Pour son adaptation cinématographique du poème « Paroles à l’Amie » de Renée Vivien, Paul Ménagé a choisi de mettre dans son art la magie d’un réel film d’époque. Rencontre.
« J’ai écouté ce poème sur France Culture et tout de suite, cela a été le déclic, car ce thème de la différence m’a toujours beaucoup touché ». C’est ainsi que le réalisateur primé Paul Ménagé a choisi le scénario de son dernier court métrage « Paroles à l’Amie».
Car Paul sait ce que c’est d’être différent. Né avec une dyspraxie visuo-spatiale, un trouble de l’automatisation des gestes et de la représentation spatiale, les apprentissages de l’écriture et de la lecture ont été pour Paul un véritable calvaire, malgré l’accompagnement d’une assistante de vie scolaire.
Grâce aux planches, le jeune Paul Ménagé réussit à s’ouvrir au monde. « Au théâtre, j’ai rencontré des personnes plus âgées qui m’ont beaucoup inspiré et qui ont renforcé mes ambitions. Elles m’ont poussé à essayer de nouvelles choses et à affronter de nouveaux obstacles. »
Primé dès son premier film
A peine bachelier , le jeune homme rejoint l’ESRA, une école de cinéma. Très vite, Paul Ménagé ressent le besoin d’entreprendre et de monter sa société de production : « Je ne rentrais pas dans le moule, et même s’il n’y avait pas de modèles d’entrepreneurs dans mon entourage, l’idée et le besoin d’entreprendre me sont venus naturellement. Mon père m’a conseillé d’attendre que j’obtienne mon diplôme, mais après un an d’études, j’ai décidé de me lancer. C’était un risque, mais j’y ai mis ma passion. »
Dès son premier court métrage, Paul Ménagé rencontre le succès. « Sans dire au revoir » a été primé à Milan et à Los Angeles.
Pour affirmer son style, le jeune réalisateur veut concevoir des films « plus forts et plus engagés ». “J’ai été envahi et dévoré par cette passion » nous confie-t-il.
Sa dernière réalisation « Paroles à l’Amie » fait partie d’un projet de sa collection « COMBATS », qui sera composée de 6 autres courts métrages de 5 minutes. Chacun sera adapté d’un poème « militant », dénonçant l’oppression, le mépris, l’exploitation, la violence…
Paul Ménagé veut « dénoncer pour changer les choses ». Et pour ce faire, il veux s’appuyer sur des poèmes. « Il m’était important de remettre la poésie au cœur de la pensée. Traiter des sujets de société, d’une actualité brûlante, par le biais de la poésie. Voilà mon choix. ». « J’ai essayé d’offrir à mes spectateurs une œuvre cinématographique qui consiste, par rapport au théâtre ou à l’écriture, à évoquer, à suggérer par l’image, sans jamais être explicatif ou didactique. »
« Paroles à l’Amie » se déroule dans la société de la fin du XIXe siècle. « C’est une époque où l’on considère que l’homosexualité féminine est une maladie mentale, que le désir féminin doit être réprimé, et que seul l’homme est capable d’intelligence et de création. Renée Vivien est une poétesse ouvertement lesbienne. Elle nous laisse des vers absolument magnifiques dédiés à l’amour. Je la trouve différente, elle heurte les idées préconçues, elle bouscule le bien pensant dominant, patiemment distillé par la religion au fil du temps. Confrontée aux regards désapprobateurs des autres, objet de mépris, et de dédain misogyne, elle est condamnée. Elle suscite le rejet parce qu’elle inspire la peur : différente, elle n’est pas normale. Et c’est ce thème de la différence, avec toutes les stigmatisations qu’elle suscite, toutes les injustices et toutes les souffrances qu’elle entraîne, que j’ai voulu aborder dans ce film. »
Et pour rendre hommage à cette poétesse romantique au destin tragique, à l’avant-garde du combat féministe pour l’émancipation de la femme, Paul Ménagé choisit d’adapter librement des extraits du poème « Paroles à l’Amie » (1906), en prenant le parti de tourner en pellicule 35 mm, pour mieux s’immerger dans les lieux et l’époque, dans un format 1.33, pour renforcer une sensation d’enfermement. Le casting revêt aussi une très grande importance pour le réalisateur. « J’essaie de choisir des acteurs qui remplissent tout l’écran par leur seule présence, sans qu’ils aient même besoin de prononcer un mot. »
Indépendant, Paul Ménagé a travaillé dans le passé dans la publicité de mode et de bijoux pour financer ses tournages. « Je m’attache à mettre en valeur, à travailler l’image des marques plutôt que leurs produits. »
Polyvalent, le réalisateur écrit, produit et réalise ses propres courts métrages. « Je me considère vraiment comme un entrepreneur du cinéma, et si les films s’arrêtent demain, je créerai autre chose ».
Pour l’avenir, il a « plein d’idées ». Si l’entrepreneur du cinéma a réalisé jusqu’à présent des courts métrages, il envisage de se lancer dans les longs métrages. Paul Ménagé développe deux scénarios.
Un conte fantastique, co-réalisé avec Franck Van Leeuwen, qui évoque les relations complexes entre la nature et l’homme.
Un conte fantastique, co-réalisé avec Franck Van Leeuwen, qui évoque les relations complexes entre la nature et l’homme.
Le deuxième projet de long métrage est une intrusion dans le monde fantasmagorique d’une jeune femme qui tente de survivre, envahie par toutes les souffrances qu’elle a subies depuis son enfance.
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