Dans les années 1960, le mouvement du ‘white flight’, qui conduisit en masse la classe moyenne américaine aux banlieues, appauvrit énormément les centres-villes. A tel point qu’en 1975, le président Ford dit à la ville de New York, alors en faillite, de ‘tomber raide morte’ (‘Drop Dead’) lorsqu’elle sollicita un sauvetage financier du gouvernement fédéral. Cette expression fit les unes nationales et internationales, et New York tomba dans une spirale de chaos urbain, de criminalité et de décomposition. Par Remy Raisner.
Mais les temps changent. L’actuel ‘Grand Renouveau Américain’ (‘Great American Renewal’) a vu le passé s’inverser radicalement. Les centres-villes sont maintenant repeuplés et se régénèrent de San Diego à Boston.
Ce phénomène est une tendance en fort développement qui a maintenant plus de dix ans. Etant donné ce mouvement démographique, à quoi ressembleront nos villes à l’avenir ?
Avec ce Grand Renouveau Américain coïncide la renaissance de bâtiments anciens et à l’architecture historique. C’est très visible à Brooklyn. Par exemple, Two Trees Management, un grand promoteur immobilier local, a complètement restauré l’ancienne usine de la marque de sucre ‘Domino’, très délabrée – et de manière très impressionnante, à cela. En effet, ce réaménagement à grande échelle de 4 hectares et demi comprend un terrain de volley-ball, des restaurants, une aire de pique-nique et 2 300 appartements. Ceux-ci sont notamment pour grande partie des logements sociaux aux loyers inférieurs au prix de marché pour des locataires dont le revenu est inférieur à un certain seuil.
Ne manquant pas d’ambition, le même promoteur est en train de créer une plage au bord de la East River. Oui, Brooklyn aura bientôt une toute nouvelle plage de sable où les habitants pourront bronzer tout en regardant les gratte-ciels de Manhattan. Il est loin le temps des années 1950 de ‘Vu du Pont’ (‘A View From The Bridge’), pièce de théâtre légendaire du dramaturge new-yorkais Arthur Miller, dans lequel deux immigrants clandestins de Sicile travaillent comme dockers sur les quais de Brooklyn. Ils seraient maîtres-nageurs aujourd’hui !
Fait intéressant, le renouveau urbain de nombreuses parties de Brooklyn a souvent suivi les théories de Jane Jacobs, proéminente militante urbaniste new-yorkaise du milieu du XXe siècle. Elle a plaidé pour la ‘vie de petite ville’ à l’intérieur des grandes villes, comme dans les quartiers de Cobble Hill (où vit par ailleurs la plus grosse communauté française des États-Unis) ou Bed Stuy. Elle a qualifié l’urbanisme de son époque d’irrespectueux des besoins des citadins, et a soutenu vocalement les constructions immobilières denses à usage mixte, les rues piétonnes avec de grands trottoirs et une vie de rue active qui assure le maintien de l’ordre public.
Sans surprise, à l’époque d’Instagram, des smartphones et des voyages à l’étranger à la portée de tous, le reste du monde a suivi les villes des États-Unis dans leur renaissance: le quartier de Shoreditch, à Londres est passé de désaffecté à ‘trendy’ à inabordable (et maintenant si haut de gamme qu’il voit le jour du premier hôtel européen de la chaîne de restaurants Nobu). De même, l’Est et le Nord de Paris sont passés d’insalubres à plus ‘cool’ que Brooklyn (si c’est possible).
