À 39 ans, Nico Rosberg peut compter sur sa célébrité pour lui ouvrir les portes des plus grandes sociétés d’investissement du monde. Aujourd’hui, l’ancien champion du monde de F1 fait le pari que cet accès privilégié sera bénéfique pour de nombreux Européens fortunés souhaitant se frayer un chemin dans la Silicon Valley.
Article de Justin Birnbaum pour Forbes US
Dévaler les rues étroites de Monte-Carlo à plus de 300 kilomètres par heure n’est rien à côté de la montée d’adrénaline que procure le fait d’approcher l’une des légendes du capital-risque, Mike Maples Jr., cofondateur de Floodgate. Nico Rosberg a eu cette chance lors d’un congrès d’affaires à New York le mois dernier et, avec les centaines d’admirateurs qui entouraient le célèbre capital-risqueur, le simple fait de lui adresser un mot aurait pu sembler impossible.
À 39 ans, Nico Rosberg a pourtant trouvé un moyen efficace de briser la glace dans ce genre de situation. « Je suis habituellement très réservé, mais je dois tirer mon épingle du jeu grâce à mes deux secondes d’introduction », explique-t-il. « Je suis donc allé directement [vers lui] et j’ai dit : “Hé, je suis le champion du monde de F1, Nico.” »
Ce jour-là, il a réussi à passer quelques minutes avec Mike Maples Jr. Ce n’est pas la première fois que Nico Rosberg, qui a passé 11 saisons à courir pour les écuries Williams et Mercedes, s’est appuyé sur son succès sur la grille de F1 pour se faire connaître d’un tout nouveau public de fondateurs et d’investisseurs. Depuis qu’il a décroché son dernier drapeau à damier en 2016, le pilote d’origine allemande s’est efforcé de se refaire une image en tant qu’entrepreneur, en finançant plus de 30 entreprises et en en fondant quelques-unes à son tour. Aujourd’hui, avec un réseau qui s’étend de la Silicon Valley à l’Europe de l’Ouest, Nico rosberg se met au volant de son entreprise la plus ambitieuse : la gestion d’un fonds.
Regrouper les meilleures sociétés de capital-risque américaines
En avril, sa société Rosberg Ventures, basée à Monaco, a annoncé la création d’un « fonds de fonds », qui rassemble des capitaux et les déploie principalement par l’intermédiaire d’autres sociétés de capital-risque, plutôt que d’investir directement dans des entreprises en phase de démarrage. Nico Rosberg déclare aujourd’hui en exclusivité à Forbes qu’il a obtenu 100 millions de dollars d’actifs sous gestion, dont au moins 5 millions de dollars de fonds propres. L’objectif, dit-il, est de regrouper les meilleures sociétés de capital-risque américaines, car « il est logique de confier son argent aux meilleures sociétés du monde ».
C’est une stratégie intelligente. Une étude réalisée en 2014 par la société de services financiers Wealthfront a révélé que 95 % des rendements réalisés par l’industrie américaine du capital-risque étaient générés par les 20 premières sociétés du secteur, un chiffre qui, selon l’auteur du rapport, Andy Rachleff, est toujours d’actualité.
Cependant, ces résultats ont également rendu des sociétés de premier plan comme Andreessen Horowitz, Kleiner Perkins et Thrive Capital si désirables qu’elles ont dû refuser des investisseurs enthousiastes. Cet écosystème compétitif fait partie de l’argumentaire de Nico Rosberg : pour ses clients, essentiellement des familles allemandes et italiennes très fortunées qui ne sont pas connectées à la Silicon Valley, il peut tirer parti de ses relations pour leur offrir un service auquel ils n’ont pas accès chez eux.
