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Peut-on envisager l’IA comme un nouveau collaborateur de votre entreprise ?

Peut-on travailler main dans la main avec une IA ?Peut-on travailler main dans la main avec une IA ?

La tentation est grande d’opérer des raccourcis sur notre rapport actuel à l’intelligence artificielle notamment à l’un de ses représentants parmi les plus cités actuellement : l’outil conversationnel Chat GPT, devenu rapidement un incontournable dans notre vie, sur des aspects aussi bien professionnel que personnel.

A force de s’en servir au quotidien, notamment dans un rôle d’assistanat de tâches ayant une faible valeur ajoutée : rédiger des notes, faire une recherche sur le web, compiler des données dans un fichier Excel, réaliser une traduction, relire et corriger un document ou toute autre action simple mais chronophage ; les utilisateurs l’ont intégré rapidement dans leurs usages.

 

L’intégration rapide de l’IA dans nos habitudes de travail

Loin de nous l’idée de lister simplement les missions pour lesquelles Chat GPT est d’une grande aide mais simplement de montrer que son interface simple d’installation et de prise en mains s’est fondue en un instant dans nos habitudes. 

Au point qu’il peut être tentant de le considérer comme un « nouveau » salarié, tant parfois le temps gagné par personne et par jour est conséquent. Si le raccourci est facile, il pose néanmoins la question de la perception de la valeur apportée par un collaborateur au sein d’une organisation et de ce qu’en attende ses managers et sa direction. Et quid d’une IA beaucoup plus puissante que Chat GPT, entrainé pour répondre à des problématiques professionnelles ? Car depuis quelques mois, l’Intelligence Artificielle se décline sous toutes les coutures, dès que l’on veut rendre un nouveau produit encore plus attractif, une touche d’IA est ajoutée, même si stricto sensu on se rapproche le plus souvent d’un modèle simple de machine Learning plus que d’LLM développé (Large Language Model).

 

Des évolutions fulgurantes à venir… et à anticiper !

S’il est aisé pour le moment de faire le distinguo entre travail réalisé à l’aide d’un outil d’IA type génératif, et un humain, formé et rompu aux bonnes techniques dans son travail, il ne faut pas oublié que nous n’en sommes encore qu’aux prémices des possibilités offertes par cette technologie applicative. Pour faire un parallèle courant, rappelez vous les possibilités des premières versions des smartphones, au commencement des années 2000, par rapport aux fonctionnalités proposées par les versions des années 2020. Le fossé est immense entre les deux, et il y a fort à parier qu’il sera comblé par l’IA à vitesse grand V, probablement même bien plus rapidement que les vingt années séparant notre exemple précédent. En effet, si l’on regarde la rapidité d’adoption de l’outil, elle bat tous les records enregistrés précédemment avec un delta de seulement cinq jours pour atteindre le stade du million d’utilisateurs. Du jamais vu auparavant. A titre de comparaison, Netflix a mis trois années et demi pour porter sa croissance à ce chiffre, et même des outils innovants, qui ont bouleversé nos manières de consommer, comme Spotify pour le streaming, a mis cinq mois pour obtenir un million d’inscrits sur la plateforme.

Graphique du temps nécessaire à Chat GPT pour atteindre le million d’utilisateurs dans le monde

Nul doute alors, qu’avec un tel engouement populaire et une telle base de données à disposition, l’usage de Chat GPT ne peut que s’étendre. Les équipes d’Open AI, à l’origine de la création du logiciel, devraient donc posséder un formidable levier d’accélération et pourront très probablement apporter des rapides corrections à leur outil phare, pour corriger ses biais actuels et leurs erreurs qu’il peut encore commettre. Car oui, même si ce n’est pas le sujet de l’article ici, impossible pour nous à ce stade de ne pas souligner le pourcentage d’erreurs commises par Chat GPT, sur des questions parfois très simples, qui ressemblent à des évidences.

 

Un bon ou un mauvais collaborateur ?

Alors est-ce que ces erreurs actuelles relevées, ne feraient pas juste de Chat GPT un mauvais collaborateur ? Qui fournit certes des rendus, mais pas forcément de bonne qualité, qui doivent se doubler d’une relecture par quelqu’un de fiable et compétent ? Tout le monde n’ayant pas le même degré d’exigence il est certain que ce profil est de toute façon déjà présent dans les organisations.

Mais, pour revenir à notre sujet de base, est-ce que la liste de missions précédemment citées, capables d’être remplies par Chat GPT, et qui pourraient se fondre dans une fiche de poste somme toute classique, suffirait à considérer le travail fourni par l’outil comme celui d’un collaborateur à part entière ? Je fais bien la différence ici entre les missions d’un collaborateur et un collaborateur en lui-même, car nous parlons ici essentiellement de compétences opérationnelles donc de ce que l’on nomme des « hard skills ».

Or, l’un des atouts majeurs d’un être humain au sein d’une organisation, c’est également sa capacité à mettre en oeuvre ce que l’on appelle des « soft skills », des compétences psychosociales qui englobent un panel assez large, allant de l’intelligence émotionnelle, aux capacités de communication et d’empathie notamment. A ce titre, et au vu du niveau à date des outils d’IA, il est difficile de prétendre à remplacer un collaborateur.

