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Pourquoi l’engouement des Français pour l’entrepreneuriat va contraindre les entreprises à réinventer leur management

Selon de récents sondages, 58% des salariés déclarent que le confinement a changé leur rapport au travail[i]et 74% estiment qu’il y aura un avant et un après Covid-19 dans leur entreprise[ii].


 

Le confinement, du temps pour méditer sur son épanouissement professionnel

Si le choc de cette situation inédite n’a pas été suffisamment violent pour empêcher les entreprises de renouer avec le management d’avant crise, cette longue période de confinements et couvre-feux a été l’occasion pour beaucoup d’entre nous de prendre le temps de s’interroger sur sa situation professionnelle : « Mon travail fait-il sens pour moi ? », « Me rend-il heureux ? », « Le mode de management de mon entreprise me convient-il ? », « Le temps que je consacre à mon travail me permet-il de profiter de mes proches ? ».

Autant de questions qui ont amené de nombreux Français à songer à un renouveau professionnel, voire à quitter leur entreprise, lorsque les réponses n’étaient pas satisfaisantes. Cette période de prise de recul pourrait même amener certaines personnes à faire davantage de concessions pour accéder à une situation professionnelle plus épanouissante si l’on en croit une récente étude qui met en avant que 50% des Français seraient prêts à accepter un salaire moins élevé de 10% pour rejoindre une entreprise qui partage leurs valeurs[iii].

Faut-il pour autant s’attendre à une grande vague de démissions similaire à la « Grande résignation » qui a touché les États-Unis (20 millions d’américains auraient quitté leur emploi depuis le mois d’avril 2021) ?

Difficile de l’affirmer pour le moment mais de nombreux signaux faibles laissent penser que le marché du travail va inéluctablement se transformer.

 

Une nouvelle définition du bonheur au travail

Qu’est-ce ce que le confinement a changé ? Du point de vue sociétal, nombreux sont ceux qui observent que cette situation inédite a accéléré une évolution déjà en cours marquée par une forte montée de l’individualisme (au sens primauté de l’individu sur le groupe) qui se traduit par une revendication de liberté et de choix.

Cette quête, que certains désignent sous le terme de T.P.M.G. (Tout Pour Ma Gueule), a pour effet de modifier la définition du bonheur en entreprise.  

Avant le confinement, les salariés considéraient que le bonheur s’obtenait par une amélioration de la qualité de vie au travail. Mais depuis le déconfinement, la définition a évolué. A présent, le bonheur au travail repose sur la possibilité de pouvoir agir plus librement sur son équilibre de vie.

Alors que la « zone de pouvoir d’action » pour améliorer le bien-être au travail était du ressort exclusif de l’employeur, la diversité des attentes et des situations personnelles nécessite à présent de l’élargir à toutes les parties prenantes, ce qui va profondément changer la nature des relations professionnelles.

Exercer un emploi épanouissant et qui fait sens, travailler au sein d’une entreprise dont on partage les valeurs et surtout pouvoir mieux concilier vie privée et vie professionnelle sont devenus beaucoup plus important que de bénéficier de bonnes conditions de travail.

Si ces attentes ne sont pas nouvelles, ce sont les réactions des salariés qui changeront lorsqu’elles ne seront pas satisfaites. Il y a fort à parier que beaucoup d’entre eux n’hésiteront pas à satisfaire ces besoins par eux-mêmes.

Cela semble d’ailleurs être déjà le cas si l’on en croit les données de la Dares qui mettent en avant une augmentation des ruptures conventionnelles ainsi que des études qui montrent que 47% des actifs sont en train de se reconvertir ou envisagent de le faire[iv]. Cette tendance est d’ailleurs déjà d’actualité chez 83% des cadres qui déclarent penser à se réorienter professionnellement, sachant que 37% ont déjà sauté le pas[v].

 

Les Français de plus en plus attirés par le statut d’indépendant

Si le premier réflexe consiste à privilégier la recherche d’entreprises qui leur ressemblent et susceptibles de les accompagner dans leurs projets, les salariés seront de plus en plus nombreux à tenter l’aventure de l’entrepreneuriat dans le cas où leur recherche s’avérerait infructueuse.

