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« Passeports Dorés », Ou Comment L’Élite Voyage Librement Dans L’UE

passeports dorés
GettyImages

Le système des « passeports dorés » fait de nouveau l’actualité après qu’une grande entreprise londonienne proposant des programmes de citoyenneté s’est confiée sur la « très forte augmentation » de la demande pour ses services.

La société Knightsbridge Capital Partners avait été impliquée dans une enquête du Sunday Times et de Channel Four, qui avait révélé que des entreprises négociaient des visas britanniques et des passeports européens pour leurs clients étrangers millionnaires, se vantant de pouvoir ainsi contourner les contrôles gouvernementaux. Luke Hexter, directeur général de l’entreprise, a expliqué à Forbes que son programme European Passport représentait environ 70 % de la croissance annuelle de son entreprise.

Knightsbridge Capital Partners propose actuellement des passeports chypriotes à ses clients, qui confèrent aux investisseurs étrangers et à leur famille le droit de voyager sans visa dans 163 pays, en échange d’un investissement de 2 millions d’euros dans l’immobilier local ou dans des fonds divers. L’île de Chypre a ainsi engrangé 6,6 milliards d’euros en vendant des passeports, mais la combine n’a pas manqué d’attirer l’attention de la Commission européenne et de l’OCDE.

Selon Luke Hexter, la croissance économique et l’instabilité politique des marchés émergents ont suscité une demande pour des programmes d’investissements dits de « passeports dorés ». Il explique : « La plupart des clients ont la citoyenneté d’un premier pays, résident dans un deuxième et disposent d’un passeport dans un troisième, cela leur permet de limiter les risques ».

« Le Nigeria est un premier exemple de pays où une partie de la population s’enrichit très vite. Ces personnes aiment leur pays, mais du fait de l’instabilité politique, il leur faut un plan B », ajoute-t-il. Le Nigeria est actuellement classé parmi les pays les plus corrompus du monde par l’ONG Transparency International, avec des dizaines de millions d’euros issus des gisements pétroliers qui sont dérobés par le pouvoir politique et l’élite militaire.

En évoquant la brigue des passeports dorés et la responsabilité potentielle de son entreprise dans la fuite à l’étranger de criminels recherchés, Luke Hexter est sur la défensive. Pour lui, le secteur peut « être critiqué pour son association avec des individus fortunés peu scrupuleux », mais il estime que l’accusation est « aussi loin que possible de la vérité ».

Il explique que Knightsbridge Capital Partners ne « s’associerait pas » avec ce qu’il décrit comme des « personnes exposées politiquement ou des personnes dont la fortune n’est pas assurément légale ». Il ajoute que les contrôles sur ses clients sont « rigoureux » et que la vigilance de l’UE à ce sujet est « très très stricte ».

Mais pour ceux qui luttent contre la corruption mondiale au quotidien, ce programme n’est pas aussi anodin que le présente l’entreprise londonienne.

Ben Codwock, chargé d’étude chez Transparency International, met en doute l’efficacité des contrôles effectués par l’entreprise quant aux antécédents des clients et au blanchiment d’argent réalisé en Europe. En effet, rien ne permet de confirmer que ces contrôles identifient efficacement les dirigeants et personnalités politiques corrompus.

L’enquête menée par le Sunday Times et Channel Four a révélé la manière dont la clientèle privée londonienne avait tenté d’obtenir un « visa doré » pour un membre de la famille de Mouammar Kadhafi, aux côtés de candidats douteux en provenance de Thaïlande, d’Égypte et d’Angola. Un spécialiste en immigration a même été filmé alors qu’il qualifiait les contrôles anticorruptions du Bureau de l’Intérieur britannique de « simples comme bonjour », affirmant que les responsables se fiaient uniquement à des noms cherchés sur Google.

Ben Codwock nous explique : « Nos recherches ont trop souvent découvert des professionnels et entreprises qui proposaient, involontairement ou en connaissance de cause, des services à des individus à haut risque, leur permettant ainsi de blanchir à la fois leur argent et leur réputation ».

Le plus souvent, poursuit-il, la citoyenneté est sollicitée par des personnes qui ont des relations haut placées dans des pays instables, et qui auraient besoin de « s’échapper et de profiter du produit de leur corruption si elles venaient à tomber en disgrâce ».

Il ajoute qu’un passeport britannique est perçu comme une « preuve de crédibilité » publique, soulignant que les contrôles insuffisants dans ce programme permettent à ses utilisateurs d’investir des fonds d’origine douteuse, en plus de « blanchir leur réputation », les rendant en apparence plus respectueux et plus légitimes que ce qu’ils sont vraiment.

La semaine dernière, l’une des plus grandes entreprises proposant des passeports dorés, Henley & Partners, a vu son programme suspendu par le gouvernement moldave. La société de conseil procurait en effet à ses clients un accès libre dans tout l’espace Schengen, sans les formalités des visas.

La Moldavie est l’un des pays les plus pauvres d’Europe et ne fait pas partie de l’Union européenne, mais ses citoyens peuvent s’y rendre librement, sans visa. Cet ancien État communiste proposait la citoyenneté moldave ainsi qu’un passeport pour seulement 100 000 € à des investisseurs, mais le gouvernement récemment élu a décidé de mettre un terme au programme.

Dr Juerg Steffen, PDG de Henley & Partners, a publié une déclaration dans laquelle il affirme avoir « investi beaucoup de temps et d’argent en Moldavie » et continue à « croire que ces investissements vont générer des centaines de millions d’euros à terme pour l’économie moldave, ce qui permettra d’améliorer le niveau de vie de la population ».

Cette activité regorge encore de surprise, comme pour ce promoteur immobilier de luxe dubaïote qui proposait en juin dernier d’offrir un passeport moldave à quiconque lui achèterait une île artificielle en forme de continent européen.

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