Rossignol, La Compétition Sportive Et Le Marché Chinois

Martin Fourcade est reparti des Jeux Olympiques d’hiver de Pyeongchang couronné de succès. Ses trois médailles d’or compléteront sa vitrine de trophée, installée dans le hall d’entrée du siège Rossignol. On y découvre quatre médailles Olympiques, six gros globes de cristal, 20 petits globes de cristal,  et 25 médailles mondiales. Rencontre avec Bruno Cercley, Président du Groupe Rossignol.

Quelle est l’ADN du groupe Rossignol ?

La compétition et de la course fonde l’ADN de notre marque. Dès le hall d’entrée du siège, vous êtes accueillis par  » l’Atelier Course » qui trône au cœur du groupe. C’est ici que sont produit les skis de coupe du monde. La course est à l’origine de notre savoir-faire : nous développons des produits à partir de nos technologies, nous les testons et les validons en compétition, grâce à de grands champions comme Martin Fourcade, puis nous les commercialisons.

Quel est le type de collaboration que vous avez avec ces champions ?

Nous avons mis en place un Programme Junior Rossignol pour identifier des futurs champions dans le monde. Cinquante salariés du groupe sont présents sur différents sites, des écoles et des clubs de skis, pour équiper et travailler avec des milliers de jeunes skieurs. Pour développer et valider un produit, nous avons besoin de collaborer en permanence avec les champions que nous accompagnons progressivement jusqu’à la coupe du monde. En ski alpin, nous continuons par exemple de travailler avec Didier Défago, ancien champion olympique suisse de descente, pour développer des solutions techniques de semelles de ski novatrices.

Quelle est votre politique en matière de R&D ?

Nos dépenses en recherche et développement ont représenté 8% de notre chiffre d’affaires 2017 soit environ 25 millions d’euros y compris « L’atelier Course ». Cent personnes travaillent dans ce département. Les produits tirent avantage des dernières avancées technologiques et disposent de détails techniques innovants recherchés par les champions. Par exemple, le ski free ride de Rossignol est un dérivé de la compétition sur lequel nous avons diminué les vibrations de la spatule en réduisant le poids de la matière grâce à une structure en nids d’abeille. Le résultat est que l’inertie du ski est plus faible, facilitant d’autant la mise en virage en neige profonde, tout en gardant une bonne tenue sur neige dure, grâce à son profil  » rocker  » aux extrémités.

Nos produits sont conçus pour chaque typologie de skieur et sont fabriqués principalement dans nos usines implantées en France, en Espagne et en Italie.

Quelle est l’histoire de la marque française Rossignol ?

La marque a gagné ses lettres de noblesse grâce aux vainqueurs qui se sont succédés générations après générations. La ville de Grenoble fête cette année les 50 ans des Xème Jeux olympiques d’hiver 1968-2018. Dans les années 60-70, le ski était le permier sport médiatique à la télévision : les stars comme Jean-Claude Killy ou les sœurs Goitschell étaient les rois du monde. Le développement du ski était très rapide et très important au niveau de la compétition et dans les stations. En France, les pays de montagne ont tous eu une forte volonté de développer cette filière pour lancer les sports d’hiver, créer des emplois et dynamiser la chaîne économique. En France, avec le Plan Neige, l’Etat a créé plus de 20 stations de ski dans les Alpes et donné au pays sa place de leader mondial du tourisme de neige sous l’impulsion de ces grands vainqueurs. Ils avaient une vision économique mondiale du ski et des sports d’hiver. Jean-Claude Killy est d’ailleurs parti après 1968 aux Etats-Unis pour faire la promotion du ski avec l’aide de l’homme d’affaires Mac Cormack. A cette époque, Rossignol a été visionnaire en étant le premier à accompagner ce développement mondial en implantant des usines dans tous les pays. En 2004, Rossignol a fêté avec faste la production de sa cinquante millionième paire de skis. Aujourd’hui les sports d’hiver se sont démocratisés mais dans les médias, le ski a été relégué loin derrière d’autres sports comme le football.

Quelle est la taille de votre marché ?

En 2016, le marché représente, en fonction de l’enneigement, entre 300 millions et 400 millions journées-skieurs dans le monde dont la France (environ 52 millions) Autriche (50 millions), USA (54 millions) et la Chine (10 millions). Le chiffre d’affaires des sports d’hiver reste relativement limité comparé à celui du sport en général : 1,8 milliard d’euros pour le matériel et 3 milliards si on y ajoute les vêtements contre environ 60 milliards pour le sport au niveau mondial. En 2016, 3.2 millions chaussures de ski ont été vendues dans le monde et 3 millions paires de ski (5.3 millions en 1994 et 11 millions en 1980). Si la pratique du ski reste forte et stable dans les pays de montagne, le marché du matériel a fortement baissé au cours des 20 dernières années compte tenu du développement de la location qui représente aujourd’hui environ 50% de l’utilisation des produits.

Quel est l’enjeu du marché chinois ?

La République Populaire de Chine devrait progressivement constituer un marché important pour les acteurs mondiaux du sport d’hiver, et en premier lieu Rossignol. La Chine pourrait représenter 100 millions journées-skieurs dans 10 ans! Pékin va accueillir les Jeux Olympiques d’hiver en 2022. Le gouvernement chinois prévoit d’avoir 1000 stations de sports d’hiver en 2022 contre 650 à ce jour. Le gouvernement veut que les chinois fassent du sport, sortent des villes et découvrent la neige. Il a une forte volonté, comme la France avec son Plan Neige dans les années 1960/1970, de développer rapidement les infrastructures liées au ski, à l’hébergement, au transport. Fin 2019, la première station Genting Resort Secret Garden sera à 40mn en train à grande vitesse de la gare centrale de Pékin. Cette station prévoit 70 000 lits (soit l’équivalent de Val Thorens) dont la moitié sont déjà construites. L’enneigement, essentiellement artificiel, est de bonne qualité malgré les faibles précipitations. La neige de culture permet d’avoir de la neige pendant toute la saison car il fait très froid. Les pistes de ski ont été bien conçues.

