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Standard and Poor’s, Moody’s, Fitch : Quelle est la logique des agences de notation ?

Standard and Poor’s (S&P) vient de confirmer, ce vendredi 2 juin 2023, la note AA de la France. La première agence mondiale de notation ne s’aligne donc pas sur Fitch qui avait ramené, le 28 avril dernier, sa notation de AA à AA-.

 

Les agences de notation notent également les entreprises qui en font la demande. Et la notation est obligatoire pour tout émetteur d’obligations ordinaires qui ont vocation à être cotées en bourse. Dès lors, quelle est la logique des agences de notations ?

Les raisons de la dégradation de la notation par Fitch étaient claires : d’abord, des ratios qui se sont écartés des niveaux prévus par le Pacte de Stabilité et de Croissance. Ainsi, à la fin de l’année 2022, la dette publique de la France est proche de 3.000 milliards d’euros. Cela représente 111,6% du PIB alors que la dette publique des pays, dont ont la notation est AA, représente une part plus faible de leur PIB. Selon le Pacte de Stabilité et de Croissance, ce ratio devait d’ailleurs, historiquement, être plafonné à 60%. Par ailleurs, le déficit public de la France atteint 4,7% du PIB ; ce ratio devrait même être porté à 4,9% à la fin de l’année 2023 selon les prévisions du gouvernement, alors que le Pacte de Stabilité et de Croissance a fixé son plafond à 3%. Selon Fitch, les causes de cette nouvelle hausse du déficit rapporté au PIB sont les suivantes : le ralentissement de la croissance économique et de l’augmentation des dépenses publiques, induite par l’inflation. Mais Fitch insiste aussi sur deux points. Le premier est l’expression de ses doutes quant aux hypothèses de croissance du gouvernement, jugées optimistes et qui devraient permettre de ramener le déficit à 2,7% du PIB, soit en deçà de 3%, en 2027. Le second est la détérioration du climat social, à la suite de la réforme des retraites. Ceci fait ainsi craindre à Fitch de nouveaux dérapages budgétaires.

S&P, pour sa part, justifie le maintien de sa notation AA par la révision de la stratégie budgétaire du gouvernement. En particulier, la réforme des retraites et la fin programmée des aides énergétiques crédibilisent les objectifs du gouvernement de réduction des déficits. S&P souligne toutefois, comme Fitch, l’absence de majorité absolue du gouvernement à l’Assemblée Nationale. Une telle situation limite sa capacité à faire adopter de nouvelles réformes nécessaires à la réduction de la dette et des déficits. C’est la raison pour laquelle S&P maintient certes sa notation AA mais aussi sa perspective « négative ». En d’autres termes, sa notation n’est pas à l’abri d’un abaissement dans le futur.

La dégradation de la notation par Fitch ne s’est pas traduite par une hausse du taux des Obligations Assimilables du Trésor (OAT) que l’Etat émet pour financer son déficit budgétaire. Le maintien de la natation de S&P devrait confirmer l’absence d’augmentation du coût de la dette pour l’Etat. Pour mémoire, au sein de la zone euro, seuls 5 pays ont une notation meilleure que celle de la France : l’Allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg bénéficient de la notation la plus élevée, AAA ; de plus, l’Autriche et la Finlande sont notés AA+. Avec une notation AA, la France se situe au même niveau que la Belgique. En outre, le Royaume Uni, en dehors de la zone euro, a également une notation AA. Par ailleurs, l’agence Moody’s a indiqué, fin avril dernier, ne pas réviser sa notation de la France.

La notation exprime l’opinion de l’agence quant au risque de crédit, ou de contrepartie, auquel s’expose l’investisseur dans des titres représentatifs d’une dette. Lorsque l’émetteur d’obligations est une entreprise, la notation repose sur des critères différents de ceux retenus pour apprécier la solidité économique d’un Etat. Dans le cas d’une entreprise, un certain nombre d’indicateurs financiers permettent d’apprécier le risque de défaut de paiement qui conduirait à des pertes pour ses créanciers. A titre d’exemple, pour l’industrie automobile, Moody’s examine 4 points.

Le premier point est le profil économique de la société. Celui-ci détermine sa capacité à générer durablement des flux de trésorerie stables. Ceci repose sur l’attractivité de son portefeuille de produits qui garantit le maintient de sa part de marché. La notation prend alors en compte ses efforts d’investissement dans les nouvelles technologies qui favorisent une différenciation stratégique. En outre, dans le cas de l’industrie automobile, une forte présence sur 4 marchés clés permet une meilleure résilience en cas de ralentissement conjoncturel. Ces marchés sont l’Europe, l’Amérique du Nord, la Chine et le Japon, 

Les profits permettent de soutenir notamment les dépenses de marketing, les frais de recherche et développement et les investissements en capital humain. Ainsi, le deuxième point est l’analyse de la profitabilité et de l’efficacité de l’entreprise. Cette analyse est fondée sur le ratio qui met en regard l’EBITA (Earnings Before Interests, Taxes and Amortisations) et le chiffre d’affaires. Ce ratio est proche du taux de marge d’EBE, l’EBITA étant l’EBE réduit des seules dotations aux amortissements sur immobilisations corporelles.

Le troisième point est centré sur le levier financier qui détermine la flexibilité financière l’entreprise. Il conditionne aussi sa perrénité. Pour cela, l’agence de notation calcule 5 ratios : dette /EBITA, trésorerie d’actif/dette, capacité d’autofinancement / dette, free cash-flow / dette et EBITA / frais financiers.

Le quatrième point est l’analyse de la politique financière. Il s’agit alors d’évaluer la tolérance de la direction de l’entreprise vis-à-vis du risque financier. Une attention particulière est également portée sur sa capacité à implémenter, le cas échéant, les mesures nécessaires au rétablissement de la structure financière qui prévalait notamment avant des opérations de fusions et acquisitions.

Chacun de ces 4 points contribue alors respectivement à 40%, 20%, 30% et 10% de la notation finale de l’entreprise.

La notation relève donc d’une méthodologie qui est explicitée par type d’émetteur de titres de dette et, pour les entreprises, par secteur d’activité. La logique de la notation d’un état est prioritairement fondée sur sa capacité à assurer le développement économique dans le respect des grands équilibres budgétaires. Celle d’une entreprise est focalisée sur son aptitude à générer des flux de trésorerie et à accéder au financement externe, afin d’éviter le défaut de paiement.

Olivier LEVYNE est Professeur Affilié à HEC Paris

 

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