Cela étant posé, sans rentrer dans le débat de ce qui fait un bon ou un mauvais collaborateur, certaines personnes ont besoin de se sentir challengées pour continuer à progresser. Et c’est aussi ce que l’IA est capable de fournir : des pistes de réflexion, des angles de travail, des notes et des synthèses qui peuvent permettre de développer un nouvel argumentaire de travail ou de nouveaux points à explorer. L’IA peut-être être perçue comme notre partenaire du quotidien ?

 

Le titre de « meilleure employée virtuelle de l’année »

Et pourtant, faisant fi de ces pensées pour le moment, et décidant d’aller encore plus loin, certaines entreprises n’ont pas hésité à aller jusqu’à placer à leur tête, un ou une dirigeante humanoïde. C’est le cas par exemple en Chine, où depuis 2022, Madame Tang Yu dirige NetDragon Websoft, une société de jeux en ligne multi-joueurs principalement axée sur le développement d’applications mobiles.

Ce choix semble rencontré le succès escompté puisque non seulement la société se porte très bien depuis sa nomination, avec un coût de l’action pour l’entreprise qui a bondi de 10% en un an ; mais elle peut également se targuer (si tant est que cela soit possible pour une « femme robot ») d’avoir été nommée « Meilleure employée virtuelle de l’année » au dernier forum Tech en Chine. 

Madame Tang Yu, CEO de NetDragon WebSoft
Madame Tang Yu, CEO de NetDragon WebSoft

 

Nous pouvons donc légitimement nous interroger sur les qualités intrinsèques dont serait dotée cette IA pour manager les 5 000 à 6 000 collaborateurs de l’entreprise ?

Est-ce la probable objectivité affichée et la communication factuelle du robot qui rassure les collaborateurs dans le traitement de leur travail ? Si bonnes ou mauvaises nouvelles sont traités avec le même degré d’affect et le même angle, est-ce que les employés se sentent moins lésés et plus encouragés ?

Quel management les collaborateurs humains en poste préfèrent-ils avoir ? Rendre des comptes où la subjectivité d’un robot n’est clairement pas de mise, ou devoir dialoguer, négocier et traiter avec une personne physique, avec ce que cela peut entraîner de part d’aléatoire : biais cognitifs, influence de l’environnement interne et externe.

Selon la typologie du collaborateur il est possible d’objecter qu’au moins avec une IA, aucune confusion n’est possible. D’un autre côté, comme ça ne peut évidemment pas correspondre à tout le monde, nous assistons aussi au développement de robots conversationnels dont la direction va clairement sur une ressemblance affichée avec un humain, pour exprimer ses pensées. Comme le souligne Jean-Claude Heudin, il s’agit avant tout de « créer un personnage crédible » pour son chatbot.

Si l’on décide d’élargir encore un peu notre pensée : les IA sont-elles toutes capables de fournir la même appréciation, ou ces paramètres dépendent d’autres éléments également, par exemple la zone géographique et le contexte économique dans lequel elles ont été entraînées ? Où place-t-on le curseur du niveau demandé et des objectifs à atteindre, selon les pays, les cultures et les mentalités ?

Il parait évident à première vue que le degré d’exigence ne sera pas le même en France, qu’aux Etats-Unis ou en Chine, pays pour lequel la santé mentale du travailleur est un sujet moins prépondérant qu’en France par exemple. Avec le manque d’empathie, d’écoute et d’adaptabilité, ne peut-on craindre des dérives, des performances exigées toujours plus hautes qui pousseraient vers un potentiel burn out ?

Autre point nécessaire à soulever, doit-on prendre en compte l’enjeu de la masse salariale ? A combien est évalué le coût de l’emploi d’une IA par rapport à un manager, un cadre supérieur, voir même comme c’est le cas ici d’un CEO ?

Ces questions ne trouveront pas forcément leur réponse en 2024 mais elles sont à garder en tête et à étudier pour voir les évolutions futures.

Pour rester sur une note plus positive et ouverte, nous pouvons souligner que certaines entreprises se sont déjà bien saisies de la problématique et que plutôt de simplement interdire l’utilisation de l’IA, arrivent au contraire à obtenir déjà une plus-value en mixant de l’IA et de « réels » employés, ce qui peut aboutir sur des propositions de valeur plus performantes et innovantes qu’attendues initialement.

En attendant de se faire remplacer ou non pour un double virtuel, ou un CEO créé et taillé de toutes pièces pour le job, la solution ne sera jamais de tourner le dos à la technologie et de simplement la dénigrer. Réaction qui souligne davantage la méconnaissance et la peur du changement. Certes, cela demande souvent de sortir de sa zone de confort mais, mieux vaut se former pour la comprendre et accompagner le changement, être prêt à l’anticiper en conservant en tête les questions liées à l’éthique.

Ne pas se laisser dépasser pour ne pas se faire remplacer, voilà finalement une vieille rengaine entrepreneuriale, revenue en grâce à la lecture du prisme des progressions de l’intelligence artificielle.


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