Le quinquennat d’Emmanuel Macron s’ouvre sur un climat de confiance des patrons au plus haut, relayé par des perspectives de croissance plus vigoureuses du commerce mondial. C’est le moment d’enfoncer le clou, et de réussir la réforme du marché du travail. Mais l’impératif de rebond de notre économie exigera plus encore : une mobilisation totale pour faire grandir les TPE et PME françaises, autour d’une action publique décidée à réussir le changement d’échelle, et clairement pilotée.
Des patrons de l’industrie qui n’ont jamais été aussi confiants dans l’avenir depuis six ans[1]. Des défaillances d’entreprises en net recul, au point de repasser sous la barre des 16 000 au premier trimestre[2]. La trésorerie globale des grandes entreprises et des ETI au plus haut depuis 2005, d’après la dernière enquête d’opinion publiée il y a quelques jours par COE-Rexecode[3].
Il ne faudrait pas en rajouter beaucoup à cette liste de bonnes nouvelles pour qu’on imagine qu’Emmanuel Macron s’installe dans le fauteuil confortable d’un chef de l’Etat qui n’aurait plus qu’à gérer la reprise. D’autant qu’après les violentes bourrasques qui s’étaient abattues sur le commerce mondial au cours des dernières années, celui-ci semble reprendre du poil de la bête depuis le mois de janvier.
Un premier test politique pour le gouvernement : la réforme du marché du travail
Avant une rencontre sportive devant l’opposer à un adversaire présumé plus faible que lui, on met souvent en garde un champion réputé trop confiant contre ce qu’on appelle le « match piège ». Le Président de la République et son nouveau gouvernement, en ce printemps où tant de signes d’espoir éclairent le ciel, ne peuvent ignorer le danger qui guette, la foudre qui menace.
Certains préviennent d’ailleurs sans ménagement le nouveau chef de l’Etat sur ce qui l’attend : « Réformer la France sans conflits sociaux ? Un doux rêve »[4] titre par exemple l’économiste en chef de Natixis, Patrick Artus. Une allusion à peine voilée à ce qui pourrait advenir du processus de réforme, tout juste amorcé au cours de la semaine écoulée, en vue de moderniser le droit du travail.
Mais Emmanuel Macron n’a pris personne en traître, ni attendu, comme son prédécesseur avait commis l’erreur de le faire, la quatrième année de son quinquennat pour engager une réforme aussi cruciale.
Son souhait d’aller vite et d’accoucher d’un résultat tangible à l’automne en recourant aux Ordonnances ne s’accompagne pas non plus de précipitation. Les consultations menées depuis l’Elysée, avec les organisations patronales et syndicales, et qui vont se poursuivre prochainement avec le Premier ministre et la ministre du Travail, Murielle Pénicaud, ont permis d’identifier les zones évidentes de « frottement », mais aussi celles pour lesquelles des convergences restent possibles.
C’est le tout premier test politique majeur pour la nouvelle équipe gouvernementale emmenée par Edouard Philippe. Réussir là où le gouvernement précédent avait échoué, accouchant alors d’une Loi Travail tronquée, est tout sauf une option pour elle et pour la compétitivité de notre économie.
Car les entrepreneurs n’en peuvent plus de ce droit du travail, devenu si « obscur et inquiétant »[5] comme le qualifiaient déjà Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen il y a deux ans. Ils sont accablés par cette forêt de textes (3689 pages !) imbuvable, qui les paralyse au moment de passer à l’acte d’embaucher, et les prive aussi d’un dialogue social de proximité, si utile pour que ce soit prises au juste niveau les décisions concernant l’avenir de l’entreprise…
Que ceux qui auraient encore un doute n’oublient pas ceci : ce que s’apprête à faire le nouveau Gouvernement, c’est ni plus ni moins – dans les grandes lignes- ce que l’Allemagne avait réussi à mener à bien il y a près de quinze ans avec les réformes « Hartz » (2003 à 2005), et ce que nos voisins espagnols (en février 2012) ou même italiens ont su réaliser (« Jobs Act » de décembre 2014) dès avant nous.
Aussi, le devoir de tout entrepreneur responsable et de toute organisation réformiste est désormais de tout mettre en œuvre pour aider le gouvernement à moderniser ce marché du travail vers lequel tous nos regards doivent être dirigés pour remporter la bataille de l’emploi !
