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Pascal Cagni, Business France : « La France N’A Jamais Été Aussi Attractive »

capital risque

Depuis deux ans, la France a retrouvé son attractivité aux yeux des investisseurs étrangers. À travers des initiatives comme l’indice Next 40, c’est vers un avenir prospère que Pascal Cagni espère emmener le paysage entrepreneurial français. Rencontre avec le président de Business France, ambassadeur méritocrate du made in France.

Vous avez été à la tête de grandes sociétés privées et vous êtes aujourd’hui ambassadeur de l’attractivité française dans le monde. Pourquoi une telle évolution ?

PASCAL CAGNI : J’ai eu l’opportunité très jeune de participer au développement de Packard Bell en Anjou, créant plus de 3 000 emplois localement. C’est là que j’ai compris comment une politique volontaire d’attractivité pouvait impacter un territoire et développer son économie sur le temps long. Cinq ans après, je suis parti. La société avait changé, mais les emplois perduraient. À mon départ de Packard Bell, je devais aller chez Dell, mais j’ai reçu un appel de Steve Jobs que j’ai longuement rencontré et qui m’a convaincu de rejoindre l’aventure Apple. C’était le début d’une grande histoire puisque, quand je suis arrivé, en 2000, Apple faisait moins d’1 milliard d’euros de CA. J’ai pris la responsabilité de l’Europe, du Moyen-Orient, de l’Afrique, puis de l’Inde et j’ai quitté l’entreprise un an après le décès de Steve Jobs avec près de 40 milliards d’euros de CA sur mes secteurs. À ce moment-là, en 2012, j’ai fait une autre rencontre importante : le secrétaire général adjoint de l’Élysée, Emmanuel Macron. Nous avons eu une discussion très franche sur l’attractivité de la France. Lorsqu’il est devenu président, il m’a semblé naturel d’apporter ma contribution à la réforme de mon pays. C’est ainsi que j’ai candidaté pour la fonction d’ambassadeur aux investissements internationaux.

Quelles sont vos missions à la tête de Business France ?

P.C. : Business France est un Épic (établissement public à caractère industriel et commercial), dont je suis le président non exécutif du conseil d’administration. Ma lettre de mission m’engageait à rapprocher sa gouvernance des meilleures pratiques du secteur privé, et à nourrir la réflexion stratégique de l’opérateur sur une rationalisation, notamment du dispositif français à l’export. Ainsi, à la faveur de la loi Pacte du 22 mai 2019, nous avons resserré la taille du conseil d’administration et y avons, selon les voeux même du ministre Jean Yves Le Drian, renforcé la représentation des régions et des entreprises clientes de l’agence. Cela a contribué à rassembler toutes les parties pour créer le Guichet unique pour l’export. En tant qu’ambassadeur, j’ai la chance de pouvoir travailler étroitement avec notre dense réseau diplomatique, fort de plus de 160 ambassades. Mon rôle vise à promouvoir la France comme terre d’accueil privilégiée pour les investissements étrangers, et mon action se décline en quatre axes principaux : tout d’abord, rencontrer en tête-à-tête près d’une centaine de dirigeants étrangers chaque année ; également présenter les atouts de la France à des groupes d’investisseurs à l’occasion de conférences ou d’événements organisés par notre réseau et, plus largement, porter la voix française dans les grands forums internationaux tels que le WEF à Davos ; enfin, s’exprimer dans les médias internationaux et nationaux afin de rendre plus intelligibles les outils mis à la disposition de ces investisseurs. Une mission particulière visait à réformer le Conseil stratégique de l’attractivité. Cela s’est matérialisé, avec l’apport essentiel des services de l’Élysée, lors du sommet Choose France qui se tient chaque année en janvier depuis trois ans à Versailles. La dernière édition a connu un succès salué de tous et a rassemblé des décisionnaires ultimes de multinationales étrangères, quelques patrons du CAC40 et d’ETI françaises. Outre les liens privilégiés qu’ils créent avec les autres participants, c’est surtout l’occasion pour les investisseurs étrangers de rencontrer les vingt ministres de la République et les administrations centrales mobilisées pour cette journée. C’est en fait à un véritable exercice de coconstruction de politiques publiques, car les speed datings organisés tout au long de la journée permettent à nos dirigeants politiques de se confronter aux problèmes concrets de la sphère privée. C’est aussi l’occasion de rappeler à ces patrons étrangers leur responsabilité sociétale puisqu’ils représentent en France près de 2 millions de salariés et même plus de 20 % de nos emplois industriels. Le Président vient ensuite s’exprimer à huit clos devant cette assemblée pour détailler sa vision et les orientations de son gouvernement, répondre à leurs questions et faire tomber quelques idées reçues.

Où en est-on aujourd’hui ?

