Des partenariats entre les développeurs de jeux vidéo dans le cloud et les opérateurs télécoms vont se révéler mutuellement bénéfiques.
Une contribution de Matthieu Bourguignon, Senior vice-président et directeur de la division Network Infrastructure de réseau pour l’Europe, Nokia
Si l’histoire des jeux vidéo remonte aux années soixante, c’est au tournant du siècle, lorsque l’internet s’est généralisé, qu’un lien avec Internet est apparu dans les jeux vidéo. Depuis, les jeux mobiles dominent le marché, facilitant considérablement leur diffusion sur les canaux numériques. Ils ont ouvert la voie à de nouveaux modèles commerciaux, tels que les « free-to-play » (jeux gratuits) et les formules d’abonnement, qui utilisent la publicité comme principale source de revenus.
The Economist estime qu’actuellement 3,2 milliards de personnes jouent à des jeux vidéo au niveau mondial (soit environ 4 personnes sur 10), et que 100 millions de personnes supplémentaires viennent les rejoindre chaque année. Il est donc grand temps que les opérateurs télécoms commencent à s’intéresser aux jeux vidéo.
En effet, la nécessité de leur adaptation devient plus cruciale, non seulement parce que les jeux vidéo ont un impact considérable sur le fonctionnement du réseau, par exemple, les jeux vidéo « viraux » génèrent d’énormes pics de trafic lorsque plusieurs millions de joueurs sont en ligne simultanément, mais aussi compte tenu des attentes des consommateurs, de l’évolution de leurs comportements et de leurs exigences sur les services.
De la même manière que le cinéma a contribué à façonner la société au siècle dernier, les jeux vidéo contribuent à modeler la société actuelle. Le jeu vidéo devient un média social de masse et il est culturellement transformateur. Mais il intègre un facteur déterminant : son succès ou son échec dépendent du réseau de télécommunication sans lequel il ne pourrait même pas exister.
La nécessaire évolution du réseau
Les serious games et les titres les plus médiatisés comme Fortnite, ont eu un impact significatif sur les réseaux de télécommunication. C’est pourquoi Twitch a pris de l’importance. D’ailleurs, ce mot a deux significations dans ce contexte.
Propriété d’Amazon, Twitch est un service américain de diffusion en direct de jeux vidéo. Il permet aux individus de bénéficier de la diffusion en continu, parallèlement à la diffusion des compétitions d’eSports et l’accès à des contenus musicaux et vidéo d’Amazon. La plateforme Twitch prouve tous les jours que le gaming est un phénomène social, un espace générant des relations et le foisonnement de communautés, où les spectateurs font autant partie du jeu vidéo que les joueurs.
En outre, Twitch est un gameplay basé sur la réactivité et la vitesse des joueurs, proposant généralement des combats ou des rencontres sportives. Ces jeux vidéo reposent sur des temps de réaction très rapides. En anglais, le mot Twitch fait référence au mouvement instantané que fait un joueur pour réagir le plus vite possible à un événement : il le voit et agit.
L’expérience de jeu dépend désormais de la capacité du réseau qui relie le joueur au serveur où le jeu est hébergé. Les distances peuvent être très importantes, certains joueurs n’étant pas sur le même continent que leur serveur. Peu importe la réactivité ou le réflexe du joueur : si la connexion de son adversaire est plus rapide, ce dernier bénéficie d’un avantage immédiat. La capacité, la fiabilité et le débit du réseau sont des facteurs clés de l’expérience du joueur.
Pour le gamer, le réseau est un facteur critique de sa réussite.
La communauté des gamers, une opportunité de marché
La communauté des gamers a donc une importance significative pour les opérateurs télécoms. Cette communauté accorde volontiers sa fidélité au fournisseur qui offre la meilleure connectivité et une expérience de jeu améliorée, même à des coûts plus élevés.
Les données d’usage auxquelles les opérateurs télécoms ont accès leur permet d’avoir une connaissance client approfondie. Ils bénéficient alors d’une opportunité unique d’exploiter leurs marques et leurs bases clients pour tirer parti des ressources critiques de leur réseau, afin de proposer le gaming en tant qu’offre de services complémentaires.
Non seulement ils peuvent fournir de la bande passante et gérer les performances de manière à accroître l’engagement et la fidélité, mais cela peut aussi créer de nouvelles offres de services. Certains opérateurs télécoms ont déjà réalisé ce potentiel, comme Verizon avec Riot Games, qui a tiré parti de son déploiement de services 5G pour offrir une expérience de gaming améliorée aux joueurs et aux développeurs.
Par exemple, les opérateurs télécoms peuvent ajouter des services de jeux vidéo exclusifs pour leurs clients existants. Ils peuvent offrir la facturation directe à l’opérateur et des paiements via mobiles, faciliter l’achat de jeux vidéo plus avancés, et des fonctions spécifiques à certains jeux. À lui seul, ce marché devrait représenter quelque 1,96 trillion de dollars d’ici à 2032 !
Un autre segment clé est celui des jeux vidéo dans le cloud. Dans ce domaine les opérateurs peuvent exceller car l’infrastructure cloud a tendance à être distribuée vers l’accès afin d’assurer une bonne qualité de service. Les partenariats entre les développeurs de jeux vidéo dans le cloud et les opérateurs télécoms sont mutuellement bénéfiques : les opérateurs ont l’opportunité de proposer des options de connectivité améliorée, incluant le slicing et des offres multi-accès/multi-technologies, et les fournisseurs de jeux peuvent accéder à plus d’utilisateurs et de terminaux.
Il apparaît clairement que l’opportunité de revenus créée par les jeux vidéo est d’ores et déjà significative pour les opérateurs télécoms. Mais la clé pour se différencier dépendra de la stratégie choisie pour faire évoluer leurs réseaux et répondre aux attentes de ce segment de marché au cours des prochaines années. L’innovation jouera donc un rôle essentiel, et une judicieuse utilisation de la connaissance client permettra d’anticiper la prochaine grande nouveauté dans le secteur des jeux vidéo et préparer leurs réseaux en conséquence.
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