Une nouvelle fois, la société de VTC a élevé ses prix en France. Conséquence d’une stratégie de captation de marché, cette nouvelle tarification viendra-t-elle sauver la société qui affiche de bien mauvais résultats financiers ?
Fin 2016, on a donc eu le droit en France à une augmentation des tarifs de 10 à 15%. Oui mais, cette hausse n’ira pas dans la poche des chauffeurs puisqu’eux-mêmes se voient augmenter leurs frais de service.
Bon à savoir. Quand vous payez une course Uber, ce n’est plus 20% du montant qui part à la société américaine, mais 25%. Et jusqu’à 35% pour les Uber pool, les voitures partagées. De quoi encore plus étrangler les chauffeurs qui se plaignaient déjà de petits salaires et de journées à rallonge. Et surtout de quoi attiser leur mécontentement et leur envie de multiplier les actions de colère.
Pourtant, cette nouvelle tarification, Uber est obligé de la mettre en œuvre s’il veut survivre. Car le géant américain se trouve dans une très mauvaise posture financière. Habitué à des pertes monstrueuses depuis sa création, 2016 ne devrait pas déroger à la règle avec 3 milliards de pertes, un chiffre tout de même en augmentation de 30% depuis 2015. Ce résultat est largement attribuable aux subventions généreuses accordées aux chauffeurs lors de l’accession sur un nouveau marché et à sa stratégie presque parfaite, si elle ne s’appliquait pas qu’à court terme.
Uber est présent dans 500 grandes villes du globe, et la stratégie d’entrée sur le marché est toujours la même.
- On attire les chauffeurs en leur promettant un salaire horaire alléchant, et si besoin, on subventionne. Le but étant de proposer aux utilisateurs un réseau avec une offre de véhicules ; être présent partout très vite.
- On affiche des prix avantageux pour l’utilisateur et un service de qualité par rapport aux autres moyens de locomotion que connaissent les citadins : moins cher que le taxi, plus sympa que le métro. Là encore, les offres pleuvent : réduction de première fois, fidélité récompensée, et Uber s’offre même le luxe de diversifier son offre avec la livraison de plateaux repas.
- Une fois le leadership installé, la société peut procéder à une remontée graduelle des prix.
C’est exactement ce qu’il se passe en France. Un nom simple, devenu rapidement leader du marché, des voitures propres et des chauffeurs courtois, qui se bousculent au portillon pour devenir VTC. C’est un métier accessible aux jeunes, notamment ceux issus des cités. Uber a installé fin 2016 son centre d’accueil en Seine-Saint-Denis, et fait salle comble. Le transport de personnes y est même devenu le premier poste de créations d’entreprise.
C’était presque trop beau pour être vrai, jusqu’à ce que nous arrivions à cette phase de maturité du marché, prêt à subir une nouvelle augmentation des prix, de façon enfin à pouvoir espérer gagner de l’argent, de façon à rembourser les subventions accordées et faire oublier la mauvaise santé de l’entreprise.
Car les mauvais chiffres d’Uber font peur à bon nombre d’experts, qui ont d’ores et déjà annoncé sa perte.
Uber a conquis, aux Etats-Unis, 85% du marché des VTC en sept années d’existence. Un pourcentage plus qu’honorable sauf que la société américaine a toutes les raisons de s’inquiéter pour son avenir. Pour trois raisons.
En premier lieu, à cause de la rigidité de la réglementation. Et des pratiques limites d’Uber.
Le secteur du transport de personnes est gardé par un lobby de taxis puissant. Ce qui amène Uber à devoir payer des amendes plombant son bénéfice. Juin 2016 en France : Uber est condamné à payer 800 000 euros pour pratique commerciale trompeuse et complicité d’exercice illégal de la profession de taxi. Aux Etats-Unis, les sommes sont encore plus vertigineuses. Uber a accepté un deal à 20 millions de dollars car il aurait trompé les chauffeurs sur les potentiels revenus réalisables.
L’activité d’un Uber ne représente pas de barrière majeure à l’entrée. Il n’y a pas d’innovation à protéger. Il n’y a pas de technologie impossible à acquérir pour ses concurrents, et finalement Uber possède une part de marché très poreuse. Demain, un concurrent peut arriver lui aussi avec sa flotte de voiture, et récupérer les parts de marché. Et le seul moyen d’acquérir de nouveaux clients, quand les services sont similaires, c’est de baisser le prix. Non-viable à long terme, donc.
La vérité est là, Uber n’a pas créé un nouveau marché, il a tout juste modifié la façon de l’utiliser en apportant une plus-value au niveau du service. Jusque-là, il profite du flou autour de cette nouvelle profession et de cette nouvelle forme d’économie. Les chauffeurs sont indépendants mais exploités, les consommateurs sont devenus addicts mais infidèles.
En dernier lieu, l’activité de VTC n’est pas maîtresse de son futur. Qui sait, dans 10 ans, comment nous nous déplacerons ? Nos déplacements peuvent évoluer demain à tout moment, au gré de l’arrivée des voitures autonomes. Comme partout, le progrès fera des gagnants et des perdants. L’américain s’y prépare, c’est certain. En multipliant les recrutements notamment : un ponte de la recherche qui officiait chez Google, un ingénieur de la NASA afin de réfléchir aux engins volants… Mais sera-t-il dans la capacité de financer cette recherche ?
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