Souvent décrié par les ONG pour son empreinte environnementale ou le respect des droits de l’homme chez ses fournisseurs, le géant de la fast fashion Shein n’en finit pas avec la controverse. Son patron Donald Tang a encore affirmé lors d’un interview accordée au JDD que son entreprise n’a pas recours au travail forcé et qu’elle est vertueuse en matière environnementale. Décryptage.
Lors de cet entretien accordé au JDD, le patron du détaillant chinois défend une mode accessible à tous, en affirmant que l’entreprise « s’engage à proposer des prix justes et abordables ». « Grâce à notre modèle à la demande, nous garantissons le meilleur rapport qualité-prix. […]. C’est le fondement de notre modèle à la demande : nous produisons ce que les clients veulent, au moment où ils le veulent et là où ils le veulent », renchérit Donald Tang.
« Nous sommes pleinement conscients des enjeux environnementaux liés à notre industrie »
Le grand patron de Shein l’affirme. Sa marque agirait « en faveur des objectifs climatiques ». Pourtant, avec 29 milliards d’euros de ventes en 2023, Shein est aussi devenu le plus gros pollueur de son secteur, avec 16,7 millions de tonnes de CO₂ émises la même année. Des propos qui interviennent un an après l’adoption de la loi anti fast-fashion, qui tarde aujourd’hui à être examinée par le Sénat. Ce texte, proposé par la députée Horizons Anne-Cécile Violland, prévoit d’interdire la publicité pour « l’ultra fast-fashion » et de mettre en place des amendes pour pénaliser les produits extrêmement polluants et des récompenses pour les entreprises vertueuses.
« Nous sommes pleinement conscients des enjeux environnementaux liés à notre industrie et du rôle que nous devons jouer en tant qu’acteur mondial. C’est pourquoi nous intensifions nos efforts en matière de durabilité. », précise Donald Tang.
Mais les chiffres contredisent ces affirmations. Dans un rapport publié en juin 2023, l’ONG des Amis de la Terre estimait à 470 000 le nombre approximatif de vêtements disponibles en temps réel sur le site de Shein. Elle dénonçait son modèle d’ultra fast fashion à travers des réapprovisionnements quotidiens. « Shein propose en moyenne 900 fois plus de produits qu’une enseigne française traditionnelle », avançait l’ONG.
Avec 7 200 nouveaux modèles quotidiens, celle-ci a estimé à au moins un million le nombre de vêtements produits chaque jour, soit entre 15 000 et 20 000 tonnes de CO2 émises au minimum tous les jours. Une surproduction « incompatible avec les limites planétaires et des conditions de travail décentes », jugeait l’ONG.
« Une politique de tolérance zéro concernant le travail forcé »
Alors que Shein est régulièrement accusée de tirer profit de violation des droits de l’homme chez ses fournisseurs, son président exécutif a réaffirmé auprès de l’AFP « une politique de tolérance zéro concernant le travail forcé » au sein de la plateforme de vente en ligne. Shein imposerait à ses fournisseurs « un code de conduite conforme à la Convention de l’Organisation internationale du travail » et « des visites inopinées dans les usines » par des auditeurs indépendants.
Mais, suite à l’accusation de l’ONG suisse Public Eye qui contredit ces affirmations, la BBC a voulu le vérifier et s’est rendue sur place dans le « village Shein » à Guangzhou, dans le sud de la Chine. Les découvertes du quotidien britannique parlent d’elles-mêmes : les ouvriers de l’unité travaillent environ 75 heures par semaine et ne bénéficient que d’un jour de repos par mois, ce qui représente une violation de la législation du travail du pays.
« Tout dépend de la difficulté de l’article. Quelque chose de simple comme un t-shirt coûte un à deux yuans par pièce (soit 0.13 euros) et je peux en faire une douzaine en une heure. », témoignait une employée auprès de la BBC.
Les droits de douane, pas un obstacle pour Donald Tang
« Nous ne nous focalisons pas sur la politique douanière », assure Donald Tang. « Nous trouverons le moyen de fournir (aux clients) nos produits quoi qu’il arrive, car notre modèle économique nous permet de continuer à le faire. ». Depuis la mise en place par Donald Trump d’une surtaxe de 20% sur les produits importés de Chine, il est clair que Pékin est bien dans le viseur de Washington. Mais Donald Tang promet à ses 90 millions de clients américains que Shein va faire « tout ce qui est en son pouvoir » pour qu’ils ne soient pas affectés. S’il ne détaille pas les mesures que l’entreprise pourrait envisager, le patron de Shein rappelle que même pendant la crise sanitaire, l’entreprise a « réussi à livrer chaque paquet de chaque commande aux consommateurs, sans augmenter nos prix ».
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