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Personal Branding : peut-on s’inspirer des candidats à l’élection présidentielle ?

Il pourrait paraître incongru de vouloir s’inspirer des politiques à l’heure où il existe une défiance croissante vis-à-vis de cette catégorie de la population. Ce serait cependant une erreur. L’élection présidentielle qui a lieu actuellement en France est une opportunité extraordinaire d’observer en temps réel les stratégies de personal branding des différents candidats. Et de s’en inspirer. Ou pas. 

La littérature qui existe sur le thème du personal branding est très abondante. Les experts en tout genre ont produit de nombreux livres et articles sur le sujet. Certains sont très intéressants, d’autres moins. Mais quelle que soit leur valeur, la mise en pratique de ces conseils reste profondément hasardeuse voire impossible. Comment en effet mettre en œuvre des injonctions telles que :« Assurez-vous de véhiculer vos attributs de marque lorsque vous prenez la parole », « faites attention à ce que les autres disent de vous lorsque vous n’êtes pas présent », « parmi les 12 archétypes comportementaux ancrés dans l’inconscient collectif, sachez lequel est le vôtre (!), êtes-vous un héros, un explorateur, un créateur ? » ou encore « n’oubliez pas d’utiliser des mots et des métaphores totalement fidèles à votre marque personnelle ». Si ces conseils sont intellectuellement intéressants, leur mise en musique relève de l’exploit. 

Je pense pour ma part, qu’il est possible de considérablement simplifier les principes du personal branding et surtout, de rendre possible sa mise en œuvre. Le tout s’articule autour de 3 idées. 

Positionnement : C’est quoi votre truc ? 

Cela peut paraitre simple voire simpliste. Mais sans positionnement, pas de marque, et pas d’identité. La campagne présidentielle illustre de manière admirable que sans proposition de valeur claire la marque des candidats ne s’imprime pas dans l’esprit des électeurs. Elle nous rappelle brutalement qu’un candidat n’ayant pas de positionnement crée une confusion telle dans l’esprit des gens que ces derniers sont incapables de déchiffrer son identité et saisir ses intentions. Certains candidats font le grand écart des idées en voulant concilier l’inconciliable, se déclarant à la fois d’une mouvance très sociale et très libérale, d’autres ne prennent même pas la peine d’avoir un programme défini et pensent naïvement que leur manque de contenu sera compensé par leur charisme ou leur énergie. C’est une erreur. La marque existe pour servir un produit, un service, une stratégie, une promesse. Sans substance ce n’est qu’une bulle vide de sens. Le paysage politique montre en effet que les candidats situés aux extrêmes sont plus lisibles car leurs idées sont par définition plus clivantes. Et donc plus facilement identifiables. Mais les candidats plus classiques de la droite, de la gauche ou du centre doivent fournir un effort conscient et réfléchi pour faire émerger un positionnement intelligible. Ils doivent par ailleurs faire preuve de congruence, et éviter d’avoir un discours qui zigzague au risque de brouiller leur message et leur marque. Ce qui est vrai en politique l’est également dans les organisations. On ne peut pas vouloir être tout et son contraire. Sachez quel est votre valeur ajoutée personnelle, votre proposition de valeur et en quoi vous vous différenciez de vos pairs. C’est simple mais la présidentielle nous enseigne que ce n’est pas toujours appliqué. 

Quelle thématique ? 

Il a appelé ça le saut créatif. Jean-Marie Dru, fondateur de l’agence de communication BDDP, et aujourd’hui chairman de TBWA, explique dans son ouvrage « Disruption » qu’exprimer les bénéfices ou le positionnement d’un produit ne suffit pas. Il est important d’inventer une idée « qui ne se contente pas d’être l’expression littérale de la stratégie ». Il faut selon lui aller au-delà des « reformulations astucieuses, d’habillages de stratégie qui, dépourvus de l’addition d’une vraie idée, manquent de force ». C’est ainsi que sont nées des campagnes comme celle de Tourtel sur la thématique « jusqu’au bout de la nuit », celle de Head & Shoulders reposant sur l’idée de la « première impression » ou celle d’Orangina avec le célèbre « Secouez-moi ».

Le saut créatif s’applique également dans le monde politique. Des thématiques comme « la fracture sociale » de Jacques Chirac, « Make America great again » de Donald Trump ou le « Yes We Can » de Barack Obama sont autant d’exemples illustrant que le saut créatif permet d’aller beaucoup plus loin dans l’expression d’un positionnement. Le « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy ne s’arrête pas non plus à l’expression de la stratégie. Il la sublime. 

J’ai connu un directeur marketing qui se présentait toujours comme celui qui « fait plus avec moins ». Bien plus qu’un slogan, ces 4 mots simples étaient le moyen d’ancrer l’idée que sa proposition de valeur tournait autour de l’innovation sans pour autant prononcer ce mot galvaudé.

Cela rendait son identité lisible et son positionnement mémorable. On savait pourquoi et quand faire appel à lui.

Légitimité

Avant d’affirmer une chose, ou mettre de passer à l’action, il est cependant crucial de se poser la question de la légitimité de notre identité. Les anglo-saxons utilisent la formule « Be.Do.Say. » 

En effet, il ne s’agit pas seulement de définir son positionnement et d’inventer une façon de l’exprimer, encore faut-il qu’il y ait un alignement, une authenticité avec notre identité. Notre directeur marketing qui « fait plus avec moins » ne sera légitime que si c’est effectivement le cas. 

La question du périmètre d’acceptabilité d’un discours doit impérativement se poser. Il ne s’agit pas seulement de crédibilité mais de légitimité. Comme le rappelle Jean-Marie Dru dans son livre, quand Coca Cola lance la publicité avec l’ours sur la banquise évoquant ainsi l’univers, l’infini, l’éternité, l’immortalité, ça n’a rien de crédible. Mais Coca Cola peut se permettre de le faire car sa marque est légitime. Si n’importe quelle autre marque de soda faisait la même publicité le message serait au mieux dissonant, au pire burlesque. 

On a observé le même phénomène en politique en tout début de campagne. Alors qu’un candidat sorti de nulle part aux idées extrêmes voyait sa performance s’envoler dans les sondages, beaucoup de candidats, de droite comme de gauche, se sont appropriés les mêmes thématiques extrêmes de manière opportuniste, en se disant qu’elles étaient porteuses. Ils avaient juste oublié qu’ils n’avaient aucune légitimité pour porter de telles idées. Car elles étaient trop éloignées de leur positionnement et de leur identité politique. Car jamais, dans leur histoire politique personnelle, ils ne s’étaient aventurés sur de tels territoires. 

En matière de personal branding, on parlerait plutôt d’authenticité, mais l’idée est la même. Notre marque personnelle n’est pas faite pour cacher la réalité de notre identité. Au contraire, tout part de notre identité et de nos actions. On est ce que l’on fait. Le discours narratif ne vient qu’à la fin. Authenticité oblige. 

La simulation n’a pas sa place dans l’élaboration de sa propre marque. Mais lorsque la légitimité est au rendez-vous, se poser simplement la question de notre positionnement et de l’expression de ce dernier permet de faire un grand bon en avant et de traduire un concept parfois confus en réalité tangible. 

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