Lassée des lenteurs administratives et du « parcours du combattant » des procédures et autres réglementations, la start-up SeaBubbles, projet phare du navigateur Alain Thébault, pourrait être tentée de faire « voler ses bateaux » au-dessus d’eaux plus favorables. Loin de l’Hexagone.
Le rêve de voir des taxis survoler la Seine a visiblement du plomb dans l’aile. Peaufinés par Alain Thébault, auquel on doit également l’hydroptère, les bateaux-Taxis SeaBubbles, « zéro bruit, zéro vague et zéro émission et capables de s’élever d’une cinquantaine de centimètres au-dessus de l’eau » et au design futuriste, pourrait ne jamais défier les eaux calmes et saumâtres du plus célèbre fleuve de France. Le projet était pourtant porté aux nues par Emmanuel Macron du temps où celui-ci officiait à l’Economie, faisant notamment état de sa volonté, au cours du salon VivaTechnology de juin 2016, d’équiper les services des douanes de deux véhicules estampillés SeaBubbles. Une doléance qui restera lettre morte, le futur chef de l’Etat s’attirant, au passage, les foudres de ses collègues de Bercy, Christian Eckert et Michel Sapin, qui lui ont rappelé que les services de douanes relevaient du champ d’action du ministère des Finances, leur prérogative. Anne Hidalgo, maire de Paris, a également loué les vertus de ces véhicules futuristes idoines pour décongestionner les grandes métropoles. Pourtant, malgré ce satisfecit public, la start-up a résolument du mal à se développer en France car elle se prend les ailes dans une réglementation exigeante et tatillonne, au point d’envisager de voler vers de nouveaux horizons.
« C’est un parcours semé d’embûches pour deux oiseaux du large comme Anders et moi », souligne Alain Thébault, recordman de vitesse, dans un entretien accordé à Reuters, et faisant référence au cofondateur de l’entreprise, Anders Bringdal, un Suédois champion du monde de planche à voile. Et d’asséner le potentiel coup de grâce. « Nous ne resterons pas en France si cela devient trop compliqué. On va aller là où c’est le plus simple », poursuit-il, en précisant, tout de go, qu’il tiendra quoi qu’il arrive la promesse faite à Anne Hidalgo de faire « voler » des taxis sur la Seine. Mais si Alain Thébault est un homme de parole, la réglementation actuelle concernant la circulation sur le fleuve pourrait avoir raison de sa volonté et de sa détermination. En effet, comme rappelé par Reuters, cette réglementation interdit de circuler à plus de 12 kilomètres par heure sur la Seine dans le cœur de Paris. Soit à des années-lumière de la « vitesse de croisière » des véhicules SeaBubbles qui atteignent leur pleine efficacité autour de 40 à 50 km/h.
SeaBubbles « bridés »
« Une limitation de vitesse » destinée à ce que les bateaux et autres véhicules arpentant les rives de la Seine ne fassent pas trop de bruit à proximité d’espaces résidentiels et autres berges résolument touristiques comme l’Ile de la Cité. Mais la mairie de Paris ne pourrait-elle pas faire preuve de davantage de souplesse, à l’instar d’autres municipalités, comme Chicago qui s’est, par exemple, déclarée prête à faire évoluer les règles après avoir eu « un véritable coup de foudre » pour le projet SeaBubbles ? Mais « Windy City » n’est pas la seule à avoir les yeux de Chimène pour SeaBubbles qui a déjà suscité la curiosité de géants de la Tech américaine comme Google, Twitter ou encore Facebook. Autre exemple de la « frilosité française » déplorée par Alain Thébault, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), dont l’une des missions est de promouvoir des modes de transport innovants, a refusé à la jeune pousse une subvention de 200 000 euros. Si l’argent n’est pas un problème pour SeaBubbles – en passe de lever près de 100 millions d’euros d’ici début octobre, ce refus a été symboliquement difficile à digérer pour Alain Thébault.
« Ils n’ont pas été retenus par le comité de pilotage pour être financés parce que les investissements d’avenir financent des projets qui vont aller sur le marché et avec un modèle d’affaires démontré », explique, toujours auprès de Reuters, Sophie Garrigou, responsable du programme « Véhicule du futur » à l’Ademe et qui a distribué pour près de 20 millions d’euros de subventions depuis 2011. Une explication peu convaincante aux yeux du navigateur qui, pour financer la technologie et créer sa start-up n’a eu d’autre alternative que de vendre sa maison. Le navigateur, à l’origine de l’hydroptère, déplore également le manque de célérité des procédures en France. « Les banques ont mis deux mois avant de permettre à SeaBubbles d’acheter deux voitures en leasing, et la rédaction des statuts de l’entreprise a pris un mois », souffle le navigateur.
Et maintenant ?
Divers éléments qui pourraient contraindre Alain Thébault à faire voguer – ou voler – ses bateaux dans des contrées plus favorables. Pour rappel, La France est 115e sur 138 au classement du Forum économique mondial sur la compétitivité en ce qui concerne « le poids de la régulation », et figure à la 129e place en matière de procédures d’embauche et de licenciement. « On vise un grand mouvement de simplification qui passe par le numérique », dit-on dans l’entourage du secrétaire d’Etat au numérique Mounir Mahjoubi, cité par Reuters. « L’idée est de dématérialiser les procédures administratives ». Un assouplissement s’impose, en effet, sous peine de voir SeaBubbles – ou d’autres – prendre le large.
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