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Pratiques anticoncurrentielles : Donald Trump ne sauvera probablement pas Google

Donald Trump
Donald Trump vs Google. | Source : Getty Images

La réélection de Donald Trump pourrait être une aubaine pour les géants de la Silicon Valley qui se méfient de l’application agressive de la législation sur la concurrence. Cependant, le président élu pourrait adopter une approche plus neutre dans la bataille juridique qui oppose Google au département d’État américain à la Justice depuis plusieurs années.

Article de Richard Nieva pour Forbes US

 

En 2020, le président Donald Trump est entré dans l’histoire lorsque son département d’État à la Justice a intenté un procès historique contre Google pour pratiques anticoncurrentielles. Le département d’État accuse le géant de la technologie de détenir un monopole illégal sur le marché de la recherche en ligne. Il s’agit de la première grande affaire en matière de concurrence à l’ère d’internet.

 

L’élection de Donald Trump n’arrange pas Google

Aujourd’hui, alors que Donald Trump revient au pouvoir, la Silicon Valley est optimiste et pense que le prochain gouvernement adoptera une ligne plus souple à l’égard de la concurrence dans le secteur technologique, après des années d’application agressive de la loi sous l’ère Biden. Cependant, de nombreux experts en droit de la concurrence ont déclaré à Forbes que si Donald Trump pouvait généralement desserrer l’étau du gouvernement fédéral en matière de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la technologie, il ne pourrait guère aider Google.

« Google ne peut pas tirer beaucoup de réconfort des résultats de l’élection présidentielle américaine », a déclaré à Forbes William Kovocic, ancien président de la Federal Trade Commission (FTC) et aujourd’hui professeur de droit à l’université George Washington. « Je pense que les efforts du gouvernement fédéral se poursuivront. » George Hay, professeur en droit de la concurrence à la Cornell Law School, partage ce point de vue et estime qu’il est peu probable que Donald Trump mette fin à la procédure contre Google, d’autant plus que c’est son gouvernement qui a été le premier à porter l’affaire devant les tribunaux. « Les dés sont jetés », a-t-il déclaré.

Google a refusé toutes les demandes de commentaires de Forbes.

L’affaire du monopole de recherche du géant de la technologie a été jugée l’année dernière. Au cours de la procédure, le gouvernement fédéral a soutenu que Google avait signé des contrats illégaux avec des fabricants d’appareils afin d’imposer les produits Google aux consommateurs. La pierre angulaire du dossier du département d’État américain à la Justice était un accord avec Apple, d’une valeur de plusieurs dizaines de milliards de dollars, qui faisait de Google le moteur de recherche par défaut des iPhone et d’autres produits Apple. Google a déclaré que sa position dominante était due à la qualité de ses produits et qu’il offrait aux consommateurs la possibilité de modifier facilement leur moteur de recherche par défaut. En octobre, un juge fédéral s’est prononcé contre Google, déclenchant un second procès pour déterminer les solutions potentielles, comme l’interdiction de ce type de contrats ou, à l’extrême, le démantèlement de l’entreprise. Ce procès devrait débuter en avril. Google a déclaré que les premières demandes potentielles du gouvernement, déposées le mois dernier, « vont trop loin ».

 


Donald Trump a laissé entendre qu’il était sceptique quant à la pertinence d’un démantèlement de Google, se demandant si cela ne risquait pas de « détruire l’entreprise ».


 

Que pourrait faire Donald Trump ?

En tant que président, Donald Trump aura le pouvoir d’ordonner au département d’État américain à la Justice de retirer les charges dans des affaires comme celle de Google, ou de suggérer ce qu’il considère comme une sanction appropriée. Cependant, demander au département de faire marche arrière serait un geste extrêmement rare avec d’énormes implications politiques, a déclaré William Kovocic, un geste que de nombreux présidents ne seraient pas disposés à faire parce qu’il saperait leur politique en matière de concurrence. L’un des seuls exemples d’abandon d’une affaire en matière de pratiques anticoncurrentielles par le gouvernement fédéral remonte à 1982, lorsque le département d’État américain à la Justice a mis fin à une procédure de 13 ans contre IBM, car le dossier du gouvernement était « très faible » et les chances de remporter le procès étaient minces, a déclaré le département à l’époque.

Même Donald Trump, qui s’affranchit régulièrement des précédents, pourrait être réticent à intervenir en raison de ses frustrations personnelles à l’égard de Google, a déclaré William Kovocic. En septembre, le président élu a déclaré qu’il poursuivrait l’entreprise pour avoir « illégalement » mis en avant uniquement les « mauvaises nouvelles » le concernant et les « bonnes » concernant son adversaire électorale, la vice-présidente Kamala Harris. Ces critiques s’inscrivent dans le droit fil du refrain habituel des conservateurs qui, depuis des années, prétendent à tort que les grandes entreprises technologiques censurent les voix de la droite.

