Après la Seconde Guerre mondiale, le dernier événement comparable à la pandémie actuelle de coronavirus, les États-Unis se sont concentrés sur l’endiguement du communisme. À l’époque, la théorie des dominos suggérait que la montée du communisme dans un pays pouvait rapidement se propager chez ses voisins. Aujourd’hui, cette hypothèse reste utile pour réfléchir aux répercussions de la crise sanitaire sur l’avenir de nombreux secteurs, en particulier la grande distribution.
Comme des dominos parfaitement alignés, le Covid-19 va faire tomber un à un les différents freins qui empêchaient les acteurs du commerce d’évoluer ces dernières décennies. De nouvelles innovations vont s’imposer, jusqu’à ce que le secteur soit bien différent de celui que nous connaissons. Certains changements prennent déjà forme, tandis que d’autres sont encore loin.
En fait, le virus a déjà fait tomber le premier domino, et l’article qui suit s’attelle à décrire la trajectoire qui sera sans doute constatée dans le secteur du commerce de détail. La vraie question n’est donc pas comment, mais quand ?
1. Le direct-to-consumer
Les secteurs de l’alimentation et des soins de santé sont les derniers à avoir tenté de résister contre l’avènement du commerce électronique, et le coronavirus n’a pas joué en leur faveur. En début d’année, le FMI a estimé que les courses en ligne représentaient non loin de 150 milliards de dollars aux États-Unis.
Alors que nous sommes dans l’obligation de rester confinés, les services de livraison à domicile proposés par la grande distribution deviennent une option très intéressante, ne serait-ce que pour éviter d’aller au contact d’autres clients potentiellement malades. La chaîne américaine Target a vu son activité de livraison exploser depuis le début du confinement, tandis qu’aux États-Unis Amazon peine à répondre à la demande.
L’occasion pour les distributeurs de comprendre que l’alimentation, comme tous les autres secteurs, finira par devenir entièrement numérique.
2. Le paiement sans contact
Cette tendance est elle aussi en plein essor. Dès le début de la pandémie, Walmart a annoncé que les clients pourraient désormais payer en magasin et récupérer leur commande « sans contact ». Les clients peuvent utiliser l’option Walmart Pay sur l’application Walmart afin de payer grâce à un code-barres généré automatiquement. D’autres chaînes, comme Starbucks, proposent ce système depuis des années, mais l’idée semble maintenant s’être généralisée.
Dès lors, d’autres formes de paiement mobile devraient également se généraliser. Selon une étude Bain & Company réalisée en 2018, les cartes de crédit sont le moyen de paiement le plus populaire aux États-Unis (80 % des consommateurs les utilisent), suivies des espèces (79 %), puis des cartes de débit (59 %). Apple Pay n’était en revanche utilisé que par 9 % de la population.
Mais les options numériques plus performantes devraient attirer de plus en plus de consommateurs à l’avenir.
3. Plus besoin de passer en caisse
Ces dernières semaines, de nombreuses chaînes de la grande distribution ont installé des protections en plexiglas devant les agents de caisse pour empêcher la propagation du virus au moment du passage en caisse. Pour les consommateurs qui préfèrent encore se rendre sur place pour faire leurs courses, il existe une autre option plus efficace et moins risquée : ne pas payer ses courses en magasin.
Plusieurs magasins aux États-Unis proposent déjà aux clients de faire leurs courses sans obligation de paiement immédiat. Cela peut fonctionner grâce à un système mobile « scan-and-go », ou d’une expérience de type Amazon-Go (comme il en existe plus de 20 outre-Atlantique), où l’on scanne un code-barres pour entrer dans le magasin dans lequel on prend tout ce que l’on veut dans les rayons avant de sortir. Les deux méthodes sont efficaces et permettent de limiter toute interaction humaine.
En résumé, les magasins sans caisse commençaient déjà à gagner du terrain avant la pandémie de coronavirus, et celle-ci ne fait qu’accélérer le mouvement.
4. Adieu supermarchés…
Pour faire simple, la définition conventionnelle du mot « magasin » va évoluer. Il ne s’agira plus d’un endroit où l’on fait ses achats, mais plutôt d’un point de collecte pour ses commandes. La semaine dernière, l’entreprise de grande distribution américaine Kroger a annoncé le lancement de son premier magasin à emporter uniquement pour les commandes click-and-collect, tandis que Starbucks a fait part de sa volonté de rendre tous ses magasins à emporter uniquement.
Ce que le coronavirus a mis en évidence, c’est que l’une des tâches les plus importantes d’un commerçant est d’aider ses clients à acquérir des produits, ni plus ni moins. Il y a donc de grandes chances pour que les marques de distribution placent des points de collecte à des endroits stratégiques (vers les bureaux, les salles de sport, etc.), sous la forme de casiers à l’image des Amazon Lockers, ou de grands distributeurs automatiques.
Les chaînes de la grande distribution y trouveront leur compte, car elles feront des économies sur les coûts de main-d’œuvre et les frais d’expédition. Pour sa part, le client y gagnera parce qu’il aura le luxe d’acheter des marchandises non seulement quand il veut, mais aussi là où il en a le plus besoin.
5. … Bonjour robots !
L’une des grandes inconnues à l’heure actuelle est ce qui se passera si le Covid-19 entraîne la fermeture des entrepôts ou des supermarchés entiers. Si le coronavirus (ou tout autre virus à l’avenir) atteint un jour un tel point de non-retour, les chaînes d’approvisionnement pourraient alors s’arrêter ou du moins ralentir fortement, compliquant ainsi l’action de faire ses courses. Par ailleurs, les coûts de fonctionnement quotidiens des distributeurs sont insoutenables, comme le prouvent les 1,2 million de personnes concernées par le chômage partiel depuis le début de la pandémie.
Il faut donc trouver comment faire plus avec moins. C’est à ce moment que la robotique entre en jeu. Des automates sont déjà utilisés dans les entrepôts de stockage, notamment chez Amazon, mais à terme ils s’occuperont aussi certaines opérations en magasin. Voir des employés travailler de nuit dans les points de vente pour les désinfecter et les réapprovisionner semble insensé, alors que des robots ou des drones intelligents sont tout à fait capables d’identifier les rayons de chaque produit, de déterminer les zones du magasin les plus exposées au risque d’infection et même de procéder eux-mêmes au nettoyage.
Les détaillants et les autorités locales constateront bien que les véhicules autonomes offrent un nouveau moyen de se connecter avec les clients. Cela peut sembler fou, mais imaginez qu’un véhicule autonome fasse des rondes de livraison dans votre quartier, et qui viendrait vous dépanner comme on appelle un Uber. De ce véhicule pourrait même sortir un robot qui déposerait votre commande devant votre porte, sur le trottoir ou dans un casier, et qui vous alertait à peine la livraison effectuée. Mais cette hypothèse signifie-t-elle moins d’emplois ? Possible, mais il faudra bien assurer la maintenance de ces automates, qui ne peuvent pas (encore) se réparer tout seuls.
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits