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Pourquoi la start-up nation ne partage pas le gâteau avec les femmes ?

Les femmes sont bel et bien dans la tech, elles sont même de plus en plus nombreuses à diriger des start-up. Mais quand on regarde parmi les plus grandes réussites, elles disparaissent des radars. En cause, leur manque d’audace ? Absolument pas. C’est tout le système de financement, des business Angel aux sociétés d’investissement, qui n’ose pas conquérir de nouveaux secteurs.

Pourquoi la start-up nation ne partage pas le gâteau avec les femmes ?

Ces derniers mois, on ne parle que d’elles, les Licornes. Il faut dire que le succès est au rendezvous : nous avons dépassé l’objectif présidentiel français de 2019 qui était de 25 licornes françaises pour 2025. On ne peut qu’applaudir et se réjouir du dynamisme de nos entreprises. Mais à chaque photo dans la presse, le même cliché ou presque… 3 hommes blancs, quarantenaires en chemise blanche ou sweat au logo de leur start-up… Et oui, 26 licornes françaises en 2022 et seulement une co-fondée par une femme : Vestiaire Collective, qui est aujourd’hui dirigée par un homme.

Où sont les femmes de la French Tech ?

S’il n’y a pas de femmes en champions league, allons faire un tour du côté de la league 1, le Next40, label créé par le gouvernement français pour soutenir et promouvoir 40 jeunes entreprises françaises susceptibles de devenir des leaders technologiques : même constat, zéro femme… On ne se décourage pas, direction la league 2 avec le FT 120, l’indice gouvernemental qui regroupe les jeunes pousses françaises les plus prometteuses. La promotion 2022 compterait officiellement 14 femmes, mais lorsqu’on n’y regarde de plus près, seulement 9 sont dirigées actuellement par une femme. Pourtant, la France compte 1 million de start-up selon l’INSEE, dont 24% seraient dirigées ou co-dirigés par des femmes. Nous aurions donc dans notre pays 9 start-up prometteuses dirigées par des femmes sur 240 000… Pourquoi ce chiffre ridicule ?

Des biais et des stéréotypes bien ancrés dans la société et reproduits par l’écosystème…

On nous dit qu’il n’y a pas assez de rôle modèles, que les femmes n’ont pas confiance en elle, qu’elles ne connaissent pas les codes, qu’elles ne prennent pas de risques etc. Pourtant, elles sont bien là et elles n’ont pas à rougir de leur CV ! Alors que l’on estime à 42 ans l’âge moyen des fondateurs d’entreprise qui réussissent, les fondatrices de start-up sont 58% à avoir moins de 40 ans (47% pour les hommes). Elles sont 72% à avoir un master ou un doctorat (42 % pour les hommes) et 8 sur 10 se sont lancés dans leur premier projet entrepreneurial. 40 % d’entre elles ont quitté le salariat. Aujourd’hui, 40% des entreprises Françaises sont fondées par des femmes et en ce qui concerne les start-up, le nombre est passé de 9% en 2018 à 24% en 2021.

Où l’innovation demande rapidement des investissements…

Par définition, une start-up, c’est une entreprise nouvelle innovante à fort potentiel de croissance et de spéculation sur sa valeur future. Une start-up doit tout d’abord passer par une phase d’expérimentation de son marché et de son modèle économique. C’est donc une entreprise qui demande des investissements importants et risqués dès le départ et c’est là que cela se corse pour les femmes puisqu’elles n’ont pas accès aux fonds permettant ces premiers investissements.

En effet, 1% des levées de fonds de 2021 ont été dédiées à des start-up fondées par des femmes versus 1,1% en Europe. Alors pourquoi n’ont-elles pas accès au financement ? Alors même que l’accès aux fonds est difficile pour tous… Dans le monde des start-up, il existe différentes phases de financement appelées SEED stage (l’amorçage pour se lancer), Série A (Rendre le business viable et d’atteindre la rentabilité), série B (Accélération, Traction, Internationalisation) et Série C (Licornes).

Si l’on regarde comment ont été utilisés les 11,57 milliards d’euros qui ont ainsi été levés par 784 start-up en 2021, on découvre que les 15 plus grosses levées représentent à elles seules 41% du total des levées de fonds. Ce qui veut dire que les 115% d’augmentation totale des levées de fonds ont été principalement dans les séries B et C. Du côté de l’amorçage, c’est une tout autre histoire, le nombre de levée en SEED a baissé, passant de 357 levées en 2018 à 221 en 2021. En termes de montant, on observe aucune augmentation des montants investis dans l’amorçage, alors même que les montants des séries A ont augmenté de 52% et ceux des séries B de 137%. Par conséquent, les capitaux vont aujourd’hui dans les start-up « successful » et répondent à l’agenda de la French Tech qui veut faire des licornes. Il n’y a jamais eu autant d’argent mais cela ne signifie pas pour autant qu’il est facile de lever. En l’occurrence, l’argent ne va pas à la création de nouvelles start-up. Or le nombre de création est en constante augmentation.

