en France. Ces vendeurs de pelles et de pioches profitant d’une nouvelle fièvre de l’or. Celle de l’entrepreneuriat. Se repaissant sur le dos de la bête. Celui de l’entrepreneur-orpailleur. Perclus de courbatures. Usé par ses rêves. Tamisant la boue du matin au soir. Et collectant une à une des pailles d’or dont il espère faire, un jour, un lingot.

Y Combinator et The Family lui enseignent d’abord ce qu’est un MVP. Un Minimum Viable Product. Cette version desséchée et fonctionnelle d’une technologie utilisée uniquement pour tester le marché. Et tant pis si cet MVP est moche. Tant pis s’il est à des années lumière d’une version parfaite et stabilisée. Tant mieux s’il ne fonctionne qu’à moitié. Tout ce qui compte c’est de lancer. Vite. Et itérer. Encore et encore. Jusqu’à la nausée. Tout ce qui compte, c’est trouver le bon dosage. Celui qui transformera la courbe d’adoption en asymptote. Élargissant le cercle d’utilisateurs au delà du geek de base. Et donner du vert à ses indicateurs de performance pour mieux parader devant les investisseurs. Et faire tranquillement monter les enchères.

Dis comme ça, c’est beau. Dis comme ça, c’est tentant. Y Combinator et The Family ramassent leurs chèques. Et l’entrepreneur ses rhumatismes. Incapable de placer le curseur sur ce que « minimum » et « viable » signifient dans son cas.

Un MVP pour de la voiture autonome ? Tuer moins d’un passant par mois.

Un MVP pour un traitement révolutionnaire contre le diabète ? Éviter de massacrer trop d’organes vitaux pendant les tests.

Le dernier bouquin de John Maeda s’inscrit contre cette doxa. Invitant les entrepreneurs à accepter que les beta-testeurs d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier. Que leur tolérance à l’inconfort d’une UX médiocre s’est effilochée. Et qu’ils ne sont plus de simples geeks cherchant à voyager d’un point A à un point B. La plupart ont pris goût aux bonbons et au chargeur iPhone pendant leur course Uber. Et aux mots gentils. Et à la climatisation aussi.

John Maeda propose un nouvel acronyme pour répondre à cette nouvelle réalité. Le MVLP. Le Minimum Viable and Lovable Product. Et toute la différence est dans le Lovable. Rendre la première version de son produit hautement désirable n’est plus superflu. C’est même essentiel. Sa conception ne peut plus être l’apanage d’ingénieurs enfermés dans leurs tours d’ivoire. Il faut laisser les Directeurs Artistiques y monter. Les commerciaux aussi.

Et laisser tomber le « let it be » des Beatles pour « All you need is love »

 

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