PGIM Quantitative Solutions se distingue par l’application de la physique théorique à la gestion des investissements. George N. Patterson dirige cette équipe d’experts qui utilise des modèles mathématiques avancés pour optimiser les portefeuilles financiers.
Une contribution de William Baldwin pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
La beauté de la physique théorique rencontre la complexité du trading d’actions dans les bureaux de PGIM Quantitative Solutions à Newark, dans le New Jersey. C’est là que George N. Patterson, titulaire d’un doctorat en physique qui a quitté une carrière à la NASA pour travailler dans l’investissement, dirige une équipe de recherche comprenant 13 autres docteurs.
Un physicien à Wall Street ? Si vous aimez les équations aux dérivées partielles, cela ne vous paraîtra pas si étrange. L’équation qui décrit la dérive des prix des actions est presque identique à celle qui définit le mouvement de la chaleur. Il existe cependant une grande différence entre les sciences naturelles et la finance. Les planètes suivent des trajectoires prévisibles, tandis que les marchés financiers sont parfois imprévisibles. M. Patterson souligne : « La gravité ne connaît pas de mauvaise année ».
En tant que directeur des investissements chez PGIM Quant, M. Patterson a pour mission d’adapter des théories abstraites issues des manuels de finance à la tâche pratique de constituer des portefeuilles d’actions, d’obligations et de matières premières principalement pour des clients institutionnels. Outils : des objets complexes comme les copules, les graphes dirigés et les modèles de Markov cachés. Données d’entrée : 61 téraoctets de données. Résultat : 400 000 transactions par an.
« Nous sommes comme une baleine filtrant de minuscules crevettes », déaclre M. Patterson. Une grande baleine puisque PGIM Quant représente 102 milliards de dollars des 1,3 trillion de dollars gérés par Prudential Financial, l’assureur qui existe depuis 149 ans.
M. Patterson, âgé de 58 ans, se souvient de sa visite dans son enfance au New York Mercantile Exchange (NYMEX) avec son père, un trader de matières premières. Il n’est donc peut-être pas surprenant que, tôt dans sa carrière, alors qu’il effectuait des simulations informatiques au laboratoire de la NASA à Pasadena, en Californie, Barclays Global Investors ait réussi à le débaucher. Il a rejoint PGIM en 2017.
Peut-on dominer le marché avec une salle pleine d’ordinateurs ? Pas facilement. PGIM ne divulgue pas les performances de ses comptes gérés séparément, qui remontent à 49 ans, mais il existe quelques fonds communs de placement plus récents et plus modestes avec des résultats observables. PGIM Quant gère des fonds pour grandes entreprises, petites entreprises et internationaux dont les performances des cinq dernières années (selon Morningstar) dépassent les indices pertinents avant frais mais sont en retard après. Les clients institutionnels, payant des frais plus bas (les taux affichés sont de 0,3 % à 0,65 % des actifs annuellement), font vraisemblablement mieux.
Les experts en informatique de PGIM peuvent justifier leur salaire même en se contentant de suivre les indices de référence. En effet, les clients des fonds de dotation et des pensions ont des exigences et des contraintes spécifiques. Par exemple, certains peuvent souhaiter aligner leur portefeuille sur le S&P 500 tout en excluant les actions de combustibles fossiles, d’autres peuvent vouloir éliminer les entreprises liées aux armes ou au tabac, tandis que d’autres encore pourraient préférer sous-pondérer certains secteurs déjà surreprésentés dans leurs autres investissements.
L’objectif est de maximiser un score qui récompense le rendement attendu tout en pénalisant le risque. Le risque est important, car sinon, vous pourriez vous retrouver avec un portefeuille composé uniquement d’actions de croissance agressives comme Nvidia et Netflix. Bien que récemment, un portefeuille de ce type aurait pu bien performer, ce n’est généralement pas ce que recherchent les clients et cela ne conviendrait pas à une institution prudente telle que la Widows & Orphans Friendly Society.
Chez PGIM Quant, un ordinateur conscient du risque cherche à atteindre un point haut dans un espace à des milliers de dimensions, chacune représentant une valeur qui pourrait être détenue. Heureusement qu’il existe des puces rapides. Ce travail de maximisation est entrepris quotidiennement pour chaque client, et la solution de chaque client passe par 3 000 milliards de calculs.
Feu Harry Markowitz a établi la relation entre le risque et la récompense il y a 72 ans. Il a calculé le rendement de la diversification en termes de covariance entre deux actions, une mesure de leur tendance à évoluer de concert. Le jeu consiste à obtenir des valeurs mobilières avec de faibles covariances (ou mieux, négatives).
La salle des coffres
CALCUL DES RENDEMENTS
En 2015, le « fonds spéculatif de grande taille à la croissance la plus rapide de la planète » était Two Sigma Investments, que le « génie des mathématiques » John Overdeck et le « nerd de l’informatique » David Siegel avaient transformé en un géant de 28 milliards de dollars en optant pour une approche entièrement quantitative :
« L’esprit humain n’est pas devenu meilleur qu’il y a 100 ans, et il est très difficile pour quelqu’un utilisant des méthodes traditionnelles de jongler avec toutes les informations de l’économie mondiale dans sa tête », a déclaré Siegel lors d’une conférence d’investisseurs plus tôt cette année. En fait, les data scientists et les systèmes de Two Sigma analysent plus de 10 000 sources de données, utilisant 75 000 CPU avec 750 téraoctets de mémoire. « Finalement, viendra le temps où aucun gestionnaire de placements humain ne pourra battre l’ordinateur. » —Forbes, le 19 octobre 2015
Two Sigma gère aujourd’hui plus de 60 milliards de dollars d’actifs, mais Siegel et Overdeck (tous deux milliardaires) sont engagés dans une lutte acharnée sur la manière de gérer l’entreprise, prouvant que l’élément humain est bien vivant.
Tout cela est très élégant dans un manuel de finance, dit Patterson, mais dangereux dans le monde réel. La covariance est mesurée en analysant les prix des actions des dernières années. Cette analyse contient beaucoup de ce que Patterson appelle des « interférences ». Si vous faites analyser ces données par un ordinateur, il pourrait se concentrer sur une coïncidence, comme une faible covariance entre une entreprise automobile et une entreprise de production de farine de poisson. L’ordinateur conclurait alors qu’un portefeuille composé de Tesla et de cette action de farine de poisson serait particulièrement stable. Mais cela n’a aucun sens.
Un autre problème avec la théorie classique du portefeuille est qu’elle suppose qu’une covariance est un nombre unique et fixe. Dans le monde réel, l’interdépendance de deux actifs peut être faible sur des marchés calmes mais augmenter fortement en période de turbulence. C’est l’essence de ce qui a mal tourné lors de la crise financière mondiale : tout a crashé en même temps.
Tirant des enseignements de cette expérience, les analystes quantitatifs mesurent désormais les relations entre valeurs mobilières avec des « copules », qui permettent explicitement une interdépendance croissante lors des marchés baissiers. L’analyse de PGIM intègre cela, ainsi que d’autres raffinements.
L’équipe de Patterson a élaboré un graphique utilisant les documents financiers pour mesurer les relations entre les entreprises. (Par exemple, le fabricant de portes Jeld-Wen indique qu’il tire 15 % de ses revenus de Home Depot.) Ils expérimentent également un modèle de Markov (nommé d’après un mathématicien russe) pour décrire le marché boursier. Cette analyse postule qu’un génie, caché dans une pièce sombre, sélectionne des mouvements à la hausse et à la baisse parmi deux urnes, l’une contenant des boules aléatoires avec une tendance haussière et l’autre avec une tendance baissière. En observant uniquement les boules extraites, vous essayez de deviner sa règle pour choisir l’urne.
Patterson ne veut pas que ses mathématiciens se laissent emporter. « Le travail quantitatif est une arme à double tranchant », dit-il. Si l’ordinateur détecte une « anomalie statistique qui semble fonctionner sans que nous en comprenions la raison », il ne l’utilisera pas. Évoquant un aphorisme souvent attribué à Albert Einstein, il définit son objectif de cette manière : « Utilisez suffisamment de complexité pour modéliser le monde réel, mais pas plus que cela. »
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