Syncrétique. Serge Ekue l’est pleinement du secteur privé au public. Du Bénin à la Chine en passant par la France. Celui qui a été « le plus jeune dirigeant des activités de marché à Paris », célèbre sa famille. Des piliers, des ports d’attache entre deux décisions, deux rencontres avec des chefs d’Etat.
Être dirigeant. Une mission et une responsabilité incarnée par Serge Ekue. Depuis le 28 août 2020, il préside la banque Ouest Africaine de développement (BOAD). Protagoniste dans la réflexion mondiale portant sur le développement, il met en exergue la manière dont il endosse ce costume avec conviction et attention. Interview.
Comment appréhendez-vous votre rôle de président ?
Serge Ekue : Présider une des plus grandes et belles institutions du continent et de la région est un rôle éminent. J’ai un sentiment d’honneur et de responsabilité pour cette position institutionnelle qui se doit d’être maintenue. J’ai un style à la fois incisif et direct. L’action et le résultat priment. Je suis davantage dans la pratique que dans la doctrine. Je me considère comme un vrai soldat du développement.
Les attentes sont grandes. En quoi cette fonction confère-t-elle une forme d’aura ?
La responsabilité est éminente lorsque l’on préside une institution créée il y a 48 ans pour être le bras armé du développement. Le jour où vous vous asseyez dans le fauteuil, la pente est forte. Vous percevez, tout de suite, une responsabilité, et cela dès le premier parapheur. La BOAD est, d’ailleurs, une maison de culture écrite et non orale. Tout est vu et revu. C’est une maison processée où tout y est écrit. Le rapport au temps y’est donc nécessairement différent à celui d’une entreprise
Alors que la pente est forte à votre arrivée, sur quelles ressources prenez-vous appui ?
On ne se prépare pas directement à ce poste. La vie, l’éducation, le parcours vous y préparent. C’est peut-être se dire ‘ je dois aussi rendre ce que j’ai reçu’.
Il en va aussi de sa propre autorisation à investir une fonction de la sorte…
Un dirigeant a essentiellement des problèmes à résoudre. Il s’interroge : comment les régler ? Comment avancer ? Quand ? Où ? Comment ? Mon obsession est de chercher des personnes capables de relever des défis. On ne peut pas, on ne doit pas tout faire tout seul. Ce serait une erreur.
Le dirigeant doit identifier qui peut être « technicien » et qui peut être « manager ». Soit vous êtes indispensable (le technicien), soit vous êtes disponible (le manager). Les organisations ont longtemps cru que, pour progresser, il y avait uniquement la voie managériale. Lorsque vous faites de quelqu’un qui a le profil d’un technicien, un manager, vous perdez le technicien et vous n’avez pas le manager. Manager est un métier. Il faut arriver à trouver les moyens pour que technicien soit reconnu par la filière expert. Pour ma part, j’ai toujours fait partie des gens disponibles avec de nouvelles idées, projets et défis. Toutefois, avant d’être disponible, il convient d’avoir une base technique très forte. Quand on s’assoit dans le fauteuil de président, vous devez connaître les sujets , et être capable de challenger tout le monde.
A votre avis, qu’attend-on du président d’une banque comme la vôtre ?
D’être toujours clair dans sa vision des choses. Où l’on va ? Que fait-on ? Avec qui ? Quand ? Comment ? On ne bouge pas. C’est être stable. Je m’exerce à le faire. On s’enrichit des apports des autres mais on ne change pas la vision ni la stratégie. C’est une capacité d’être humeur égale. Je dis, d’ailleurs, à mes équipes : « je ne veux pas être craint, je veux être respecté ». Je veux faire appel à l’intelligence plutôt qu’à la peur. Je veux être respecté pour qui je suis et pour la fonction que j’occupe.
Comment avez-vous façonné cette assise ?
Ma mère m’a récemment dit « Je sais que je vous ai tous préparés ». Avec mes 5 frères et sœurs, elle nous a en effet appris à être aussi à l’aise dans un village que dans un palais présidentiel. A la fois très humaine et avec une forte puissance intérieure, elle n’avait pas besoin de nous parler quand nous étions enfants, son regard suffisait.
Mon épouse Adevi qui est plus que ma moitié et la mère de nos deux enfants adorés, m’aide à renforcer cette assise au quotidien, elle a toujours été mon point fixe et ma jauge de stabilisation tout au long de mes pérégrinations professionnelles qui nous ont conduits aux quatre coins du monde ces dernières années.
En quoi est-ce important pour vous de voir les traductions concrètes des décisions d’investissements de la BOAD ?
Par exemple, voici quelques jours, nous étions au Burkina Faso avec le ministre des Infrastructures Eric Wendenmanegha Boudouma. A la suite de notre échange, nous avons bousculé mon agenda initialement prévu afin d’ aller voir sur le terrain une technique pour éviter les pollutions sonores liés au goudron, et s’intéresser aux riverains. .
L’accent est fortement mis sur l’humain…
Soit vous êtes seulement « institutionnel » et vous le restez, soit vous vous intéressez à l’action concrète, au terrain, à la technique. Il faut être curieux ! Je ne peux pas regarder et commenter ma propre actualité. Je ne suis pas un spectateur mais bien un acteur. Je ne veux pas être un théoricien mais un praticien.
La réalisation dont vous êtes le plus fier depuis le début de votre mandat ?
Sans aucun doute, a mobilisation de nos équipes sur les sujets stratégiques. L’adhésion à ce que l’on veut faire est très forte. La BOAD est dans l’agenda international du financement du développement. Nous avons établi et mis en place des standards et des modes de réflexion.
A quoi sont liés les points saillants de votre parcours ?
« Dans la vie pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous », écrivait Paul Eluard. Je crois que c’est l’histoire de ma vie ! Des personnes ont transformé ma vie en me faisant confiance. Je pense ainsi au Président de la République du Bénin M. Patrice Talon, au Colonel Georges Meurice, à Olivier Schatz, François Riahi, Laurent Mignon, François Pérol, ou encore à l’ancien Premier Ministre et Président de l’Assemblée Nationale du Bénin M. Adrien Houngbédji .
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