Depuis 24 jours, les États-Unis connaissent un blocage inquiétant de leurs administrations induit par un désaccord majeur entre Démocrates et Républicains sur le budget 2019. En cause, le fameux mur anti-immigration à la frontière mexicaine pour lequel Donald Trump réclame au Congrès 5,7 milliards de dollars. Si une telle situation d’impasse juridique semble lunaire, les conséquences concrètes, elles, sont bien réelles.
Vendredi soir à minuit, heure de Washington, le shutdown, littéralement « l’arrêt » en français, est officiellement devenu le plus long de l’histoire des États-Unis, devant celui qui avait immobilisé le pays sous l’ère Clinton – 21 jours en 1995-1996.
A sa genèse, la promesse phare de campagne de Donald Trump, la construction d’un mur voué à lutter contre l’immigration clandestine en provenance du Mexique, pour lequel il réclame 5,7 milliards de dollars au Congrès et auquel les Démocrates – et certains Républicains à l’instar du Texan Will Hurd – sont farouchement opposés.
Si le bras de fer politique ne semble pas près de déboucher sur un compromis rapide, les conséquences directes sont immédiatement palpables.
Ainsi, depuis vendredi dernier, 800 000 fonctionnaires fédéraux n’ont pas touché leur chèque de salaire.
Le 22 décembre, les premiers symptômes étaient déjà apparus, avec près de 400 000 fonctionnaires jugés « non indispensables » placés en congés sans-solde, et le reliquat réquisitionné.
Si, à l’issue de la première quinzaine, ces derniers avaient perçu leur rémunération, tel ne sera plus le cas à compter du 11 janvier courant.
Certes, si l’ensemble du système bicaméral, Chambre Haute et Chambre Basse, a approuvé un texte visant à indemniser rétroactivement les fonctionnaires touchés une fois cette situation d’immobilisme terminé, les contractuels ne seront pas épargnés, n’étant pas inclus dans la définition stricto sensu prévue par le texte.
Par ailleurs, il n’en demeure pas moins que le blocage partiel des administrations induit par la nécessité de fermeture d’une grande partie des services publics coûte plus d’un milliard de dollars par semaine.
Une pléthore de conséquences en cascade
La SEC (Securities and Exchange Commission), l’organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, a suspendu tout traitement des dossiers d’introduction en bourse des sociétés prétendantes, induisant des répercutions économiques sur l’ensemble des marchés mondiaux.
Les familles les plus défavorisées, dont les loyers étaient jusqu’alors largement subventionnés par l’administration fédérale, se retrouvent menacées d’expulsion, car dans l’impossibilité d’en honorer le paiement.
Dans l’épicentre de Washington, principalement fréquenté par des fonctionnaires fédéraux, les restaurants, cinémas, zoos, et autres lieux récréatifs sont désertés voire fermés, induisant un impact économique drastique pour ce secteur économique.
Le ministère de la Justice est lui aussi particulièrement affecté par la situation.
Les tribunaux fonctionnent au ralenti, les audiences sont annulées, et dans les juridictions chargées des questions migratoires, seules celles visant à statuer sur les migrants en rétention sont maintenues.
Problème, les greffiers, notamment en responsabilité de communiquer aux migrants les éléments impérieux à la constitution de leurs dossiers, sont au chômage technique.
Les audiences pénales sont nonobstant maintenues, le budget couvrant les frais de fonctionnement des juridictions fédérales n’arrivant à épuisement qu’à la troisième semaine de janvier.
Mais de toutes les administrations, l’IRS (Internal Revenue Service), le fisc américain, est sans doute la plus touchée.
Avec seulement 10% de ses effectifs actuellement en exercice, et une date limite fixée au 28 avril pour que chaque résident fiscal américain fasse parvenir sa déclaration, les services commencent à devenir surencombrés.
Or, le système fiscal américain basé sur un principe de prélèvement liminaire, puis le cas échéant de remboursement, induit que chaque retard dans le traitement d’un dossier fiscal a un effet direct sur le pouvoir d’achat du contribuable.
Last but no least, ce shutdown est sans doute le plus paradoxal de ceux de l’histoire américaine.
D’ici 15 jours, si aucune solution n’est trouvée, c’est l’équivalent du budget requis par le président américain qui aura été englouti.
Alfred de Vigny le disait avec beaucoup d’élégance, « Tout homme a vu le mur qui borne son esprit ».
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