Puisque tout va mieux en zone Euro maintenant, il est temps de tout bouleverser.
La longue période de croissance médiocre depuis 2011 s’est traduite par une baisse de la croissance potentielle. Le chômage élevé et le manque d’investissement ont fragilisé les ressorts de l’expansion européenne. La zone Euro n’a plus la même capacité qu’avant la crise de 2008 à croître au rythme de 2% en moyenne. Actuellement, 2% apparaît comme proche du point haut du cycle économique. Pour la France l’effet est encore plus marqué. D’environ 2% en moyenne avant la crise, la croissance sera au top à 1.8% en 2017. Ces chiffres et ceux de 2018 sont proches du pic du cycle et l’on doit s’attendre à ce que la croissance s’infléchisse à partir de 2019. Le rôle de la politique économique doit être de permettre une amélioration de la croissance potentielle afin de rester sur une croissance plus forte dans la durée.
Des axes majeurs de réflexion.
Le premier est d’améliorer la capacité des économies à s’adapter à un environnement plus complexe. L’environnement est disparate et manque d’homogénéité. D’abord parce que la concurrence n’est plus similaire et homogène. Les entreprises dont le marché est ouvert sur le monde n’ont pas les mêmes contraintes que celles dont le marché est local. Ce point n’est pas nouveau mais il s’est accentué. Par le passé aussi, l’économie et les entreprises étaient à rendements décroissants. A partir d’une certaine taille, la production supplémentaire était de plus en plus chère à produire. C’était une source de pression inflationniste. Il y avait alors, entre les entreprises, une certaine homogénéité puisque toutes étaient soumises à cette loi des rendements décroissants. Aujourd’hui ce n’est plus systématiquement le cas. L’économie des réseaux a bouleversé cette situation de façon spectaculaire. S’il existe encore majoritairement des entreprises à rendements décroissants, il y a désormais, à côté, des entreprises à rendements croissants. Ces entreprises sont associées à des réseaux et la production marginale ne coûte rien. Accroitre l’activité est alors systématiquement rentable. Cette configuration se retrouve dans les grandes entreprises dont l’activité est basée sur un réseau.
Cette situation rend la compétition entre les deux sortes d’entreprises très inégale. C’est à cet environnement très hétérogène qu’il faut pouvoir s’adapter. Il n’est pas normal de voir cohabiter des entreprises à salaires très élevés car capable de dégager des gains de productivité forts et des entreprises dont la capacité à dégager ce surplus est très réduite et où les salaires sont en conséquence faibles.
Ne pas permettre cette capacité d’ajustement c’est finalement accepter le statu quo de cette dynamique inégale et d’une croissance à deux vitesses.
La piste pour sortir de cette situation est double. Il y a d’abord la formation, élément clé pour enrichir le capital humain. Il faut créer les conditions pour que chacun puisse se former de façon efficace et en continu. C’est le seul moyen de ne pas se sentir dépasser et de garder, pour chacun, une capacité d’intervention sur sa propre vie. En France mais aussi dans de nombreux pays de la zone Euro c’est un élément essentiel qui doit être développé dans les mois et années qui viennent afin d’améliorer la croissance potentielle. Il faut pouvoir être agile et réactif dans un environnement global très changeant. Si ce volet n’est pas pris à bras le corps alors l’hétérogénéité du marché du travail va s’accentuer encore davantage ce qui n’est pas souhaitable.
L’autre aspect est le retour nécessaire de l’investissement public afin de créer les conditions pour que les entreprises qui ont des gains de productivité réduits aient la capacité et l’opportunité d’investir effectivement. L’investissement public doit être une source d’impulsion et une façon de permettre à toutes les entreprises de retrouver des degrés de liberté dans la gestion de leur activité.
En d’autres termes, l’investissement doit intervenir comme source d’impulsion et comme réducteur d’incertitude dans la durée. C’est ainsi une façon pour l’ensemble des entreprises de retrouver une dynamique plus profitable. Celle-ci ne doit pas être réservée aux entreprises à réseaux.
Le dernier volet de réformes se situe à l’échelle de la zone Euro. Il existe de nombreuses questions qui sont posées à une échelle plus large que celle de la nation. Le climat, le terrorisme ou encore la gouvernance de la zone Euro et bien d’autres sujets doivent être traités à l’échelle de l’Europe car ces questions n’ont pas de solution à une échelle locale. C’est dans cette période de retour de la croissance que les réformes institutionnelles doivent être mises en œuvre afin de réduire l’incertitude sur le devenir de la construction européenne. Les discussions entre la France et l’Allemagne seront essentielles pour dégager les orientations à prendre.
Les perspectives de croissance sont plus réjouissantes, l’emploi repart dans tous les pays de la zone Euro et la BCE ne semble pas vouloir contraindre l’économie de la zone très rapidement. C’est maintenant qu’il faut mettre en œuvre les réformes qui pourront permettre d’accroître le potentiel de croissance des pays membres de la zone Euro. Les premières réformes sur le marché du travail en France vont dans ce sens mais il faut les compléter par de la formation et de l’investissement public afin de créer une dynamique propre à la zone Euro. C’est pour être cohérent avec cette dynamique plus autonome que les institutions doivent être mis en phase avec ce nouveau cap pour inscrire la croissance et l’emploi dans la durée.
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