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Que pensent les Américains et les Français de la hausse des droits de douane ?

Les Américains et les Français ont parfaitement conscience du choc économique créé par les hausses de droits de douane imposées par Donald Trump, mais ils ne condamnent pas cette décision avec la même ferveur. C’est en tout cas ce qui ressort de l’enquête Ifop avec NYC.eu, spécialiste des relations franco-américaines. À l’aube d’une guerre commerciale, comment les opinions publiques américaine et française perçoivent cette nouvelle politique commerciale et ses conséquences ?

 

Tout le monde appréhende les effets de la hausse des droits de douane annoncée par Donald Trump sur leurs économies respectives. Et cela vaut bel et bien pour les Américains, pas tous partisans de la politique commerciale de leur président. En effet, plus de la moitié (54%) estiment que les tarifs douaniers imposés par l’administration Trump auront un effet négatif sur l’économie américaine, soit une hausse de 2 points depuis mars 2025. Une inquiétude encore plus marquée chez les Français, dont 71% pensent que ces mesures nuiront à l’économie française.

S’ils ne sont pas sereins quant aux conséquences économiques des hausses des droits de douane, les Américains craignent avant tout les représailles des pays impactés par les surtaxes. 71% d’entre eux sont inquiets, mais l’appréhension atteint des sommets chez les sympathisants démocrates (88%), qui ont également peur d’un potentiel boycott des produits américains de la part des pays surtaxés. En effet, 64% des Américains le redoute. Les Américains semblent lucides quant au fait que leur position dominante dans le commerce mondial ne les protège pas nécessairement contre les effets d’une guerre commerciale.


 

Droits de douane : une opinion américaine divisée

Comme le révèle cette étude, le contraste est saisissant entre la réaction française, majoritairement hostile aux mesures protectionnistes, et la position américaine beaucoup plus nuancée, reflétant les profondes divisions de la société américaine. Si les Français rejettent massivement (à 72%) la décision de Donald Trump d’augmenter les droits de douane sur les produits venant de l’étranger, les Américains sont loin d’être aussi catégoriques. Seulement 49% des Américains la désapprouvent contre 45% qui l’acceptent. En toute logique, les partisans démocrates sont ceux qui refoulent fervemment le verdict sévère du président élu. 76% d’entre eux désapprouvent ces mesures, contre seulement 17% des républicains.

L’opposition à cette politique tarifaire est également bien marquée chez les foyers modestes (54%), qui craignent pour leur pouvoir d’achat. L’analyse du profil des Américains sceptiques face à ces mesures révèle un gender gap significatif puisque 58% des femmes sont contre la décision, contre 50% chez les hommes. Une fracture générationnelle est également notable : 61% des personnes entre 18-24 ans, contre 47% chez les plus de 65 ans.

Les mesures protectionnistes engagées par Donald Trump, suspendues pour 90 jours, ne sont pas perçues de la manière par les Américains suivant le pays concerné. La moitié désapprouve par exemple la hausse de 20% des droits de douane sur les produits européens (50%, contre 37% qui l’approuvent). Mais ils sont bien moins réprobateurs à l’égard de la hausse de 145% imposés aux produits chinois (49%, contre 40% en faveur). Plus conscientes de l’importance des marchés d’exportation pour l’économie américaine, les diplômés de l’enseignement supérieur (82%) et les cadres supérieurs (80%) sont préoccupés par cette perspective tarifaire.

 

Pour le libre-échange, mais pour les mesures protectionnistes : la contradiction américaine

Au moment où l’administration Trump met en œuvre des politiques protectionnistes, les citoyens américains semblent les plus convaincus des vertus du libre-échange. Un paradoxe qui s’explique en partie par une vision pragmatique du commerce international . En effet, pour beaucoup d’Américains, les mesures protectionnistes peuvent être perçues comme des outils tactiques ne remettant pas en cause l’adhésion générale au principe du libre-échange. Cette adhésion aux principes du libre-échange transcende les clivages politiques aux États-Unis puisque 77% des démocrates et 66% des républicains y sont favorables.

La vision du commerce international a connu un changement profond depuis 1993. Alors que seuls 44% des Américains favorisaient le libre-échange il y a trente ans, ils sont désormais 69% à s’y déclarer favorables, soit une progression de 25 points. Les Français, eux, ont connu une évolution contraire : alors que 61% d’entre eux soutenaient le libre-échange en 1993, ils ne sont plus que 47% aujourd’hui (-14 points), au profit du protectionnisme qui recueille désormais 41% d’adhésion (contre 34% en 1993).

Malgré ces divisions, une préoccupation commune émerge concernant l’impact des droits de douane sur le pouvoir d’achat : 51% des Américains et 48% des Français estiment qu’augmenter les droits de douane est « plutôt une mauvaise chose » car cela va rendre les produits plus chers et donc diminuer le pouvoir d’achat des consommateurs.

Enfin, cette étude met en exergue la complexité des attitudes du public face aux questions commerciales. Pour une majorité des Américains, l’adhésion aux principes du libre-échange n’est pas incompatible avec le soutien à des mesures protectionnistes ciblées dans certains secteurs ou contre certains pays. Pour de nombreux Américains, la hausse des droits de douane peut être perçue comme un rééquilibrage des relations commerciales et non comme une remise en cause du système commercial globalisé.

« Si ces mesures protectionnistes suscitent des craintes légitimes concernant l’inflation et les risques de représailles commerciales, elles s’inscrivent dans un contexte où les Américains ont, paradoxalement, développé un attachement croissant aux principes du libre-échange. À l’inverse, les Français manifestent un attrait croissant pour le protectionnisme. Cette dissonance s’explique largement par les systèmes politiques nationaux : aux USA, l’adhésion au libre-échange est devenue bipartisane, portée par les élites des deux camps, tandis qu’en France, elle est davantage soutenue par les catégories privilégiées et contestée par les classes populaires. », détaille François Kraus, Directeur du Pôle Politique & Actualités de l’Ifop.

Cette étude Ifop pour NYC.eu a été réalisée par questionnaire auto-administré en ligne auprès d’un échantillon national représentatif de 1 225 Américains âgés de 18 ans et plus (8-10 avril 2025), et d’un échantillon national représentatif de 1 000 Français âgés de 18 ans et plus (9-10 avril 2025). À des fins de comparaison, un échantillon probabiliste de cette taille aurait une marge d’erreur d’au plus ±3% (19 fois sur 20).

 


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