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Politiques ou commerciales, comment les marques préparent-elles leur avenir ?

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Initialement, les marques servaient à différencier les produits et établir une réputation de qualité et de fiabilité, mais avec l’évolution de la société, et notamment les préoccupations environnementales, les attentes des consommateurs ont évolué. L’engagement d’une marque est devenu une part nouvelle et importante de son identité, à tel point que des consommateurs sont même prêts à payer plus cher pour des produits provenant de marques qui s’engagent dans des initiatives durables et éthiques. Par une sorte de binarité nouvelle auprès des consommateurs qui adhèrent ou les rejettent, les marques apparaissent engagées pour le bien commun de tous ou à rebours des préoccupations du moment, de telle sorte qu’elles peuvent se trouver plus rapidement qu’avant sur un siège éjectable auprès de l’opinion. C’est ainsi qu’Ipsos a intitulé son colloque consacré au sujet : « L’avenir des marques : dégagisme ou reconnaissance de leur engagement ? ».

 

Affectées par la convergence des violents changements comme les disruptions technologiques, organisationnelles, la part prépondérante du online dans les achats comme dans la formation de l’opinion, l’émergence d’une conscience environnementale, durable et éthique très forte et des usages nouveaux, les marques sont confrontées sans cesse à de nouveaux défis. Même les marques des partis politiques ont été, en peu de temps, totalement bouleversées par des mouvements inimaginables quelques mois auparavant seulement. Pour perdurer, les marques commerciales semblent rivaliser d’imagination pour se réadapter en consacrant beaucoup de moyens, d’énergies et des méthodes innovantes.

 

Une bataille quotidienne plus complexe qu’auparavant.

Parmi les changements de poids, Alexandre Guérin, le Directeur général d’Ipsos en France, constate que du fait de la multiplicité des canaux et les possibilités d’expression de chacun en ligne et sur les réseaux sociaux en particulier, les marques n’ont plus vraiment le contrôle de ce qui se dit à leur sujet. C’est un changement de paradigme majeur qui nécessite une réinterprétation totale du travail des marques pour bien véhiculer leurs valeurs et préserver leur image.

L’engagement social d’une marque, qui semblait autrefois réservé à quelques privilégiées qui en avaient les moyens ou pouvait même apparaître au début comme une coquetterie semble désormais être devenu la norme. « L’engagement d’une marque devient presque une obligation » observe Géraldine Michel, Directrice de la recherche, Directrice de la Chaire Marques et Valeurs de l’IAE Paris, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, qui cite en exemple l’action ultime en la matière par le fondateur de Patagonia la marque de vêtements, qui l’a légué en septembre à une association de défense de l’environnement. « Passer au nous, ne plus penser au « je » et penser à l’impact sociétal plus qu’aux résultats financiers » sont devenues de nouvelles injonctions des consommateurs envers les entreprises. La chercheuse nous invite cependant à dissocier la marque et l’entreprise qui doivent rester deux notions distinctes dans l’analyse : parler de la marque, c’est ainsi parler des valeurs des fondateurs, de l’entreprise à ses débuts, de sa raison d’être première. Alors que la fonction principale d’une entreprise reste de générer du profit, Géraldine Michel cite une étude récente du Boston Consulting Group selon laquelle les marques qui s’engagent affichent deux fois plus de croissance que les autres. Une véritable obligation donc !

 

Les marques politiques également affectées

« Le politique doit remplir la fonction de gérer la pluralité pour générer de l’unité » commente Brice Teinturier, le Délégué général délégué d’Ipsos en France, ce qui les contraint par rapport aux entreprises qui ne sont pas soumises à cette contrainte. Selon lui, le dégagisme historique observé lors des élections de 2017 résulte de la combinaison de deux mouvements principaux de crise. Une crise de résultat à la suite de l’incapacité des différents partis politiques à répondre aux attentes malgré les alternances, ce qui a tué l’espérance, et une crise de l’identification, causée par le sentiment que les responsables politiques ne comprennent pas les électeurs, qu’ils ne sont pas comme eux. 

« Le dégagisme est apparu alors comme un moyen de transformer le pays par un changement de méthode », prolonge Brice Teinturier. Ce qui a eu une véritable déflagration sur les partis politiques et a probablement modifié pour longtemps la façon de concevoir et conceptualiser les marques politiques.

 

Le génie des grandes marques est de durer

Au sujet de la marque Forbes, « Quelle est la recette pour tenir 106 ans ? », interroge Dominique Busso, le patron de Forbes France. En premier lieu, la particularité du magazine qu’il soit toujours incarné par des personnalités en couverture, par des femmes et des hommes du monde économique en couverture dont la saga entrepreneuriale est mise à l’honneur par des enquêtes de qualité. Que ce soit sur des visages connus comme Steve Jobs, Bill Gates, Madonna, Elon Musk ou Christine Lagarde qui ont fait la couverture, des visages de réussites avec le classement des fortunes du magazine ou des visages d’avenir avec le palmarès désormais célèbre du classement 30 under 30 qui met en avant ceux qui innovent et font l’économie de demain. Outre l’incarnation, Forbes s’est également adapté aux tendances des consommateurs en opérant un virage important vers Internet et proposant notamment du contenu web exclusif, ce qui était à l’époque une véritable prise de risque pour une marque de magazine si ancienne.    
Pour continuer à vivre encore de belles années, Forbes continuera donc son développement avec agilité, et s’évertuera à anticiper les nouveaux usages. « Agilité et anticipation pour perdurer », résume Dominique Busso.

L’Interner a en effet bouleversé tous les usages. « Une marque peut désormais toucher 6 milliards de personnes très rapidement, ce qui était impossible et impensable auparavant », souligne Sébastien Missoffe, Vice-Président et Directeur général de Google en France. L’espace en ligne pour une marque est désormais infini, ce qui modifie tous les processus marketing et commerciaux des marques. Grâce aux données disponibles en matière de tendances observées et les préférences des consommateurs en ligne, les marques peuvent se fixer des objectifs qualitatifs à 90 jours avec beaucoup d’agilité selon les usages des audiences, des délais beaucoup plus courts qui contrastent avec les plans marketing d’avant les années 2010.

 

L’avenir des marques dépendra en grande partie de leur capacité à s’adapter à l’évolution des besoins et des attentes des consommateurs.

 

« Les grandes entreprises ne sont pas à l’abri de tomber, comme Nokia ou plus récemment Crédit Suisse » rappelle Bertrand Cizeau le Directeur général d’Hello bank!, pour qui « le génie des grandes entreprises est de durer ». Selon son analyse, le rôle d’une entreprise n’a pas changé, elle doit faire du commerce et non pas défendre une cause, mais ce qui a changé c’est la façon de faire du commerce.  Ainsi, on serait passé de la satisfaction de la rentabilité à une satisfaction du bien commun, prenant en considération de nouveaux facteurs comme l’empreinte écologique, la transparence et l’inclusivité. Si la notion de profitabilité durable s’est imposée, cela reste du business. Attention cependant à un nouveau risque pour les entreprises, prévient Bertrand Cizeau: la sincérité des marques dans la capacité à satisfaire les nouvelles exigences sera un facteur de dégagisme des entreprises par les consommateurs.

Un risque que ne contredirait pas les études d’Ipsos, selon lesquelles 80% des personnes interrogées estiment désormais qu’il est normal qu’une marque s’engage pour des causes. Benoit Tranzer, le directeur global Brand Health Tracking résume que les consommateurs souhaitent désormais très majoritairement que les marques investissent le champ du sociétal. Est-ce parce que l’on considère que les politiques ont échoué à faire avancer les causes ou parce que l’on pense que c’est un rôle complémentaire des marques par rapport au politique ? La question reste ouverte.

 

Coté industriels, la tendance de l’engagement des marques dans le champ social n’apparaît néanmoins pas nécessairement comme nouvelle. Ainsi, précise Christiane Zelus, la directrice globale de la marque Michelin, l’engagement de son groupe pour des causes qui le dépassait et la volonté d’avoir un impact positif sur la société ne sont pas nouveaux. Elle souligne la stratégie désormais ancienne du groupe de pouvoir anticiper les tendances, et d’avoir été précurseurs pour la disparition des microparticules ou le développement de l’énergie basée sur de l’hydrogène. Une équipe prospective interne établit des scénarios d’ici 30 ans et proposent plusieurs plans de développement de l’entreprise d’ici-là. « Ce qui a changé, c’est la façon dont on parle de l’engagement », conclue-t-elle, rappelant au passage que le premier pneu durable de Michelin date d’il y a déjà 30 ans, autrefois appelé « pneu green ».

Même constat établi côté Orange selon Claire Collet, la Directrice de la Stratégie Marque, pour qui le rôle d’opérateur responsable ne s’est pas modifié à travers le temps mais amplifié. Les innovations ont notamment fait naître de nouveaux thèmes : cybersécurité, impact environnemental du numérique, la déconnexion, le cyberharcèlement ou encore l’écran et les plus jeunes, sur lesquels le groupe se mobilise à travers plusieurs programmes spécifiques dont des partenariats d’Orange avec la Fédération Française de Football et de Rugby pour sensibiliser à ces diverses problématiques.

 

Pour conclure, Arnaud Caré, Directeur Brand Health Tracking, Ipsos en France résume par une métaphore : « On est passé d’une période de plans qui durent dans le temps à des accélérations et des transformations rapides. On est passé d’un métier de charpentier de marques, à celui de jardinier, plus agile, pour ajuster au quotidien l’image des marques ». 

Rédigée par Michael Miguères

 

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