En effet, selon de récentes enquêtes, 70% des personnes sondées déclarent, à salaire égal, préférer le statut d’indépendant à celui de Contrat à Durée Indéterminée[vi], 80% des Français estiment que l’entrepreneuriat est plus utile à la société pour sortir de la crise[vii] et 42% des salariés expriment une forte envie de s’en sortir par eux-mêmes en créant leur propre emploi, suite à la crise[viii].

Si l’engouement pour le statut d’indépendant n’est pas nouveau, il semble bien que cette crise ait déjà donné la force à certains de sauter le pas. En effet, l’Insee indique une augmentation de 4% du nombre de créations d’entreprises en 2020 (848.000 nouvelles entreprises) et précise que ce nombre devrait être dépassé en 2021.

De nombreux signaux faibles laissent présager une évolution du marché du travail qui pourrait bien se traduire par une augmentation du nombre d’indépendants.

Les entreprises vont donc devoir relever un nouveau défi pour éviter la fuite de leurs talents et attirer de nouveaux candidats qui n’hésitent plus à poser leurs conditions, ce qui risque fort d’aggraver une situation déjà difficile, notamment pour les P.M.E., dont 79% des dirigeants expriment une forte difficulté à pourvoir leurs postes vacants, faute de candidats[ix].

Mais que faut-il changer ?

 

Du management « Care » au management « C.A.R.E. 2.0 »

La solution pour répondre à cette revendication d’une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle serait-elle le télétravail ? C’est peu probable, pour deux principales raisons.

Tout d’abord parce que, selon la Dares, seulement 25% des emplois sont éligibles au travail à distance et qu’il concerne majoritairement les cadres[x]. Le travail à distance partiel ne serait par conséquent pas une solution adaptée pour 75% des emplois en France.

Ensuite, parce le sujet n’est pas d’ordre organisationnel mais relationnel. En effet, derrière ces attentes raisonnent des mots tels que choix, autonomie, confiance, subsidiarité, flexibilité, qui viennent se confronter aux principes de subordination unilatérale hiérarchique et de conformisme, chers au management traditionnel.

D’ailleurs, de nombreux retours d’expériences démontrent qu’adopter un mode d’organisation hybride sans repenser en profondeur la nature de la collaboration et maintenir un style de management basé sur le principe de « Command & Control » s’avère à terme peu efficace, voire contreproductif et démotivant.

Les solutions d’avant crise, fondées sur un management par le « care », qui consistait à prendre soin des collaborateurs, sont devenues insuffisantes. La crise Covid-19 a eu pour effet d’accélérer l’émergence d’une nouvelle forme de collaboration, que nous avons intitulé « C.A.R.E. 2.0 », basée sur le principe de liberté et dont l’appropriation repose sur quatre piliers : la Confiance, l’Autonomie, la Responsabilité et l’Équité.

Contrairement au management « Care 1.0 » qui reposait entièrement sur les épaules des managers, seuls capables d’agir sur l’amélioration des conditions de travail, la culture du « C.A.R.E. 2.0 » sous-tend un nouveau contrat collaboratif basé sur deux paradigmes majeurs : celui de la « co-construction » et de la « coresponsabilité ».

Pour s’approprier convenablement ces deux paradigmes, les entreprises devront préalablement évoluer d’une relation « Parent/Enfant », induite par le code du travail et la majorité des concepts de management, vers une relation « Adulte/Adulte », basée sur le principe de « symétrie des attentions ».

Découvrez les fondements de cette nouvelle forme de management et ce que devront changer les entreprises dans notre prochain article.

 

 

[i] Ipsos 2020

[ii] Ifop 2020

[iii] Opinion Way 2021

[iv] Centre Inffo de 2021

[v] Cadre Emploi 2021

[vi] Jobby Pepper 2020

[vii] Opinion Way 2021

[viii] Opinion Way 2021

[ix] Baromètre BPI France de novembre 2021

[x] Etude Insee 2021

 

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