Toutefois, lors d’un évènement organisé par l’Economic Club of Chicago en octobre, Donald Trump a laissé entendre qu’il doutait de la pertinence d’un démantèlement du géant de la technologie, se demandant si cela ne risquait pas de « détruire l’entreprise » et de donner à la Chine la possibilité d’acquérir un avantage technologique. « Ce que l’on peut faire sans démanteler l’entreprise, c’est s’assurer que les pratiques de Google soient plus justes », a-t-il déclaré.

L’autre procédure fédérale engagée contre Google, qui porte sur son activité de technologie publicitaire, n’a pas encore abouti. Le gouvernement soutient que Google a illégalement abusé de ce marché en faisant grimper les prix des publicités, en partie grâce à l’acquisition en 2008 de la start-up DoubleClick, qui est devenue la base de son opération tentaculaire de publicité numérique. Google a déclaré qu’il y avait beaucoup de concurrence sur le marché de la part de rivaux tels que Meta et Amazon, et que la part que l’entreprise prélève sur les annonces n’était que légèrement supérieure à la moyenne du secteur. Google et le gouvernement ont terminé de présenter leur dossier en septembre. Les plaidoiries finales sont prévues pour le 25 novembre.

 


« Il y a une nouvelle tendance populiste au sein du parti républicain. »

Mark Wagoner, Schumaker Advisors


 

La question des pratiques anticoncurrentielles après l’élection de Donald Trump

Les questions relatives à l’approche en matière de pratiques anticoncurrentielles de Donald Trump surviennent alors que le républicain est revenu en force à la Maison-Blanche avec le soutien de la Silicon Valley, notamment du PDG de Tesla, Elon Musk, et du fondateur d’Andreessen Horowitz, Marc Andreessen. Même les grands noms de la technologie qui ont critiqué Donald Trump par le passé ont semblé revoir leurs positions cette fois-ci. Mark Zuckerberg, fondateur de Meta, l’a qualifié de « dur à cuire » après que le candidat a survécu à une tentative d’assassinat en juillet. Le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos, propriétaire du Washington Post, a empêché le journal de soutenir la vice-présidente Kamala Harris, ce qui a été perçu par certains comme une tentative d’éviter des représailles de la part de Donald Trump.

Sundar Pichai a apparemment aussi essayé de faire des incursions auprès de Donald Trump. Moins de deux semaines avant l’élection, Donald Trump l’a qualifié de « type formidable » sur le podcast The Joe Rogan Experience, affirmant que Sundar Pichai l’avait appelé pour lui dire que son arrêt de campagne chez McDonald’s, où il travaillait à la friteuse et à la fenêtre du drive-in, était « l’un des plus grands évènements que nous ayons eus sur Google ».

Cependant, même en faisant la cour à des leaders technologiques milliardaires, il se peut que Donald Trump ne soit pas politiquement motivé pour changer les choses, car sa base ouvrière pourrait préférer une répression contre les grandes entreprises technologiques. « Il y a une nouvelle tendance populiste au sein du parti républicain », a déclaré Mark Wagoner, avocat spécialisé dans le droit de la concurrence au sein de la société Schumaker Advisors. « Je ne prévois pas de changement radical de stratégie. »

 

Intervention de Donald Trump ? Et si la question était ailleurs…

La question de savoir si Donald Trump interviendrait dans le cadre d’un démantèlement de Google n’est peut-être pas pertinente. Le département d’État américain à la Justice a indiqué que le démantèlement de l’entreprise, ou la cession forcée de certaines activités comme le système d’exploitation mobile Android ou le navigateur internet Chrome, était l’une des nombreuses solutions qu’il envisageait. Des experts en droit de la concurrence ont déclaré à Forbes qu’ils pensaient qu’un démantèlement n’était pas une issue réaliste, mais plutôt une tactique de négociation pour amener Google à accepter des mesures moins extrêmes, telles que le partage de davantage de données avec des tiers.

Donald Trump aurait chargé Gail Slater, une collaboratrice du vice-président élu JD Vance, de conseiller son équipe de transition en matière de pratiques anticoncurrentielles. Gail Slater, qui a précédemment occupé des postes de direction chez Roku et à l’Internet Association, un groupe commercial industriel aujourd’hui disparu, participera également à la sélection du remplaçant de Lina Khan, la présidente de la FTC nommée par Joe Biden, qui s’est battue avec acharnement pour contrôler les grandes entreprises technologiques.

Même si le gouvernement Trump fait un pas en arrière sur d’autres questions en matière de pratiques anticoncurrentielles telles que l’examen des fusions, il pourrait être trop tard pour Google, a déclaré Mark Wagoner. L’entreprise a eu la possibilité de s’aider elle-même lorsque Donald Trump est entré en fonction, avant le procès intenté par le département d’État américain à la Justice en 2020, qui a ouvert les vannes. « La stratégie consiste toujours à repousser l’action en justice elle-même », a-t-il déclaré. « Une fois que l’affaire a été déposée, cela change la dynamique de votre capacité à la résoudre. »

 

Une traduction de Flora Lucas

 


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