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ÉCONOMIE | Pourquoi et comment diversifier ses placements en période d’inflation ?

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@GettyImages

La crise économique actuelle semble constituer un véritable changement de paradigme qui va recomposer durablement le fonctionnement de l’économie de ces prochaines années. Une nouvelle donne à laquelle répondent les experts en placements financiers par un mot qui fait l’unanimité : diversification.

 

Les facteurs paraissent autant conjoncturels que structurels : pandémie du Covid, guerre en Ukraine, crises bancaires en Suisse et aux États-Unis, renchérissement du prix de l’énergie, transition vers une économie décarbonée, vieillissement démographique, surendettement public des États-Unis et de pays de la zone euro et une nouvelle fragmentation géopolitique qui devrait affecter durablement les chaînes de production. Le scénario d’une inflation qui va s’installer dans la durée est privilégié par les grandes institutions financières qui anticipent que nous allons devoir désormais apprendre à vivre avec. « Les 2 % d’inflation aux États-Unis apparaissaient comme un plafond lors de la décennie précédente, ils vont désormais plutôt représenter un plancher », prévient Xavier Baraton, Global Chief Investment Officer d’HSBC Asset Management. « Nous assistons à une normalisation des politiques monétaires après des années “d’argent gratuit” ; ce mouvement s’apparente à une crise car il s’agit d’une évolution inédite des taux à laquelle il faut s’adapter ! » souligne Sonia Benjamin, directrice d’agence au sein de la banque privée Arkéa.

 

Un changement de paradigme qui appelle un changement d’approche en intégrant les nouvelles incertitudes dans la stratégie de portefeuille. Première stratégie retenue unanimement par les professionnels et analystes : la diversification des risques. « Nous optons pour une approche d’investissement granulaire plutôt que pour des expositions globales », commente-t-on du côté du BlackRock Investment Institute. Même avis du côté de Xavier Baraton, qui préconise de « réduire les segments les plus volatiles pour maîtriser le risque ». Il souligne : « La deuxième étape consiste ensuite à réduire la volatilité au sein de chaque segment. » Le BlackRock Investment Institute suggère en particulier de repenser les obligations : « Les titres d’État à très court terme semblent plus attrayants en termes de revenus sur la base des rendements actuels, et présentent également l’avantage de mieux préserver le capital. Dans la période précédente, les emprunts d’État à long terme auraient eux aussi suscité l’intérêt, en raison de leur rôle historique de protection des portefeuilles lors des épisodes de récession. Ce ne devrait toutefois pas être le cas présentement. » Une recommandation d’investissements dans les obligations partagée par les principaux acteurs, en particulier envers les obligations Investment Grade, américaines et européennes de courte durée, qui offrent des rendements élevés. Pour rappel, les obligations Investment Grade sont des obligations émises par les emprunteurs les mieux notés par les agences de notation de AAA à BBB- (selon Standard & Poor’s), à l’opposé des High Yield (notées BB+ à D), plus rentables mais aussi plus risquées. Chez BNP Paribas Wealth Management, elles sont particulièrement recommandées.

 

Des secteurs opportunistes

Côté actions, les conseils sont finalement assez neutres. Si les investisseurs qui s’inquiètent de l’imminence d’une récession préfèrent éviter d’investir dans des actions car elles paraissent plus risquées à court terme, certains secteurs s’avèrent néanmoins plus résilients et d’autres offrent même des perspectives de rendement dynamiques. « Il est préférable à court terme de sous-pondérer les actions des marchés développés qui n’intègrent pas l’acuité de la récession qui s’annonce », recommande-t-on ainsi au BlackRock Investment Institute notamment pour les actions des pays européens. Les actions restent cependant considérées comme des investissements intéressants. « Les indices des marchés boursiers restent positifs, notamment en Europe. Les acteurs sont prudents mais leur prudence s’est atténuée, notamment avec la baisse des prix de l’énergie et l’anticipation de la fin du processus de durcissement monétaire », estime Valéry N’Kake, CIO de SG 29 Haussmann, chargé de la définition de la stratégie d’investissement de la Société Générale. D’autant que, si certains secteurs risquent de baisser, d’autres devraient profiter de la période. « Pendant la crise, il faut pouvoir viser les valeurs et les secteurs qui ont un “pricing power”, et peuvent donc faire évoluer leur prix selon l’inflation », précise Julien Magitteri, président fondateur de Côme, Le Family Office. À cet égard, le secteur européen de l’assurance et plus globalement celui de la santé retiennent particulièrement l’attention pour leur résilience car leurs performances sont réputées peu affectées par l’évolution de la conjoncture économique, les dépenses de santé étant moins élastiques au revenu.

