En l’espace de quelques années, grâce à Netflix, l’usage et l’accès à la vidéo se sont entièrement transformés. Téléchargement, visionnage en streaming… ont encouragé une nouvelle forme de consommation, estoquant au passage les supports physiques (DVD et Blu-ray) dont les ventes ont été divisées par deux entre 2014 et 2019. Précurseur, Netflix a su répondre avec succès aux nouveaux besoins de consommation vidéo. Mais l’hégémonie de la firme de Los Gatos vacille. Les chiffres mirobolants du secteur – le marché européen aurait représenté plus de 8 milliards de dollars de revenus en 2019 – ont fait réagir les géants de la tech, mais aussi les acteurs traditionnels (câblo – opérateurs comme producteurs) tous désireux d’obtenir eux aussi une part du gâteau.
En 2020, la multiplicité des plateformes va favoriser la concurrence et développer des catalogues vidéo à la fois exclusifs et inédits. Même si le grand gagnant de ce duel sera le consommateur, reste à savoir qui gagnera la guerre du contenu.
2020, une bataille titanesque entre anciens et nouveaux acteurs du streaming
En bousculant les codes du secteur, Netflix a généré de l’intérêt mais surtout de la convoitise. En voyant son succès international, de nouveaux acteurs ont donc décidé de se greffer au marché du streaming pour se diversifier mais surtout s’attaquer à une industrie florissante. Pour Netflix, 2020 sera une année charnière à la fois pour conforter ses bases mais aussi pour faire face à la plus virulente vague concurrentielle que la plateforme ait vécue.
Malgré des rivaux traditionnels sur lesquels la firme a pris l’avantage – Hulu, HBO Max, Peacock, TubiTV, NBA ou encore MLB – Netflix semble plus inquiet de l’arrivée des géants internationaux de la tech. Amazon Prime Video, Disney+ et Apple TV+ ont en effet des atouts qui font la différence : une notoriété installée, des services utilisés par des millions d’utilisateurs et le nerf de la guerre, de très larges budgets. Et les premières attaques ne laissent pas indifférent : Amazon compte investir pas moins d’1 milliard de dollars pour financer sa série “Le Seigneur des Anneaux”.
Pour conquérir définitivement le secteur, les géants des médias et de la tech se sont donc donné les moyens de réussir et de renouveler leur modèle. Selon certaines estimations, Amazon et Apple ont respectivement dépensé 7 et 5 milliards de dollars en contenu original en 2019.
Des contenus exclusifs pour fidéliser l’audience
La guerre du streaming va notamment se jouer sur l’exclusivité de contenu. Et des stratégies ont déjà été mises en place depuis quelques années. En rachetant Marvel et la Fox, Disney s’est assuré une audience, celle de ceux souhaitant prolonger l’aventure de leurs héros de grand écran en séries. Et l’un des fondements de cette guerre sera la rétention d’utilisateurs.
L’arrivée des services de SVOD et la multiplication des acteurs a entraîné une évolution profonde du marché. La relation entre les chaînes, les producteurs et les distributeurs ainsi que les acteurs a remis en question l’équilibre audiovisuel. En internalisant leurs productions, les plateformes de SVOD ont pris le contrôle des droits des œuvres qu’elles produisent, s’assurant ainsi l’exclusivité de leur contenu. Toutefois, si les utilisateurs sont constamment à la recherche de nouveauté, ils ne seront pas prêts à investir dans plusieurs plateformes pour regarder leurs programmes préférés. Et Netflix a une longueur d’avance. A l’heure actuelle, seule la plateforme de Los Gatos est représentée dans des compétitions internationales telles que les Oscars, gagnant en crédibilité et assurant à son public une certaine qualité de contenu.
Pour fidéliser leur audience, les acteurs du streaming investissent fortement. Netflix, à lui seul, a engagé 14 milliards de dollars en 2019 dans des productions inédites pour résister à la vague de concurrence émergente, investissant notamment 140 millions de dollars dans le dernier Scorcese et 150 millions pour le film “6 Underground” de Michael Bay. Mais ces investissements coûtent chers et le coût d’acquisition d’un utilisateur a été multiplié par deux entre 2012 et 2018. La firme privilégie désormais la dette pour faire face à la concurrence : un modèle qui sera sans doute suivi par ses concurrents.
Quand la (timide) riposte française s’organise
Miroir des GAFA, les acteurs majoritaires de ce marché sont encore américains. Et la production de contenu suit la même logique de diversification de ces géants : des investissements colossaux et un marketing millimétré.
Les chaînes comme les studios se trouvent dépassés et peinent à rivaliser sur les tarifs des abonnements, tout en devant proposer à leurs abonnés des séries tout aussi prestigieuses. En France, une timide contre-attaque débute. M6, France Télévision et TF1 ont décidé de s’unir sous le nom de Salto, avec un budget de 250 millions sur 3 ans. Mais l’effort risque d’être insuffisant pour contrer l’ouragan américain.
Cependant, pour rattraper son retard, la France riposte en initiant un programme audacieux émanant du gouvernement. Selon les termes de Franck Riester, ministre de la culture, il s’agit de “réaffirmer la souveraineté culturelle de la France”. Le projet de loi proposé sur l’audiovisuel marque une étape importante dans l’entrée en lice de la France pour résister aux assauts des grandes productions américaines. Les plateformes de SVOD telles que Netflix, Amazon Prime Video, Disney+ ou AppleTV + devront consacrer au moins « 16 % de leur chiffre d’affaires » réalisé en France à financer des séries et des films français.
Si le gouvernement prend une telle initiative c’est que le marché hexagonal est une manne financière gigantesque. En 2018, les français ont dépensé l’équivalent de 686 millions d’euros (+87% par rapport à 2017) et 17 millions de français ont regardé au moins un contenu sur une plateforme SVOD (+17% par rapport à 2017)1.
Tous secteurs confondus, la concurrence est un mal nécessaire pour éviter toute domination par un seul et même acteur et générer de la diversité. L’arrivée des nouveaux acteurs va remodeler le paysage télévisuel et stimuler les concurrents pour redoubler d’innovation et de contenus inédits. Cependant, même si le consommateur est la cible finale, il ne faut pas oublier un point crucial : combien sera-t-il prêt à débourser chaque mois et voudra-t-il multiplier les abonnements ? Enfin, si les plateformes apportent une hyper personnalisation des programmes, le danger est d’arriver à des plateformes qui manqueraient de variété avec un contenu segmenté et verraient donc l’appauvrissement du concept même du SVOD.
1 : Source Médiamétrie
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