On imaginait que le futur allait s’écrire en japonais, en chinois ou dans les bureaux de la Silicon Valley. Mais l’Arabie saoudite se donne les moyens financiers, humains et logistiques pour inventer le monde de demain. Si elle présente de nombreux atouts, quelques faiblesses restent à gommer.
C’était l’événement de la Tech de ce début d’année : début février, le « LEAP » était organisé en Arabie saoudite, réunissant à Ryad plus d’un millier de start-up venues du monde entier, la plupart positionnées dans les technologies d’avenir les plus prometteuses, comme l’intelligence artificielle ou les objets connectés. Confrontant leurs innovations devant des jurys d’investisseurs, certaines ont obtenu instantanément des financements colossaux allant de 100 à 300 000 dollars.
L’organisation de ce grand salon à Riyad ne doit rien au hasard : la capitale saoudienne veut être à l’avant-garde de la révolution technologique, « prospère, inclusive et durable », selon les mots du directeur général de la Commission royale de la ville de Riyad, Fahd Al-Rasheed.
Car pour le Royaume, ce salon est un enjeu considérable. Dès 2016, le prince héritier Mohammed Ben Salmane (MBS) avait dévoilé les contours de son fameux programme de développement économique « Vision 2030 », censé accélérer la transformation d’une économie basée sur la rente pétrolière vers une industrie basée sur les technologies numériques.
De fait, grâce aux investissements étrangers et saoudiens, l’industrie high-tech du Royaume pèserait déjà 33 milliards de dollars par an, avec l’ambition d’atteindre 50 milliards de dollars dans cinq ans, et emploierait déjà plus de 300 000 professionnels localement.
Des initiatives qui s’inscrivent non seulement dans la perspective stratégique de Vision 2030, mais avec un point de mire précis : NEOM. Un néologisme qui signifie le « nouveau futur » et qui vient de NEO (« nouveau » en Latin) et M, première lettre du mot arabe Mostaqbal qui signifie « Futur ».
La Silicon Valley de demain construite sur du sable
NEOM, c’est ce projet de ville du futur à 500 milliards de dollars, dont la première tranche doit être achevée dès 2030. Idéalement, pour les dirigeants du Royaume, cette inauguration coïnciderait avec l’ouverture de l’Exposition universelle qui doit avoir lieu cette année-là et pour laquelle l’Arabie saoudite est candidate et favorite. Un enjeu de taille pour les Saoudiens qui comptent bien surpasser leurs voisins et rivaux émiratis qui ont fait forte impression en 2020 avec leur exposition universelle de Dubaï.
NEOM devrait donc être un condensé de ce modèle économique « tout high tech », à la dimension des ambitions démesurées de la famille régnante. Installée au nord de la mer Rouge, avec un accès maritime donc, elle devrait également s’étendre sur une partie de la Jordanie et être reliée directement à l’Égypte. Au total 26 000 km2, soit 30 fois la superficie de New York… S’inscrivant donc dans le plan stratégique Vision 2030, le projet a l’ambition de transformer en profondeur l’économie de l’Arabie saoudite. Premier objectif, attirer les talents internationaux et les entreprises technologiques de pointe. Toute la ville sera donc une zone franche, financée par la manne pétrolière et la privatisation partielle récente de la compagnie pétrolière nationale Aramco.
L’urbanisme sera celui d’une smart city la plus moderne possible : consommation d’eau autosuffisante, énergies renouvelables, urbanisme de type développement durable (matériaux, circulation énergétique optimisée, etc.). Sans oublier la nouvelle mobilité (autonome et non polluante) et bien sûr le confort et bien-être : système de santé optimal, biotechnologies, agriculture urbaine…
Un nouveau « way of life » basé sur des technologies… et des valeurs
Si on en croit les Saoudiens, les habitants de cette ville du futur cosmopolite et hautement sélective devraient avoir le niveau de vie le plus élevé du monde et bénéficier également d’une qualité de vie inégalée.
Mais au-delà des investissements somptuaires en cours de réalisation, le régime semble surtout prêt à s’engager sur la voie d’une certaine libéralisation des mœurs, une condition préalable à l’installation des expatriés venus du monde entier. Le régime prévoit donc également d’instaurer un système judiciaire propre doublé d’une législation spécifique pour rassurer les nouveaux venus et les investisseurs, comme le Japonais Softbank.
De fait, le projet articulé pour faire émerger NEOM semble être considéré par les observateurs comme une approche habile, même si son succès est encore loin d’être garanti. « Tout le monde sait que le numérique sera le cœur de la dynamique future et toutes les industries veulent s’en emparer au plus vite », indiquait Steven Frantzen, vice-président de la firme d’analyse et de conseil IDC, à l’occasion d’une conférence internationale sur les technologies du futur, organisée également à Ryad, à la fin du mois de mars dernier. « Mais se convertir au numérique ne signifie pas choisir une technologie plutôt qu’une autre, un modèle économique plutôt qu’un autre. Il faut faire émerger, grâce à ces technologies, des aspirations communes, des valeurs partagées et des modes de travail adaptés à un monde post-COVID ». C’est toute l’ambition de la future ville laboratoire du Royaume de la péninsule arabique.
Michel Ktitareff
Président Scale-Up Booster
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