À la tête d’Ankorstore, la marketplace qui connecte plus de 300 000 commerçants indépendants à 30 000 marques européennes, Nicolas d’Audiffret défend une vision stratégique du commerce local. Dans un contexte marqué par les tensions géopolitiques et le retour des barrières douanières, le cofondateur de la licorne française y voit une opportunité de relancer le made in Europe et de renforcer la résilience des circuits courts. Il plaide pour une technologie au service des entrepreneurs, une Europe plus ambitieuse, et une redéfinition des rapports de force dans le commerce mondial.
Forbes France : Comment est née l’idée d’Ankorstore ?
L’idée a mûri à l’époque où nous étions chez Etsy. Trois des quatre cofondateurs d’Ankorstore y ont travaillé, moi y compris, après que ma première entreprise, A Little Market, a été rachetée. Etsy fonctionnait très bien en B2C, mais nous avons constaté un vrai manque en B2B. C’est là qu’est née l’envie de développer un outil technologique pensé spécifiquement pour les entrepreneurs indépendants, afin de les aider à développer leur business. C’est ce qui m’anime profondément.
Vous avez levé plus de 350 millions d’euros en deux ans. Comment expliquer un tel engouement des investisseurs ?
Il y avait des conditions de marché très favorables à l’époque, avec des taux d’intérêt bas. Mais surtout, nous nous attaquons à un marché gigantesque — plusieurs centaines de milliards d’euros — avec une approche nouvelle. Le B2B dans le retail était un territoire peu exploré. Notre modèle reste une marketplace classique, avec très peu de capex, des marges sur les transactions : en bref, un modèle éprouvé, rentable, et qui attire.
La majorité des investissements a été dirigée vers le produit : la tech, la R&D, et de façon croissante l’intégration de l’intelligence artificielle. L’IA générative, par exemple, est une opportunité majeure pour les commerçants et les marques, mais peu comprennent encore ses implications concrètes. Notre rôle, c’est de la rendre accessible, utile. On veut que nos outils deviennent leur super-pouvoir.
Le Covid a-t-il vraiment changé la donne pour le commerce indépendant ?
La digitalisation reste une tendance très forte. Le Covid a accéléré l’adoption, mais elle continue encore aujourd’hui. On accompagne autant les commerçants physiques que ceux qui veulent se lancer en ligne. On croit beaucoup à une stratégie hybride : les consommateurs aiment à la fois le conseil personnalisé d’un commerçant passionné et la commodité de l’achat en ligne.
Un an après votre partenariat avec Comexposium et WSN, quel bilan tirez-vous ?
Très positif. Ce partenariat permet à nos marques de participer plus facilement à des salons professionnels. Cela complète notre offre purement digitale et leur permet de développer d’autres canaux, notamment en B2B. C’est une brique de plus dans la transformation du commerce indépendant.
Comment vont les commerçants après une période tendue (inflation, PGE, chaînes d’approvisionnement) ?
Les dernières années ont été dures : inflation, hausse des coûts de l’énergie, baisse du pouvoir d’achat, remboursement des PGE… Mais on a vu peu de faillites massives. Les commerçants sont très résilients. Nos outils de paiement et de logistique aident à amortir les chocs. Le commerce va continuer de se polariser : d’un côté, les géants comme Amazon ou Carrefour qui vendent des produits basiques à bas prix ; de l’autre, les indépendants qui misent sur l’expérience client, la qualité, la différenciation.
Les librairies indépendantes, par exemple, sont un secteur en croissance à deux chiffres ! En revanche, les commerces “intermédiaires”, qui ne peuvent rivaliser ni en prix ni en expérience, souffrent davantage.
Le renforcement des droits de douane peut-il être une opportunité ?
Oui, la hausse des droits de douane peut renforcer l’attractivité du made in France. Nous représentons avant tout des commerçants et marques français et européens. On est convaincus que l’avenir du commerce indépendant ne passe pas par la revente de produits chinois à bas prix ou par la compétition avec Amazon. Ce qu’il faut valoriser, c’est la qualité, le local, le sens donné à l’acte d’achat.
Comment voyez-vous l’évolution géopolitique et économique actuelle ?
Je pense qu’on est à un moment charnière. L’Europe doit se réveiller. Les États-Unis et la Chine ont une avance nette sur le plan technologique et économique. En Europe, on stagne trop. Il faut retrousser nos manches, simplifier les règles, attirer les talents, libérer du capital. Il faut créer de grandes entreprises technologiques européennes. C’est essentiel pour notre souveraineté.
L’Europe a un rôle majeur à jouer. On n’a pas à copier les modèles américains ou chinois, mais on doit avoir l’ambition de créer les nôtres. C’est par l’innovation que l’on préservera notre modèle social, notre diversité commerciale et notre compétitivité.
À propos d’Ankorstore
Date de création : 2019
Fondateurs : Nicolas d’Audiffret, Pierre-Louis Lacoste, Nicolas Cohen, Mathieu Alengrin
Statut : Licorne depuis 2021
Chiffres clés : 300 000 détaillants, 30 000 marques, activité dans 30 pays
Mission : Soutenir le commerce indépendant grâce à une marketplace B2B et des outils technologiques
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