L’Union européenne s’engage à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, un objectif nécessitant des investissements massifs dans la transition énergétique. Actuellement, plusieurs dispositifs comme le Fonds pour l’innovation, le Mécanisme pour une transition juste et InvestEU totalisent plus de 400 milliards d’euros. Toutefois, ces initiatives sont fragmentées et parfois limitées en capacité d’action. La création d’une Banque européenne de la décarbonation et de l’électrification, soutenue par le gouvernement français et défendue lors des prochains conseils européens, pourrait centraliser ces efforts et financer efficacement les infrastructures et technologies clés.
Une contribution de Clément Le Roy, partner au sein du cabinet Wavestone
Une source de financement stable et pérenne
La transition énergétique requiert une visibilité financière à long terme. Contrairement aux fonds temporaires et aux subventions conditionnelles, une banque européenne dédiée offrirait un cadre pérenne, permettant de planifier des investissements sur plusieurs décennies. Par exemple, la modernisation des réseaux électriques intelligents ou la construction de parcs éoliens offshore nécessitent des financements garantis sur plusieurs années. Une banque spécialisée pourrait aussi servir de levier pour attirer des capitaux privés, en offrant des garanties et en partageant les risques financiers des nouvelles technologies bas carbone. Elle favoriserait ainsi la mise sur le marché rapide des solutions de décarbonation.
Un instrument d’indépendance énergétique
La banque européenne jouerait un rôle stratégique dans l’autonomie énergétique de l’Union européenne. En soutenant des projets comme les infrastructures de stockage d’hydrogène, les centrales photovoltaïques à haut rendement ou la filière nucléaire de nouvelle génération, elle permettrait à l’Europe de réduire sa dépendance énergétique. Aujourd’hui, l’UE importe plus de 50 % de son énergie, la rendant vulnérable aux crises géopolitiques et aux fluctuations des prix mondiaux. Un investissement massif dans la production locale d’énergies renouvelables et l’efficacité énergétique sécuriserait l’approvisionnement.
Soutien aux territoires en difficulté
Certaines régions, comme la Silésie en Pologne ou les Asturies en Espagne, dépendantes des énergies fossiles, peinent à se reconvertir. Une banque spécialisée pourrait soutenir ces territoires, en complément des fonds existants, pour éviter la désindustrialisation et favoriser la création d’emplois verts. Des investissements massifs permettraient de développer de nouvelles industries vertes, tout en soutenant les régions en transition.
Un risque de doublon et une gouvernance inefficace
Des dispositifs comme Horizon Europe (95,5 Md€) et la Banque européenne d’investissement (BEI), qui a déjà engagé près de 50 Md€ pour la transition écologique, risquent de se superposer avec la nouvelle banque, créant une complexité administrative. Les grandes institutions financières publiques souffrent souvent de lourdeurs bureaucratiques et de lenteurs dans la prise de décision. Sans une gouvernance claire, réactive et transparente, la banque pourrait ne pas répondre aux attentes des porteurs de projets.
Un risque de concentration des financements
Il existe aussi un risque que la banque privilégie les grandes entreprises et les pays les plus développés, comme l’Allemagne ou la France, au détriment des petites structures et des États membres moins avancés dans la transition énergétique. Une répartition équilibrée des financements est essentielle pour éviter d’accentuer les inégalités économiques entre les régions européennes.
Des dispositifs existants, entre succès et échecs
L’UE a déjà mis en place des initiatives ambitieuses. Le Green Deal européen vise à mobiliser 1 000 Md€ d’investissements verts, mais sa mise en œuvre est freinée par des divergences entre États membres. Le Net-Zero Industry Act peine à concurrencer les subventions américaines de l’Inflation Reduction Act. Le Plan Juncker (2015-2020) a attiré plus de 500 milliards d’euros d’investissements, prouvant que des leviers financiers efficaces peuvent accélérer des projets stratégiques. Cependant, des critiques concernant la complexité administrative et les inégalités d’accès aux financements sont récurrentes.
Une Banque européenne de la décarbonation et de l’électrification pourrait structurer et accélérer la transition énergétique. Cependant, pour réussir, elle ne devra pas reproduire les erreurs des dispositifs existants. Elle devra s’intégrer de manière cohérente avec les institutions financières en place, avec une gouvernance transparente, une allocation équitable des fonds, et une flexibilité pour s’adapter aux évolutions technologiques et économiques.
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