P.C. : Nous avons les meilleurs résultats en matière d’attractivité depuis trois décennies. Plus de 1 300 projets permettent de créer ou maintenir près de 30 000 emplois. Dans une Europe à 28, nous monopolisons un cinquième des créations ou extensions de centres de recherche et développement, des sites industriels et des centres logistiques, trois activités où le leadership de la France ne cesse de se renforcer. Cette cinquième place défie les idées reçues concernant un marché du travail trop rigide et coûteux, une administration invasive et une culture peu tournée vers l’entreprise. C’est tout l’inverse que les réformes du gouvernement et le succès de nos entrepreneurs démontrent.

C’est cet objectif de garder le leadership sur l’attractivité qui a conduit à la création de l’indice Next 40 ?

P.C. : Nous vivons une forme de « révolution culturelle » qui conduit, par exemple, plus de 60 % des 18-25 ans à vouloir devenir entrepreneurs alors qu’il étaient moins de 15 % il y a dix ans. Avec 815 000 créations d’entreprises en 2019, nous passons en tête du classement européen, devant des pays remarquables en matière d’entrepreneuriat comme l’Italie ou l’Allemagne. Plus de 10 000 startup ont été créées en bénéficiant des dispositifs et ressources disponibles à l’amorçage. Mais, globalement, notre industrie du capital-risque n’avait pas la taille critique pour supporter la maturation d’un écosystème grandissant. La propension française à l’épargne, près de 15 % du revenu des ménages, ne permet pas une mobilisation forte vers la création et surtout le développement de jeunes entreprises. Face à cette difficulté, le gouvernement a décidé de se donner les moyens de réussir. Cela impliquait d’inciter à la création de sociétés de gestion qui, graduellement, ont comblé le déficit lors des financements en séries A et B à quelques millions. Mais plusieurs sociétés se sont vues rachetées ou transférées de l’autre côté de l’Atlantique au moment où elles pouvaient créer emploi et richesse sur le territoire national. La solution à ce problème est double. D’abord, développer encore et encore la manne de capital disponible pour des financements en dizaines de millions dans les séries C de croissance. Ensuite, renforcer la notoriété de nos champions nationaux en devenir. C’est précisément l’idée du Next 40, portée par le secrétaire d’État au numérique, Cédric O, avec le support remarquable de la Direction générale du Trésor. En complément du Next 40 lancé en septembre dernier, tout l’arsenal déployé pour soutenir l’investissement et l’entrepreneuriat porte aujourd’hui ses fruits. En moins de deux ans, le capital-risque déployé est passé de 2 à 5,5 milliards d’euros.

Les résultats ont-ils été à la hauteur des efforts consentis ?

P.C. : On parle de plus de 750 start-up qui ont bénéficié de financement en 2019. Il y a eu un véritable effet boule de neige suscité par le gouvernement, et amplifié à l’international par l’agence Business France et la mission French Tech. Sans vouloir déborder d’optimisme, je peux affirmer que ce qui se passe en France est unique. J’ai passé trente ans à observer la Silicon Valley et la façon dont elle a créé sa prospérité que le monde entier lui envie. Nous sommes aujourd’hui en train de créer un élan qui me fait penser que la prochaine décennie européenne sera française. L’un des éléments prépondérants résidait dans l’idée d’« iconisation ». La genèse de l’indice Next 40 vient de ce concept. Tout le monde connaît le CAC40 et le SBF 120, alors pourquoi ne pas créer un Next 40 et utiliser la puissance de la marque French Tech pour porter cette initiative ? On a donc sélectionné des entreprises avec plus de 30 % de croissance d’une année sur l’autre et un chiffre d’affaires de plus de 5 millions d’euros pour illustrer cela. Tous les services de l’État, dont Business France évidemment, mais aussi les régions, sont sur le pont pour promouvoir ces sociétés en les aidant à mieux conquérir les marchés étrangers tout en gardant la recherche et développement et les centres de décision en France. Il est important de pouvoir sédentariser ces emplois sur le sol national. Il s’agit maintenant de les faire connaître au monde et aux investisseurs ayant des poches encore plus profondes, dans l’espoir de créer les 25 licornes souhaitées par le Président en 2025 !

Vous avez emmené neuf lauréats du Next 40 au Forum économique mondial de Davos. Après l’iconisation, l’étape suivante était donc la conquête de la scène internationale ?

P.C. :Cette idée est née d’un postulat : la France n’est pas suffisamment présente dans les grands forums internationaux. Historiquement, cette absence relevait d’une non-maîtrise des langues, et peut-être d’une forme de snobisme. Mais si on ne sort pas de nos frontières alors qu’elles sont ouvertes aujourd’hui, comment tirer parti de la mondialisation même si celle-ci devient moins heureuse ? En conviant quelques dirigeants du Next 40 à Davos, nous avions un double objectif : les confronter aux sociétés du Fortune 500 qui convergent toutes ou presque vers Davos ; et aussi renforcer leurs liens avec les patrons français du CAC 40 à la faveur notamment d’une soirée France autour de Bruno Le Maire. Coup double et même triple, puisque les jeunes dirigeants de sociétés comme Contentsquare, Ynsect, Mirakl ou Shift Technology ont été des ambassadeurs de l’attractivité auprès des médias étrangers, nous permettant ainsi de renouveler le discours et de donner un visage à la renaissance française.Maintenant, à chacun d’entre eux de se donner les moyens de revenir l’an prochain, accompagnés de leurs pairs, afin d’envahir les forums multiples et variés de Davos et faire entendre une voix française ! 

