Pour la première fois de son histoire, la célèbre griffe française Chanel a décidé de rendre publics ses comptes et fait état d’un chiffre d’affaires de 8,3 milliards d’euros pour le seul exercice 2017. Une performance qui hisse la marque au firmament du luxe mondial, aux côtés de Louis Vuitton.
La guerre du luxe aura bien lieu. Peut-être « touchée dans son orgueil » par les fanfaronnades de Gucci qui n’a pas hésité, ces dernières semaines, à se positionner comme la future première marque de luxe mondiale, en détrônant au passage Louis Vuitton, Chanel a décidé de « taper du poing sur la table ». Ainsi, la griffe, créée en 1910 et hissée au pinacle par son parfum n°5 et ses sacs matelassés, a fait état d’un chiffre d’affaires de 8,3 milliards d’euros (9,62 milliards de dollars), en progression de 11% en données publiées et de 11,5% à taux de change constant. Une « première » historique pour une marque qui a toujours brillé par son culte de la discrétion. « Nous avons réalisé que notre culture de discrétion ne nous servait plus. Cette publication permettra aux commentateurs d’avoir les exactes données chiffrées sur la santé financière de Chanel », a expliqué le directeur financier de la marque Philippe Blondiaux. Une performance qui permet à Chanel de talonner Louis Vuitton et de devancer Hermès et Gucci, dont la communication de ces dernières semaines était de dire que « la véritable question qui se posait n’était pas de savoir si la griffe italienne allait dépasser Vuitton mais plutôt quand », selon les propres termes de Marco Bizzarri, patron de Gucci. Mais c’était sans compter sur Chanel qui a décidé de remettre « l’église au centre du village » et ainsi affirmer sa position de challenger de Vuitton. Pour rappel, n’étant pas cotée en bourse, Chanel n’a aucune obligation de rendre publics ses résultats financiers.
A l’instar de ces illustres concurrents, la marque propriétaire des frères Wertheimer, respectivement 6e et 7e fortune française, selon notre classement profite comme d’un contexte favorable au luxe, porté notamment par l’appétit des jeunes Chinois. Mais à la différence de ses pairs, la marque n’a jamais cédé au sirènes du e-commerce – pour sa mode et sa maroquinerie – qui dope une partie des ventes du secteur. « Nous ne cherchons pas à développer nos ventes par un nouveau canal de distribution alors que nos boutiques marchent très bien. Le digital, pour nous, c’est un moyen de faire venir les clients dans nos magasins », soulignait, il y a quelques mois, Bruno Pavlovsky, président des activités mode de la marque. L’idée du dirigeant demeure de créer l’événement et de ne pas justement céder à une tendance « d’industrialisation » de produits types sacs à main (comme le « Boy » ou le « Gabrielle » avec des listes d’attente très importantes). « Si vous donnez tout, tout de suite et à tout le monde, vous perdez votre exclusivité », abondait le dirigeant. En dépit de cette stratégie à rebours de la concurrence, Chanel et ses 8,3 milliards de dollars deviennent officiellement le dauphin de Louis Vuitton dont les ventes sont peu ou prou estimées aux alentours des 9 milliards.
Chanel, dauphin et challenger de Vuitton ?
Mais hormis pour « rabattre le caquet de Gucci », pourquoi Chanel est-elle sortie de sa cure de silence ? Certains observateurs y voient les premiers jalons d’une introduction en Bourse. Une assertion rapidement démentie par le directeur financier de la marque chère à Karl Lagerfeld. « C’est tout le contraire. Ces chiffres montrent que nous disposons de tous les moyens de rester ce que nous sommes. Une société incroyablement solide (…) qui peut rester indépendante et privée pour les cent ans qui viennent ». Fin de citation. Mais un fin observateur du secteur, désireux de garder l’anonymat, n’est pas aussi catégorique. « La question ne pose clairement pas aujourd’hui mais pourrait resurgir d’ici quelques années ». D’ailleurs, si Chanel venait à rejoindre la cote parisienne, elle surclasserait aisément la valorisation d’Hermès, nouvel entrant du CAC 40, et nouveau « fils préféré » des investisseurs, comme l’explique BFM Business.
Enfin, dernière hypothèse, celle d’une vente pure et simple de la part des frères Wertheimer (propriétaires à 100%). Car si la possibilité d’une OPA est quasiment exclue au regard des « remparts juridiques » érigés par les propriétaires comme l’a fort justement rappelé Challenges il y a quelques années, la question de la cession de Chanel pourrait se poser, d’autant que le document relatif à la publication des comptes nous apprend qu’Alain et Gérard Wertheimer ont démissionné du conseil de direction en 2017 – « pour des raisons qui leur appartiennent », selon le directeur financier. Une éventualité farfelue pour notre observateur. « Si les frères Wertheimer décidaient de vendre Chanel, ils n’auraient pas besoin de dévoiler les comptes au grand public pour prouver la robustesse financière de la marque et intéresser de potentiels acheteurs ». En tout cas, cette « mise à nu » permet à Chanel de consolider ses positions de véritable dauphin de Vuitton. Au grand dam de Gucci et de ses projections.
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