Alors qu’elle était auparavant un haut lieu industriel, Milan, en Italie, comptait dans les années 1990 plus de 600 000 mètres carrés de voies ferrées inutilisées et de friches industrielles. Dans le nord de la ville, la région de Porta Nuova était devenue symbole de désuétude urbaine. Néanmoins, en 1997, le légendaire promoteur texan Gerry Hines mena un effort pour réaménager le quartier en centre de bureaux dernier cris. Aujourd’hui, il abrite le PIB/quartier le plus élevé d’Europe, le plus haut gratte-ciel d’Italie et surtout la fascinante ‘Forêt Verticale’, bâtiment autoproclamé ‘le plus vert du monde’, avec plus de 800 arbres (prix sur Airbnb: 499 $/nuit). Mais prenons note que le quartier a conservé sa grande porte d’entrée de style néoclassique, construite en 1810 et qui lui a donné son nom.
Hines s’est d ;ailleurs inspiré de la Galleria Vittorio Emanuele II milanaise, le plus ancien centre commercial actif de l’Italie (achevé en 1877), pour construire l’un des plus grands centres commerciaux du monde, la Galleria de Houston.
Une telle continuité a beaucoup de valeur : à mesure que la technologie rend tout de plus en plus virtuel, l’être humain cherche de plus en plus de points d’ancrages pour s’enraciner dans le monde réel. À l’heure de ces lignes, certains site d’e-commerce explorent des moyens pour de paiement ‘en caisse’ non pas par smartphones, mais directement avec la paume de la main, via un scan qui relierait le corps humain à des données de carte de crédit. Oui, vous avez bien lu.
En Allemagne, Berlin pourrait bien être l’exemple de renaissance urbaine le plus impressionnant d’Europe. Détruite et dépeuplée pendant la Seconde Guerre mondiale, l’ancienne ville d’Allemagne de l’Est est véritablement le Brooklyn européen, où tout le monde semble avoir 25 ans et parle un anglais impeccable.
Tant avec le Bundestag (Parlement allemand) et son dôme en verre visitable par les touristes, qu’avec l’île aux Musées et son mélange de nouveaux bâtiment abritant art moderne et de monuments du 19ème siècle abritant œuvres d’art byzantines et babyloniennes, la juxtaposition de l’ancien et le nouveau est à couper le souffle. Un promoteur immobilier a même réussi à construire un immeuble de grande taille avec une voie de garage passant à travers des vestiges du mur de Berlin.
Brooklyn, Milan ou Berlin ont prospéré grâce à la vision de promoteurs tels que Two Trees et Hines. Ceux-ci sont loin d’être des Rastignac et des constructeurs frénétiques. Ils enrichissent leurs villes plus qu’eux-mêmes. Et dans les grandes capitales, les plus belles affaires sont généralement associés aux efforts les plus audacieux et les plus nobles.
Comme la population mondiale continue de se recentrer vers les grands centres urbains, et comme leurs habitants deviennent de plus en plus investis dans les endroits où ils vivent (émotionnellement et / ou par l’accession à la propriété), nous verrons de plus en plus de nouvelles réalisations architecturales mélangeant le vieux et le neuf. Dans le même esprit, la reconstruction de Notre-Dame à Paris avec une voûte en verre futuriste mais respectant son ancien look est une bonne idée. Rendre le bâtiment ‘carbon neutral’ serait aussi une bonne initiative. Quelle meilleure façon pour la France de montrer au monde qu’elle respecte son passé, accueille l’avenir à bras ouverts, et répond aux grandes préoccupations de notre époque, tout à la fois?
L’avenir de l’investissement immobilier, de la construction et des villes appartient aux visionnaires ayant à la fois le pouvoir de durer et la volonté de mettre de grand plans en œuvre. Mais l’urbanisme du futur est aussi celui qui comprend l’être humain et sait lier le passé à l’avenir. L’industrie immobilière ne doit jamais cesser de se mettre au défi et de progresser afin d’être au niveau. Personne ne veut vivre dans des villes ternes, ni les visiter. Compte tenu de l’impact de l’architecture et de l’urbanisme sur l’économie, la croissance et la société en générale, c’est plus que primordial.
Tribune par Remy Raisner
<<< A lire également : Les Villes Eponges – Les Cités Intelligentes De Demain >>>
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits
1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC