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Saison des Assemblées générales : quelle continuité avec 2023 ? Quelles ruptures pour 2024 ?

« La saison 2024 des assemblées générales – instant solennel, surveillé et médiatisé – confirme donc déjà cette tendance de fond qu’est la volonté d’appropriation de leur pouvoir par les actionnaires, désireux d’exercer une influence sur le projet d’entreprise des sociétés dans lesquels ils sont investis. »

 

Le dépôt d’une résolution consultative visant à « mettre fin au cumul des fonctions de président et directeur général » chez TotalEnergies a bruyamment rappelé que la saison 2024 des assemblées générales était ouverte. Même si conseil d’administration de la major pétrolière a rejeté l’inscription de ladite résolution à l’ordre du jour de l’AG et rappelé – à juste titre – que l’unité du pouvoir de direction et de représentation de la société n’est pas synonyme en soi de pouvoir déséquilibré, on ne peut que voir dans cette initiative d’un collectif d’investisseurs le rappel que les actionnaires veulent continuer de peser davantage dans leur relation avec les entreprises.

La saison 2024 des assemblées générales – instant solennel, surveillé et médiatisé – confirme donc déjà cette tendance de fond qu’est la volonté d’appropriation de leur pouvoir par les actionnaires, désireux d’exercer une influence sur le projet d’entreprise des sociétés dans lesquels ils sont investis.

En quelques années, un double principe de redevabilité et de transparence a induit un changement majeur du paradigme du pouvoir, qui a heurté de plein fouet la hiérarchie des compétences établie. Cette évolution s’est traduite par une modification profonde du rapport de force entre les dirigeants et les actionnaires, qui ne se contentent plus du seul traitement capitalistique de leur participation et souhaitent désormais exercer une influence sur la stratégie de l’entreprise, aux niveaux de sa conception et de sa mise en œuvre.

Il en résulte inévitablement une demande renouvelée d’engagement actionnarial, afin d’instiller une relation au long cours entre la gouvernance de l’entreprise et ses actionnaires, bien au-delà de la seule AG, devenue davantage une caisse de résonnance du mécontentement des investisseurs qu’un moment d’échange constructif.

La pression exercée sur les entreprises pour adopter un changement de modèle en phase avec les transitions en cours s’est aussi étendue aux investisseurs, qui doivent donc calquer – dans une certaine mesure – leurs attentes vis-à-vis des entreprises aux attentes des citoyens et des « parties prenantes » toujours plus nombreuses.

Mais c’est aussi dans cette nouvelle tension qu’une tendance se fait jour. En effet, parmi les investisseurs, de plus en plus nombreux sont ceux qui renouvellent publiquement leur attentes en matière de profitabilité et de retour aux actionnaires, notamment par voie de dividendes. Ils rappellent utilement – tout en étant très au fait des nouvelles exigences réglementaires en matière de RSE et des défis posés par le changement climatique – qu’une entreprise doit être rentable pour exister et que les dirigeants seront aussi jugés sur leur performance opérationnelle. Et de fait, si les investisseurs démontrent depuis quelques années leurs attentes en matière de création de valeur extra-financière, ils rappellent que celle-ci ne saurait s’effectuer aux dépens de la performance financière et boursière.

Ces mêmes investisseurs rappellent aux administrateurs leur attachement à l’assiduité des membres des conseils, la diversité de leurs compétences et leur capacité réelle à s’impliquer dans la conception de la stratégie et le contrôle de sa mise en œuvre. Cette surveillance des administrateurs n’est dorénavant plus seulement le fait des activistes.

Ceux-ci confirment d’ailleurs leur vivacité : 2023 aura été une année record en Europe, à la fois en nombre de campagnes initiées (69 ; +15%) et en pourcentage de first-timers ou primo-activistes (46%) parmi les initiateurs de campagnes, signe aussi de l’apparition d’un activisme opportuniste pratiqué ponctuellement par des fonds qui n’ont pas l’intention d’un faire un modus operandi régulier.

Ces primo-activistes appartiennent à deux catégories d’investisseurs :

  • les activistes spécialistes de l’ESG, qui représentaient 1% des initiateurs de campagnes sur la période 2018-2022 contre 9% en 2023 ;
  • et des activistes épisodiques que sont des fonds de private equity, des family offices et de gros investisseurs individuels, qui représentaient 11% des activistes sur la période 2018- 2022 et 16% en 2023.

On observe encore en 2023 une certaine conflictualité du dialogue actionnarial, où les sièges en conseil d’administration sont davantage « gagnés » par les activistes à l’issue de proxy fights que d’accords entre la société et leurs actionnaires. Les Places financières ont besoin de transparence certes, mais aussi d’apaisement.


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