 

La tech reste intéressante

Pour les valeurs qui permettraient d’obtenir des rendements plus dynamiques, le secteur de la tech conserve tout son attrait. « Il reste des secteurs technologiques en pleine croissance comme la cybersécurité, dans laquelle l’Europe a du retard par rapport aux États-Unis ou Israël, par exemple. Autre tendance de fond, la croissance des dépenses en infrastructures justifiée par les investissements nécessaires pour les développer et les maintenir opérationnelles. Ainsi, l’énergie, les télécoms, les transports et la santé constituent des environnements avec une forte résilience. Dans beaucoup de cas, les pouvoirs publics investissent massivement et le font avec l’aide d’acteurs privés tels que les fonds d’investissement », prévient Souleymane-Jean Galadima, directeur général associé d’Alphacap. « Le mouvement de réindustrialisation qui s’accélère permet de déplacer des capitaux publics très importants vers les entreprises de l’industrie 4.0. Cette nouvelle donne alliée à un univers européen réglementaire plus protectionniste peut créer des opportunités de développement de nouveaux champions au sein de l’UE », complète François-Xavier Copé, Founding Partner de First Bridge Ventures, qui observe également l’émergence de nouvelles tendances avec « un engouement très fort pour les entreprises technologiques qui lient réduction des coûts et pratiques ESG. L’exemple des produits technologiques permettant de réduire la consommation d’énergie est très illustrative de ce mouvement ».

 

La réallocation d’actifs concerne tous les types de placements. Ainsi, Sonia Benjamin, d’Arkéa résume en synthèse : « Compte tenu de l’évolution récente des marchés, nous réduisons les positions sur les actions cycliques (risque de compression des marges bénéficiaires) et les supports immobiliers (impact de la hausse des taux sur les valorisations) et revenons vers des allocations plus prudentes en investissant sur des produits de taux (comptes à terme, monétaires, obligataires…) et des actions de secteurs défensifs comme la santé ou les infrastructures. »

 

L’immobilier en question

« Pour viser davantage de rendements, les investisseurs doivent aussi regarder des segments plus porteurs, notamment en diversifiant en produits alternatifs dans le secteur non coté avec la dette privée et le private equity qui sont à l’écart de l’exubérance du quotidien des marchés, et qui sont des placements en général sous-représentés dans les portefeuilles de clients. Enfin, il est intéressant de s’intéresser aux pays émergents dont ceux de l’Asie qui ne sont plus sous tension inflationniste », analyse Xavier Baraton d’HSBC AM.

 

La forte volatilité des marchés d’actions pousse aussi les investisseurs à un regain d’intérêt vers les produits structurés qui permettent des garanties partielles ou totale en capital avec des coupons significatifs. « Les produits structurés représentent une bonne solution à court terme. Il faut cependant les considérer avec attention et se faire aider par des professionnels », analyse Julien Magitteri de Côme. L’immobilier reste intéressant pour diversifier les actifs même s’il connait aujourd’hui une phase compliquée avec, d’un côté, des vendeurs qui ont du mal à vendre à des prix plus bas qu’il y a quelques mois dans le contexte inflationniste et, de l’autre, de potentiels acheteurs qui préfèrent attendre une baisse des prix avant d’investir et éprouvent plus de difficultés de crédit du fait de la remontée des taux. « Un positionnement d’investissement “value-added” paraît un bon compromis en attendant que le marché reprenne une activité plus normale », résume Souleymane-Jean Galadima d’Alphacap.

 

« Lorsque les deals sont bons, ils sont souvent préemptés par de grands investisseurs. En matière d’investissement, ce ne sont pas tant les plus gros qui mangent les plus petits que les plus rapides qui mangent les plus lents », conclut Julien Magitteri de Côme.

 

Cet article a été écrit par : MICHAËL MIGUÈRES

 

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