Même avec de solides résultats dépassant les attentes, trimestre après trimestre, le numéro 1 mondial du luxe n’en oublie pas de préparer l’avenir. Depuis avril dernier, LVMH a pris possession d’un espace de 220 m2 au sein de Station F, « plus grand incubateur du monde », afin de déployer son programme d’accélération ayant vocation à accueillir une cinquantaine de start-up internationales.
« Qui veut voyager loin ménage sa monture ». Une maxime qui pourrait aisément figurer sur le fronton du siège du premier groupe mondial de luxe, avenue Montaigne, tant elle semble en adéquation avec la philosophie d’une entreprise devenue, l’année dernière, première capitalisation boursière du CAC 40 (avant de céder sa place, il y a quelques semaines à Total, le cours de Bourse de LVMH ayant été mis à rude épreuve à cause des craintes sur la Chine). Une prouesse pourtant réservée, depuis 30 ans et la création de l’indice phare de la Bourse de Paris, à des fleurons de l’industrie pétrolière (Total qui a donc « repris sa place ») ou pharmaceutique (Sanofi). Après une année 2017 rondement menée, LVMH a démarré 2018 pied au plancher. Ainsi, sur les six premiers mois de l’année, le groupe de luxe a vu son bénéfice net s’envoler de 41% à 3 milliards d’euros, ses ventes décoller de 10% à 21,75 milliards, sans oublier une marge opérationnelle courante à 21,4% en hausse de 2,9 points. Et les résultats du troisième trimestre sont du même acabit comme en attestent les performances du pôle Mode-Maroquinerie (qui abrite en son sein Louis Vuitton) qui a vu ses ventes progresser de 14%, contre 15% au premier semestre, soit une croissance supérieure aux attentes du marché qui escomptait 12%.
« Je ne cesse de répéter à l’ensemble des collaborateurs de LVMH qu’il faut raisonner à long terme », nous confiait Bernard Arnault au mois de mars dernier. Désireux de joindre les actes à la parole, l’homme le plus riche de France, selon notre classement, a porté sur les fonts baptismaux « la maison des start-up » qui a pris ses quartiers, au printemps dernier, à Station F, plus grand incubateur du monde niché aux confins du XIIIe arrondissement de Paris. Incarnant pleinement ce projet, le meilleur ennemi de François Pinault avait tenu, en personne, à inaugurer ce nouvel espace destiné à « enrichir et à nourrir » la créativité de LVMH, en expliquant par le menu le pourquoi de la présence du groupe en ces lieux symboliques de l’entrepreneuriat à la française. « Il existe tout simplement une véritable proximité historique, du point de vue des valeurs, entre les start-up et nous. Que ce soit en matière de créativité, d’innovation et de nos produits. Beaucoup de nos marques sont littéralement parties d’une feuille blanche ». Et de mettre en exergue l’agilité entrepreneuriale de ces jeunes pousses… que LVMH s’évertue à conserver dans son fonctionnement. « C’est l’une des principales raisons pour lesquelles nous nous rapprochons de cet écosystème ».
Un investissement dans Netflix dès 1999
Des propos appuyés par Chantal Gaemperle, DRH de LVMH lors d’un entretien quelques mois plus tard. « Nous employons 150 000 personnes et nous avons vocation à croître encore en termes de ressources humaines. Et puisque nous sommes menés par un entrepreneur, nous avons naturellement vocation à conserver cet esprit entrepreneurial, cette volonté d’apprendre et de rester agiles ». Un mode de pensée en parfaite adéquation avec l’écosystème start-up. Pour autant, s’agit-il d’une énième récupération et d’un effet de mode du grand groupe s’amourachant de la start-up ? Bernard Arnault, toujours lors de l’inauguration, tordra rapidement le cou à cette idée reçue, rappelant l’investissement du Groupe Arnault, dès 1999, dans l’un des espoirs de la Tech mondiale, loin d’être le mastodonte que l’on connaît aujourd’hui : la plateforme de distribution de films et de vidéos Netflix. Plus récemment, Groupe Arnault a également injecté (via son fonds Aglaé Ventures) quelques millions d’euros dans deux jeunes pousses françaises, Jow et Skello. Mais comment LVMH matérialise-t-il concrètement sa présence à Station F ? En mettant, à terme, un espace de 220m² au cœur des lieux à la disposition, d’une cinquantaine de start-up opérant dans des secteurs aussi variés que l’intelligence artificielle, l’internet des objets, le retail, la blockchain ou la lutte contre la contrefaçon.
L’objectif pour le poids lourd du luxe est de créer des passerelles entre ces entreprises innovantes et les maisons du groupe. Le tout par l’intermédiaire de nouveaux services et de produits innovants. « Nous nous devions d’être présents au sein de ce lieu unique qui respire l’enthousiasme et la volonté d’entreprendre », appuie Ian Rogers, Chief Digital Officer de LVMH. Si le numéro 1 du CAC 40 ne prévoit pas à ce stade d’accompagner financièrement les start-up, les « ponts » s’érigent déjà. Ainsi, Berluti (avec à sa tête Antoine Arnault) coopère déjà avec SmartPixels, un outil de personnalisation augmentée permettant de projeter sur la chaussure, avant sa fabrication, des dessins sous forme de tatouage du cuir. Autre innovation particulièrement adaptée au cœur de cible LVMH, celle développée par la start-up Euvéka, à savoir un mannequin évolutif et connecté qui permet de s’adapter « au plus près » à l’évolution du corps humain, selon l’âge et les morphotypes.
Un « patronage bienveillant »
Du sur-mesure en somme. Il aura fallu six ans de recherche et développement à cette start-up créée en 2011 avant de commercialiser ses premiers mannequins connectés à la fin de l’année dernière. « Ce mannequin-robot épouse les différentes formes et propose des tailles allant du 36 au 46 », développe Ségolène Carosella, responsable grands comptes pour Euvéka. « Le monde des start-up nous amène une agilité et nous fait réfléchir sur des modes de fonctionnement inspirants », renchérit Chantal Gaemperle. Signe de l’importance de l’écosystème start-up pour LVMH et vice versa, l’engouement suscité par le « LVMH Innovation Award », prix remis chaque année lors de la grand-messe de Vivatech en juin, où 800 (!) start-up ont candidaté. Du Canada à Israël en passant par la Corée du Sud, toutes ces « pépites » ont bataillé ferme pour faire partie des 30 finalistes. Et c’est finalement la jeune pousse française Oyst qui a raflé la mise cette année. Cette entreprise propose un système d’achat en un clic, sans saisie de login, de mot de passe ni d’informations de livraison. Une forme de « patronage bienveillant » pour LVMH qui profite de toute cette créativité pour préparer sereinement l’avenir.
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