En revanche, ils n’ont aucune connaissance des sports d’hiver et ne savent pas comment faire venir les chinois dans les stations. Rossignol est très présent en Chine avec l’organisation de compétitions pour que les jeunes skieurs chinois s’identifient aux champions. Nous avons une option avec un partenaire local pour alimenter le modèle de la course, le développement des clubs et des écoles de ski, de l’internet, du Programme Junior, des boutiques, et de la location dans les stations.

Quelles sont les ambitions de Rossignol dans le textile ?

À la suite de l’arrivée de nouveaux actionnaires à son capital en 2014 dont l’italien Domenico de Sole, ex-PDG de Gucci et désormais président de Thom Browne, et Tommy Hilfiger, fondateur du groupe éponyme, Rossignol entend développer son activité dans le textile. Dans quelques années, nous voulons obtenir un chiffre d’affaires supérieur au secteur du matériel. Pour y parvenir, Rossignol a implanté à Milan une filiale dirigée par Alessandro Locatelli, venant de Balmain et chargée de développer Rossignol, également en dehors des pistes de ski.

Rossignol entend ainsi poursuivre le développement des vêtements de ski en montagne mais aussi « descendre » dans la ville en utilisant son exigence technique liée à la compétition pour concevoir des vêtements de sport chics et fonctionnels adaptés au monde urbain. Pour accélérer le déploiement de sa branche textile, de grands couturiers comme Jean-Charles de Castelbaljac, Tommy Hilfiger où le styliste italien Andrea Pompillo se sont joint à la marque. Depuis 2016, Rossignol organise des défilés pour présenter ses nouvelles collections lors des fashion weeks de Milan.

Cette activité textile a réalisé un chiffre d’affaires de 40 millions en 2017 à travers un réseau de boutiques en propre (15 points de vente en Europe, 10 en Chine et bientôt Amérique du Nord) des grossistes et l’internet.

Quelle est votre stratégie digitale ?

Le e-commerce est primordial et s’adresse principalement au textile associé au cross-canal que nous avons développé en partenariat avec le réseau de distribution magasins. La vente de matériel en direct sur internet est peu développée. Elle est surtout réalisée par nos détaillants qui apportent conseils et services à notre clientèle. En complément, nous sommes très présents sur les réseaux sociaux en ayant un contenu digital créatif authentique afin d’établir un dialogue direct entre notre communauté et la marque.
Par exemple, nous avons annoncé en 2015 la sortie du premier ski connecté avec la commercialisation d’un capteur dédié à la mesure de la performance sportive dans le ski à partir d’une application pour Smartphone. Ces performances permettent des partages de statistiques personnelles sur Facebook, … Rossignol totalise à ce jour plus de 400 000 fans sur Facebook (200 000 en 2013) et 150 000 abonnés sur Instagram.

Quelle est votre stratégie dans le marché du vélo : ski l’hiver et vélo l’été ?

Notre notorité peut être utile sur d’autres segments car elle est sous-exploitée au niveau du marché de ski qui est représenté à 50% par les loueurs. Le marché du vélo est en progression. Nous avons remarqué que les cyclistes sont souvent des skieurs et inversement. Nous avons pénétré ce marché par croissance externe en faisant l’acquisition de deux sociétés : le fabricant français Time (10 millions d’euros de chiffre d’affaires) et le fabricant américain Felt Bicycles (50 millions d’euros de CA). Ces deux sociétés ont un réel savoir-faire technique dans la conception et la fabrication. Nous avons développé de nouveaux vélos très techniques et haut de gamme dont les prix varient entre 5000 et 15 000 euros.

Tout en poursuivant le développement de ces deux marques, Rossignol a aussi intégré les savoir-faire pour développer des vélos (VTT et VTT électriques) destinés à être utilisés en toutes saisons sur notre terrain de jeu favori : la montagne.

Quelle est la devise de Rossignol ?

« Another Best Day », c’est notre griffe, notre signature.  « Chaque jour avec Rossignol est un jour extraordinaire, à l’origine de souvenirs inoubliables ». Cela représente bien les valeurs de la marque. 

Rossignol en quelques mots/chiffres :
Siège social international : Saint-Jean de Moirans (Grenoble)

Marques du Groupe Rossignol : Rossignol et Dynastar (matériel de ski) ; Lange (chaussures de ski) ; Look (fixations de ski) ; Kerma (bâtons de ski et protections) ; Time (cycles) ; Felt (cycles) ; Raidlight/Vertical (matériel de trail running et de randonnée/alpinisme) ; Risport (patins à glace); Rossignol Apparel (textile); Rossignol Cycles (vélo).

• Création en 1907: les premiers skis en bois au monde sont fabriqués à Voiron par le menuisier Abel Rossignol
• 320 millions d’euros de CA au 31 mars 2017 (203 millions au 31 mars 2013) dont 72% dans l’équipement de sports d’hiver et 18.5% dans le vélo
• 500 millions d’euros de CA prévisionnel dans 3/4 ans avec un résultat net positif
• 1315 personnes dans le monde dont 702 en France
• Rossignol a vendu 900 000 paires de skis et 50 000 snowboards en 2017
• Rossignol a 20,4 % de parts de marché du ski alpin et 15,1 % de parts de marché de la chaussure alpine dans le monde en 2017.