Et devient une mission presque impossible pour les femmes…

Alors remettons ces deux chiffres en parallèle : nous avons 24% de femmes fondatrices ou cofondatrices de start-up en 2021, mais seulement 1% des levées de fonds lorsque l’équipe fondatrice est uniquement une femme. Cerise sur le gâteau, lorsqu’elles ont accès aux fonds, elles sont 4.3x moins bien financées que les équipes masculines (vs 2.4x fois moins il y a 3 ans) et elles disparaissent après les premiers tours ; aucune levée de fonds au-dessus de 50M€ n’a été effectuée par une équipe 100% féminine ou mixte en 2021.

Notons à présent un élément important : les fondatrices de startup évoluents dans des secteurs d’activités délaissés par les investisseurs en capital-risk Français. En général, les femmes entrepreneures sont très présentes dans le commerce (16,4%), le social (22%), les services aux particuliers (18,6%) et le consulting (14 %). Une configuration que l’on retrouve dans la Tech puisque les femmes sont très présentes dans les secteurs de l’Education, du Care et de la Santé.

Or, au sein de la start-up nation, on trouve une grande concentration des investissements dans les FinTech (21% des levés), l’e-commerce (18%) et le gaming (9%), secteurs de startup très masculins. A contrario, le secteur très prometteur de l’EdTech qui compte 33% de femmes fondatrices, ne représente que 3,7% des levées de fonds. Il faut donc mettre en lumière les branches de la tech qui n’ont pas la cote auprès des investisseurs en formant davantage au capital risk, comme cela se fait aux Etats-Unis. Certes investir dans une startup, c’est prendre un risque, mais une excellente manière de les limiter consiste justement à conquérir de nouveaux territoires et ainsi diversifier son portefeuille. On ne peut pas continuer à voir 43% des investissements d’une année de levée de fonds aller vers du SAAS B2B.

À cause d’un écosystème financier qui manque cruellement de diversité.

Le problème numéro un des femmes fondatrices de start-up n’est donc pas de se lancer, c’est d’être financé, notamment à leur lancement. Lorsque l’on cherche ses premiers financements, les solutions qui s’offrent à soi sont BPI avec les 30 000€ de la bourse French Tech et il y a les business Angel. Or la France manque cruellement de culture financière et de business Angel. Ils seraient 5 500 en France contre 40 000 en Grande-Bretagne et 500 000 aux Etats-Unis.

Actuellement, parmi ce petit nombre de Business Angel, on ne compte en France que 10% de femmes, ce n’est clairement pas suffisant. Éduquer les femmes au capital-risque devient donc un enjeu capital pour l’accès au financement des femmes, car on a tendance à investir dans les personnes qui nous ressemblent. À cela s’ajoute le fait que les femmes Business Angel ont beaucoup moins de capitaux à investir que les hommes. Si l’on prend juste le TOP 10 des business Angel hommes et femmes 2021, les hommes ont investi 16 fois plus en termes de montant que les femmes.

On retrouve le même souci de représentativité dans les sociétés d’investissement avec 27% de femmes et donc une analyse des dossiers biaisés qui explique pourquoi ce sont toujours les mêmes secteurs d’activité et les mêmes business models qui sont financés. Enfin, on peut noter une forte endogamie dans l’écosystème puisque les fondateurs de startup financent leurs alumni qui créent des start-up. C’est ainsi qu’en 2021, 231 levées ont été financées par les cofondateurs de 53 scale-up.

 

Start-up & Investisseurs : on n’est pas là pour partager le gâteau mais pour le faire grossir !

Les femmes osent, ont de l’ambition, des business plans solides, une rentabilité opérationnelle de 8 % (contre 5,7 % pour les entreprises dirigées par des hommes). Le problème ne vient pas d’elles mais de cet écosystème qui ne s’intéresse pas à ce qu’elles font parce que les entreprises qu’elles créent ne répondent pas à leur cahier des charges habituel en termes de secteurs d’activité, de business models et de matrice de rentabilité. C’est tellement plus facile de rester sur ce que l’on connaît, de ne pas prendre trop de risque finalement !

Alors au lieu de pointer les femmes et de leur dire OSEZ, je dirais plutôt au ‘CAPITAL VENTURE » d’arrêter l’auto-censure et d’OSER se lancer dans de nouvelles aventures en intégrant de nouveaux secteurs et ainsi permettre au gâteau de grossir ! Et sinon, moi c’est Solenne, j’ai 43 ans, je suis une ancienne DRH à l’international, maman de 3 garçons, ma start-up c’est Soft Kids, elle a été sélectionnée par Challenges dans les 100 start-up Françaises où investir, alors même que les investissements EDTECH dans le scolaire (K12) représentent 0,11% des levées de fonds en 2021. On en parle ?

 

Solenne Bocquillon-Le Goaziou

 

Auteur : Solenne Bocquillon-Le Goaziou, CEO de Soft Kids, Business Angel Secrétaire Générale des digital Ladies and Allies.

 

Sources :

  • Rapport Caractéristiques et dynamiques de l’emploi dans les start‑up en France- Insee Décembre 2021
  • 2ème et 3ème édition du baromètre SISTA x BCG sur les conditions d’accès au financement des femmes dirigeantes de startups- SISTA &BCG- Mars 2022.
  • The state of the French ecosystem – Eurazeo- Janvier 2022.
  • Rapport « State of European Tech »- Atomic- December 2021.
  • Étude filière Edtech 2021 : l’année du milliard, enjeux et perspectives d’une accélération inédite- EY- Banque des territoires- Edtech France- Mars 2022

 

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