« Cela devient une classe d’accès plutôt qu’une classe d’actifs parce que tous les rendements sont captés par ces quelques entreprises de premier plan », explique Nico Rosberg. « Les gagnants continuent de gagner. »
De la F1 à l’investissement providentiel
Ce type de domination dynastique est un concept familier pour Nico Rosberg, même si c’est dans un domaine très différent. En tant que membre de l’écurie de F1 Mercedes-AMG Petronas, il a contribué à l’obtention de trois championnats des constructeurs consécutifs, le début d’une série sans précédent de huit titres sous la direction du propriétaire milliardaire et directeur de l’écurie Toto Wolff. Cependant, en 2016, après avoir devancé son coéquipier Lewis Hamilton pour le titre de champion du monde des pilotes, Nico Rosberg a choqué le monde de la course automobile et a brusquement mis un terme à sa carrière à l’âge de 31 ans.
Il s’est rapidement tourné vers l’investissement providentiel et a rejoint le cercle des sportifs célèbres devenus de véritables entrepreneurs, et non de simples endosseurs. Ainsi, le meneur de jeu des Lakers, LeBron James, qui a cofondé la société de développement et de production de divertissements SpringHill, est devenu en 2022 le premier sportif en activité à posséder un patrimoine net d’un milliard de dollars, tandis que Joe Montana, célèbre quarterback de la NFL, et la légendaire joueuse de tennis Serena Williams ont réussi dans le domaine du capital-risque. Quant à Nico Rosberg, il avait de l’argent à faire fructifier après avoir accumulé près de 80 millions de dollars de gains avant impôts au cours de sa carrière, grâce à son salaire et à ses primes de performance en F1, selon les estimations de Forbes.
« En tant que sportif ou célébrité, vous avez généralement accès à l’information », explique un associé d’une grande société de capital-risque de la Silicon Valley, où Nico Rosberg est investisseur. « Vous obtenez cet accès privilégié, car les gens veulent vous connaître, ils veulent entrer en contact avec vous. […] Si vous êtes en mesure de vous présenter aux meilleures entreprises, d’apporter une valeur ajoutée et de disposer d’une belle enveloppe pour investir, alors vous êtes le bienvenu. »
Les liens de Nico Rosberg avec la F1 lui ont permis de saisir sa première opportunité peu de temps après avoir quitté le sport automobile. Mercedes-Benz, le constructeur automobile qui possède un tiers de l’écurie de course, investissait dans la start-up ChargePoint, spécialisée dans les infrastructures pour véhicules électriques, et a invité l’ancien champion à y participer. Il a signé un chèque à cinq chiffres et s’est retiré après l’entrée en bourse de la société en 2021. Nico Rosberg refuse de révéler exactement combien il a gagné sur l’opération, mais il affirme qu’il s’agit de « bien plus que ce que j’avais investi ».
Son portefeuille n’a fait que s’étoffer à partir de ce moment-là, couvrant un large éventail de secteurs, dont le covoiturage (Vay) et l’intelligence artificielle (Codeium), à raison de 50 000 dollars en moyenne par investissement. Il a pris une participation dans la start-up Ivy, spécialisée dans les paiements numériques, après avoir envoyé une série de courriels spontanés. « Je me suis dit : “Ok, je respecte votre enthousiasme. Rencontrons-nous” », explique Ferdinand Dabitz, cofondateur d’Ivy.
Apporter de la valeur ajoutée
Bien que les bilans ne soient pas nécessairement son domaine d’expertise, Nico Rosberg a trouvé d’autres moyens d’apporter de la valeur ajoutée, en présentant par exemple Ferdinand Dabitz à un PDG européen du secteur des transports, un client potentiel d’Ivy.
Grâce à des opportunités de co-investissement, à des contacts à froid et à des présentations de fondateurs, Nico Rosberg a commencé à asseoir sa réputation dans le domaine du capital-risque. La série de téléréalité Formula 1 : Pilotes de leur destin de Netflix, qui a permis à la F1 d’atteindre un nouveau niveau de popularité aux États-Unis, a également favorisé sa célébrité outre-Atlantique. Pourtant, Nico Rosberg a essuyé une série de refus lorsqu’il a tenté d’investir son argent dans des fonds de premier plan. À sa cinquième tentative infructueuse, la société Andreessen Horowitz lui a donné quelques conseils, lui suggérant de s’adresser à des entreprises disposant de chèques plus importants et d’un moyen clair de se démarquer.
