Face à la suprématie américaine et chinoise en matière d’intelligence artificielle, l’heure est au réveil pour l’Europe et la France doit abattre ses propres cartes pour mener le combat. Un enjeu plus que jamais d’actualité puisque Paris accueille en ce moment le Sommet sur l’IA, l’occasion pour l’Hexagone de faire ses preuves au niveau international à coups d’investissements colossaux et de programmes ambitieux.
À la veille de l’ouverture du sommet international sur l’IA de Paris, Emmanuel Macron amorçait une contre-attaque en annonçant des investissements privés à hauteur de 109 milliards d’euros en France pour développer l’intelligence artificielle dans les années à venir. Une offensive qui fait suite à l’annonce le mois dernier de Donald Trump de 500 milliards de dollars d’investissement dans l’IA dans le cadre du plan « Stargate », emmenés par les entreprises OpenAI, SoftBank, Oracle et MGX pour construire un gigantesque complexe de data centers. Ces 109 milliards d’euros investis en France correspondent principalement à des projets de data centers, nécessaires pour entraîner et faire fonctionner les IA.
Le fonds canadien Brookfield avait également indiqué vendredi vouloir investir 20 milliards d’euros en France d’ici 2030, dont 15 milliards pour de nouveaux centres de données. Mais Emmanuel Macron a assuré que les investisseurs ne seraient pas seulement étrangers. Il a cité notamment Orange, Thales ou encore Iliad, qui avait annoncé vendredi 3 milliards d’euros d’investissement dans l’IA, dont 2,5 dans ses data centers.
Des data centers pour faire de la France une figure de proue en matière d’IA
Le groupe Iliad de Xavier Niel et le fournisseur cloud Scaleway vont consacrer trois milliards d’euros à l’intelligence artificielle générative. Sur cette enveloppe globale, 2,5 milliards d’euros se destinent à la filiale OpCore d’Iliad, qui gère ses 13 data centers. Elle veut renforcer sa position dans le datacenter hyperscale dédié aux ressources de calcul pour l’IA. En paralèlle, Scaleway a investi dans 5000 GPUs Nvidia Blackwell, annoncés en novembre, ce qu’il décrit comme « la plus grande capacité de calcul commercialisable en Europe pour l’IA ».
La présidence française a annoncé jeudi 6 février la construction d’un data center géant en France, amorcée par les Émirats Arabes Unis. Ce data center d’une capacité pouvant aller jusqu’à 1 gigawatt fera partie d’un « campus » axé sur l’IA, le plus grand en Europe, selon l’Elysée. Cette opération représente « de 30 milliards à 50 milliards d’euros » d’investissements, dans le cadre d’un accord de partenariat signé en présence des présidents Emmanuel Macron et Mohammed Ben Zayed Al Nahyane. Une belle opportunité pour la France de renforcer son attractivité en termes d’IA au niveau mondial.
À cet effort de guerre, le champion français de l’IA générative Mistral AI compte bien participer. La pépite française vient d’annoncer la création de son premier data center dans l’Hexagone. Il sera situé dans l’Essonne. Au JT de 20 heures de TF1 ce dimanche, le PDG de la start-up Arthur Mensch a précisé que Mistral AI utilisera ce data center pour entraîner ses modèles, mais aussi qu’il a choisi la France « pour son efficacité énergétique et la qualité de son mix énergétique en matière d’émissions carbone ».
Mistral AI a rapidement su s’imposer comme un concurrent de taille face aux géants américains comme OpenAI ou Meta. « On a l’ambition d’être un leader mondial, on l’a démontré sur le plan technologique, maintenant on avance sur l’aspect produit pour le démontrer aussi », a déclaré Arthur Mensch. « On a déplacé largement les champions américains qui prétendaient que ça coûtait extrêmement cher de faire ces technologies ».
Des défis colossaux pour la France et l’Europe
Plus de 60 grandes entreprises ont annoncé ce lundi dans un communiqué, à l’occasion de l’ouverture du Sommet de Paris, le lancement d’une coalition visant à faire de l’Europe un « leader mondial » de l’IA et à simplifier « drastiquement » le cadre réglementaire européen. Nommée « EU AI Champions Initiative », cette alliance doit être présentée aujourd’hui à Emmanuel Macron, à 15 autres chefs d’État et à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Airbus, L’Oréal, Mercedes, Siemens, Mistral AI ou encore Spotify… Autant de géants industriels et technologiques qui rejoignent l’initiative, qui vise « à accélérer l’élan de l’IA en Europe en coordonnant les actions dans la technologie, l’industrie, le capital et les politiques publiques ».
« EU AI Champions Initiative arrive à un moment clé pour les dirigeants d’entreprises afin de positionner l’Europe aux avant-postes de l’IA et transformer notre économie », estime Arthur Mensch, fondateur de Mistral AI, cité dans le communiqué.
Selon la Banque européenne d’investissement, l’Europe capte seulement 5% des fonds du capital-risque dans le monde, contre 52% aux US et 40% en Chine. Le chemin est encore long mais l’effort est collectif et l’Europe est soudée dans la course à l’attractivité.
La Commission a annoncé il y a quelques jours la « boussole de compétitivité » destinée à relancer l’économie européenne et entend bien sortir de sa torpeur pour se hisser au niveau des deux premières puissances mondiales en matière d’IA. Sa présidente, Ursula von der Leyen, doit dévoiler la stratégie continentale sur l’IA lors de son discours de clôture du Sommet de Paris, demain.
Plusieurs défis à surmonter
La France et l’Europe ont beaucoup de retard à rattraper en matière d’investissements, mais de meilleurs résultats se profilent. Selon les dernières données de Pitchbook, les start-up dans le monde ont engrangé 368 milliards de dollars, soit 5% de plus qu’en 2023. Les start-up américaines ont récolté à elles seules près de 209 milliards de dollars en 2024, soit en hausse de 30% par rapport à 2023 et près de la moitié de ces fonds ont été attribués à des projets d’IA (46,4%). Une prouesse permise grâce aux méga-levées d’OpenAI (6,6 milliards de dollars), xAI (12 milliards), Anthropic (6,7 milliards) ou encore Databricks (10 milliards de dollars).
« L’Europe a un vrai rôle à jouer dans l’IA, mais elle doit adopter une approche différente de celle des États-Unis et de la Chine », commente Fleur Pellerin dans un article de Forbes.
À l’échelle mondiale, le secteur de l’IA a capté 131,5 milliards de dollars, soit en hausse de 52% par rapport à l’année précédente et les États-Unis représentent 75% du total, largement devant l’Europe (12%). Dans l’Hexagone, 839 tours de tables avaient été recensés en 2022, puis 808 en 2023 et enfin 660 en 2024. Des résultats peu satisfaisants, mais sauvés par l’IA et l’informatique, secteurs les plus financés en 2024 avec un total d’1,5 milliard d’euros contre 753 millions d’euros l’an passé, grâce aux trois levées historiques attribuées à Mistral AI (468M€), Poolside (454M€) et H (203,5M€).
Ainsi, la France progresse dans ses investissements mais la marche est haute pour rattraper son retard. Pour se lancer pleinement dans la course, elle aura besoin de plus d’investissements, plus d’homogénéisation des marchés européens et surtout plus de simplification pour briser le cercle vicieux : les USA innovent, la Chine copie et l’Europe régule.
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