Pensez-vous que la globalisation a atteint sa limite ?

P.C. :La globalisation va changer du tout au tout. Les cartes vont être redistribuées, c’est inévitable. Pendant vingt ans, on a externalisé les questions de développement durable et de réchauffement climatique en ignorant leur coût. Au moment où les multiples catastrophes nous disent que c’est l’urgence prioritaire, on doit réintégrer cela dans notre économie et notre société. La simple quête du prix bas sans regarder le coût environnemental ne peut plus exister. Les clients et les sociétés vont devoir accepter de payer plus cher. Les entreprises doivent rendre compte de leur bilan carbone dans leur rapport annuel. Au risque de sembler utopiste, il faut expliquer à nos citoyens que l’on a une opportunité historique de recréer une société où il fera bon vivre. La crise sanitaire qui s’annonce comme planétaire ne dit rien d’autre.

Quels handicaps devrons-nous surmonter pour maintenir l’attractivité de la France à son paroxysme ?

P.C. :Le seul vrai handicap serait de se reposer sur nos lauriers. Il faut donc continuer à mener une bataille interne car l’ennemi c’est le statu quo. On doit encore rendre l’investissement en France plus simple, nous avons trop de réglementations. Nous devons continuer à réformer et adapter notre économie à un contexte toujours changeant. Les centaines d’investisseurs que j’ai rencontrés ont peut-être douté lors de conflits sociaux particulièrement violents, mais face à la volonté de réforme toujours démontrée, ils nous sont restés fidèles. Il faut aussi rester vigilant et ne pas se laisser enserrer dans l’étau de l’innovation, et ne pas faire de la France un eldorado pour la R&D uniquement. Gardons d’ailleurs en mémoire que notre succès en la matière a aussi un prix, celui du Crédit d’impôt recherche (près de 5 milliards d’euros par an). Que Google ou Facebook créent des centres de R&D proches de nos brillantes universités est bien, mais il faut aussi que l’on rapatrie demain les milliers de jobs créés à Dublin ou Londres à la faveur d’un discount fiscal et de coûts salariaux plus bas. Ces deux villes offrent un coût de la vie dément et il n’y a plus de raison aujourd’hui que nos jeunes tentés de se former au sein des GAFA doivent irrémédiablement s’y exiler. Ensuite, il faut repenser la façon dont nous menons la bataille à l’extérieur. Si les CEO du Fortune 500 semblent maintenant convaincus du renouveau français, il faut désormais viser leurs équipes opérationnelles, davantage marquées par des clichés sur l’environnement business en France. Pour mener cette bataille, nous devons mobiliser les 2,5 millions de Français qui vivent à l’étranger, plutôt que de les voir comme de la « mauvaise graine » qui aurait quitté le pays pour des raisons fiscales. Ils sont une formidable ressource ! Pour cela, il faut solliciter les comités de patrons qui vivent à l’étranger et mieux utiliser le formidable réseau de conseillers du commerce extérieur français. Il faut travailler main dans la main avec notre réseau consulaire et lui donner des outils de communication pour que, localement, les Français s’expriment et soient fiers de leur pays. Pour être fier de son pays, il faut qu’il y ait moins de chômage et des success-stories à raconter avec une France en croisade pour bâtir une économie décarbonée. À ce prix seulement, la puissance moyenne que nous sommes pourra devenir la terre d’accueil privilégiée à un capital étranger nécessaire et aux meilleurs talents.

PRIORITÉ À L’INNOVATION ET À L’ÉCOLOGIE

Pour l’industrie du futur, 10!000 PME industrielles seront accompagnées d’ici 2022 et un dispositif de suramortissement fiscal à 40 % est instauré pour les investissements de robotisation et de transformation numérique. Le gouvernement a également créé 124 territoires d’industrie et engagé la simplification des procédures administratives. La French Fab structure cette renaissance industrielle. Le but est d’attirer plus de talents et de capitaux vers les PME et les ETI. Si le futur de l’industrie et de l’innovation est assuré, la France monte également en puissance sur les enjeux écologiques. L’économie française est l’une des plus décarbonées d’Europe et la France est le deuxième producteur européen d’énergie primaire tirée des énergies renouvelables. Si l’Hexagone accueille de plus en plus d’investissements étrangers liés à l’économie décarbonée, le gouvernement s’est engagé à réduire encore plus l’intensité carbone de l’économie nationale pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Un facteur d’attractivité qui va prendre de plus en plus d’importance dans les années à venir. 

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