Nico Rosberg, qui est né en Allemagne et a grandi à Monaco, a donc décidé d’accumuler des capitaux et s’est tourné vers l’autre côté de l’Atlantique. Le marché européen du capital-risque est beaucoup moins mature et n’a levé qu’un tiers des 140 milliards de dollars de son homologue américain jusqu’à présent, selon Crunchbase. « Nous n’avons pas vraiment l’équivalent de la Silicon Valley ou même de New York », déclare Nigel Morris, associé directeur de la société de capital-risque fintech QED Investors et éminent homme d’affaires anglais qui n’a pas encore travaillé avec Nico Rosberg. Nigel Morris ajoute que la région est à la traîne en ce qui concerne le dynamisme du marché, c’est-à-dire la qualité et le rythme des transactions, et que les investisseurs doivent faire face à des différences réglementaires et culturelles d’un pays à l’autre.
Nico Rosberg, qui a eu l’occasion de se faire un nom en tant que fils de l’ancien champion de F1 Keke Rosberg et qui a renforcé sa célébrité en participant pendant plusieurs saisons à l’émission allemande Shark Tank, Die Höhle der Löwen (La fosse aux lions), a trouvé le moyen d’entrer en contact avec les familles à l’origine d’entreprises allemandes à moyenne et grande capitalisation. Il est également entré en contact avec des investisseurs en Italie, où il a de nombreux fans. Et il avait une proposition unique à leur vendre : l’accès à la Silicon Valley.
« Si vous n’entrez pas dans les meilleurs fonds de capital-risque, votre portefeuille moyen affichera des rendements insatisfaisants », déclare un membre d’une grande famille industrielle allemande qui a investi avec Nico Rosberg. « Il y a beaucoup de gens dans l’industrie qui font des promesses à la ronde sur ce qu’ils peuvent réaliser, mais Nico, lui, tient ses promesses. »
Un large réseau d’investisseurs européens
Avec un réseau d’investisseurs européens à sa disposition, Nico Rosberg avait donc un réservoir de capitaux largement inexploité pour attirer l’attention des grands fonds. Il a discrètement levé 22 millions de dollars vers la fin de l’année 2022 et, au moment du changement de calendrier, a engagé la totalité de cette somme auprès d’une seule entreprise de niveau 1. Cela a directement conduit à la création de son fonds de fonds, qui a commencé en avril à lever 75 millions de dollars et a terminé avec 78 millions de dollars d’émissions sursouscrites, provenant d’environ 25 investisseurs. Le fonds sera entièrement déployé dans les deux ans, bien que Nico Rosberg refuse une fois de plus de révéler exactement par l’intermédiaire de quelles entreprises.
Il faudra beaucoup plus de temps pour juger des performances du fonds. Il fonctionne sur un cycle de dix ans, avec la possibilité d’ajouter des extensions de trois ans, imitant ainsi le mode de fonctionnement des fonds de placement sous-jacents. Historiquement, les meilleurs fonds du secteur ont enregistré un rendement annuel moyen de 25 %, mais à l’avenir, selon Nico Rosberg, il y a un consensus sur le fait que ce rendement pourrait être un peu moins bon dans l’ensemble du secteur, ou « légèrement plus restreint », selon ses termes. Il prévoit de créer un nouveau fonds de fonds tous les deux ans afin de rester actif lorsque les meilleures sociétés proposeront de nouvelles opportunités.
Pendant que cet argent est géré ailleurs, Nico Rosberg ne restera pas inactif. Il organise régulièrement des événements lors de courses de F1 et noue de nouvelles relations au sein de son réseau. En fait, il a aidé à négocier un partenariat de partage des profits entre l’entreprise technologique allemande SAP et la start-up SecJur, spécialisée dans l’automatisation de la conformité.
« Nous créons des liens », déclare Nico Rosberg. « Voilà ce que nous faisons. »
Une traduction de Flora Lucas. Cet article est à retrouver en version originale sur Forbes.com.
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