Une ambition pour le quinquennat : faire grandir les entreprises françaises
Une telle victoire, pour laquelle nous devons chacun nous mobiliser, sera-t-elle pour autant suffisante pour garantir un rebond solide et durable à l’économie française dans la mondialisation ? S’il entend réellement devenir le « président des entreprises », Emmanuel Macron ne pourra en aucun cas se contenter d’une simplification même exigeante et habile du code du travail.
La modernisation des entreprises françaises devra aller bien au-delà de la revitalisation du dialogue social en son sein, aussi nécessaire cet objectif soit-il.
J’ai eu l’occasion de l’écrire dans un ouvrage récent (« Pour en finir avec la stagnation économique française »)[6] et de le redire dans ces colonnes : l’économie française est devenue un véritable « millefeuille entrepreneurial ». Y cohabitent des réussites exceptionnelles et des situations très contrastées : chaque année, 58 000 entrepreneurs sont contraints de mettre la clé sous la porte.
Notre pays a admirablement su renverser la vapeur depuis quinze ans en devenant l’une des nations les plus entrepreneuriales du monde. Nous créons chaque année plus de 550 000 nouvelles entreprises individuelles et de sociétés. Mais nous avons toujours échoué au cours des deux derniers quinquennats à transformer ce premier succès en croissance et en développement de nos entreprises.
Faut-il rappeler que nous ne disposons que de 5 200 entreprises de taille intermédiaire (ETI) ? Et ce pour une raison simple : la France ne parvient pas à faire grandir ses entreprises, et ce dès les toutes premières années qui suivent leur naissance. Notre économie ne dispose par exemple que d’1% de PME de plus de 50 salariés contre le double au Royaume-Uni et le triple en Allemagne…
Faire grandir ensemble nos sociétés, c’est LE défi économique du quinquennat qui s’ouvre !
Et cette ambition de croissance doit être pilotée. Le gouvernement doit être en mesure de proposer aux Français un objectif de changement d’échelle de nos entreprises. Dans mon ouvrage, préfacé par Thibault Lanxade et fruit de discussions avec lui, je propose deux cibles à l’horizon 2020 qui pourraient guider favorablement notre approche stratégique pour les prochaines années :
- se fixer le cap de 2% de « grosses » PME (50-249 salariés), ce qui nous ferait déjà rejoindre le Royaume-Uni sur ce premier terrain ;
- viser 8 000 ETI, ce qui nous permettrait déjà de faire jeu égal avec l’Italie, avant d’espérer d’ici la fin du quinquennat rejoindre le Royaume-Uni (10 000) puis l’Allemagne (12 000).
Ces objectifs de croissance mesurables devront être accompagnés et soigneusement guidés. Toute la politique destinée à les soutenir gagnera à être pleinement visible dans le dispositif gouvernemental et entièrement incarnée.
Après les prochaines élections Législatives (11 et 18 juin 2017), Emmanuel Macron et son Premier ministre devront être très attentifs au choix de leur ministre en charge du développement des PME.
Il est très attendu par les dirigeants de sociétés, mais aussi les entrepreneurs indépendants. Ces derniers ont bien entendu les engagements pris pendant la Campagne, tout particulièrement sur l’extension de l’assurance-chômage à leurs professions.
Le premier livrable de poids pour un ministre pleinement investi de la charge de l’artisanat, du commerce et des PME pourrait être d’organiser d’ici l’automne prochain des « Assises de l’accélération du développement des entreprises ». Un moyen efficace de mobiliser l’ensemble des entrepreneurs, des corps intermédiaires et des acteurs publics autour de ce défi sans équivalent pour notre économie.
[1] Insee, enquête auprès des dirigeants de l’industrie manufacturière interrogés en avril 2017.
[2] Altares, enquête trimestrielle sur les défaillances d’entreprises, dévoilée par les Echos, 4 mai 2017.
[3] Indicateur AFTE/COE-Rexecode, disponible sur le site www.coe-rexecode.fr
[4] Patrick Artus, in Les Echos, lundi 22 mai 2017.
[5] Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen, in Le Monde, 15 juin 2015.
[6] François Perret, Pour en finir avec la stagnation économique française, L’Harmattan, février 2017.
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