Horizon dégagé pour l’entreprise MSC Croisières qui conclut son exercice 2022 avec une croissance au-delà des estimations les plus optimistes. Le croisiériste mène l’une des politiques les plus volontaristes du secteur en matière de transition écologique, de premiumisation du « produit croisière » pour tendre vers un mix expérientiel à tous les étages. Forbes s’est entretenu avec Patrick Pourbaix, directeur général France, pour un état des lieux.
2022 a-t-elle signé la reprise pour la filière ?
Patrick Pourbaix : Absolument. Le phénomène de « Revenge Travel » s’est poursuivi et a autant profité aux compagnies aériennes, qu’aux tours opérateurs et croisiéristes. Cette reprise a mis en lumière de nouveaux comportements consuméristes, on constate des réservations de plus en plus tardives, jusqu’à 15 jours avant le départ. Du jamais vu dans le monde des croisières ! Sur l’été, par exemple, nous avons bouclé la saison à 90% versus 2019, cette trajectoire a été exponentielle jusqu’à cet hiver où nous finirons l’exercice au-delà des 100%. Voyager est une liberté fondamentale à laquelle nous sommes attachés. Le voyage, c’est ce qui a fait l’Histoire du monde.
Après, il y a un enjeu primordial consistant à allier transition écologique avec l’écosystème, et en tant que croisiériste, nous prenons notre part.
L’écologie, c’est justement le sujet qui agite les débats quand on évoque les croisières. Quelles sont vos initiatives concrètes pour verdir votre flotte ?
Nous ne ménageons pas nos efforts pour limiter notre empreinte grâce à nos différentes mesures, nous sommes aujourd’hui à 0,1% d’émission de particules fines sur la dernière génération de navires. Il existe des filtres qui permettent d’annihiler le CO₂ à l’aide de pots catalytiques spéciaux. Pour filtrer les fumées, nous recourons à la technologie de « scruber » qui nettoient les matières polluantes. A date, cette innovation propre n’a pas encore été adoptée par tout le secteur. A notre regret. Dans la feuille de route de MSC Croisières, nous nous engageons sur l’objectif ambitieux d’arriver à zéro émission à horizon 2050 avec une étape intermédiaire fixée à – 40% dès 2030. Sur la base de nos avancées actuelles et politique volontariste, nous y serons dès 2027.
Comment y arrivez-vous ?
Notre industrie nous permet de jouer sur plusieurs facteurs, comme la vitesse. Cela est par exemple impossible dans l’aérien pour des raisons évidentes de sécurité. En réduisant la vitesse, limitant les accélérations, cela génère moins d’émissions atmosphériques. La peinture blanche de nos navires a aussi fait ses preuves ! Nous utilisons de nouveaux polymères permettant de mieux faire glisser l’eau sur le bateau, résultat : c’est 10% d’économie de fioul ! En outre, avec l’inauguration de notre paquebot MSC World Europa, nous avons marqué une nouvelle étape dans le secteur. Ce navire est le moins émissif en CO₂ par tonneau de jauge de toute la flotte mondiale de paquebots, « c’est un record du monde », comme l’a expliqué Laurent Castaing, directeur général des Chantiers de l’Atlantique, durant la cérémonie de livraison.
Propulsé au gaz naturel liquéfié (GNL), le carburant le plus propre aujourd’hui, MSC World Europa combine exigence écologique avec la même expérience de croisières. Nos ingénieurs sont aussi parvenus à approvisionner une partie du bateau en électricité (chauffage des cabines, production d’eau chaude sanitaire…) grâce à une pile à combustible alimentée au GNL. De fait, toutes ces technologies vertueuses ont été passées en revue par l’organisme mondial de référence, Bureau Veritas, qui dans son rapport a objectivement classé MSC World Europa comme bateau de croisière le moins polluant au monde.
Nous voulons toujours montrer que le prochain navire fera mieux que le précédent.
MSC Croisières est le bon élève de cet écosystème. Comment réagissez-vous aux propos radicaux qui ont été tenus cet été par le maire écologiste de Marseille, Benoît Payan, engagé dans une chasse aux bateaux de croisière ?
Il n’a pas parlé d’interdiction d’accueillir les croisières à Marseille, mais d’en prohiber l’accès à tous les navires les plus polluants. Moi-même, j’appelle de mes vœux une telle initiative car nous devons tous considérer ce sujet comme central. Dès 2018, nous avons pris des engagements forts au Blue Maritime Summit, je suis donc pleinement d’accord pour culpabiliser ceux qui ne font aucun effort. Chez MSC, nous sommes des « transitionnistes hyperactifs » : nous dépensons beaucoup d’argent pour y arriver.
Après, il y a aussi la question des villes saturées par le tourisme de masse comme Venise ou Dubrovnik. Sur les 30 millions de touristes visitant Venise, il y a seulement 1 million de croisiéristes. Je regrette que nous soyons désignés comme principal bouc émissaire. Jamais nous n’avons imposé de partir de Venise ! Aujourd’hui, nous transitons par le port de Marghera et c’est tant mieux car plus proche de l’aéroport. Et pour revenir à l’exemple de Marseille, quand 4000 passagers débarquent, ils sont vite dilués dans la ville et les alentours. Il n’y aura jamais des milliers de croisiéristes en même temps sur le Vieux-Port : ils partent en excursions dans ville et la région. Ceci avec tout ce que cela peut générer comme retombées économiques.
Enfin, pour vous donner une vue d’ensemble sur le sujet : avant le Covid, il y avait 350 bateaux de croisière sur un flux mondial de 70 000 paquebots commerciaux. La part des croisiéristes se situe à moins de 4% ! Il convient de mettre en lumière ces chiffres insuffisamment connus.
Les croisiéristes de la première heure sont-ils revenus ? Quel est le profil-type aujourd’hui et les itinéraires plébiscités ?
Oui, ils sont bel et bien de retour ! Dans 93% des cas, les primo-croisiéristes reviennent, soit un taux de fidélisation exceptionnel ! D’un voyage à l’autre, c’est une nouvelle aventure à partager si on veut avec une personne différente. Le plus beau d’entre eux est le « voyage tribu » intergénérationnel : des grands-parents aux petits-enfants. Sur nos paquebots, l’âge moyen des croisiéristes se situe à 42 ans, une tranche d’âge que nous avons d’ailleurs en commun avec un célèbre club français…Considérer que la croisière attire majoritairement les seniors est complétement faux et suranné.
Patrick Pourbaix : « Chez MSC Croisières, nous sommes des transitionnistes hyperactifs ! Notre dernier navire, MSC World Europa vient d’établir un record du monde en se posant comme le moins polluant du secteur. Nous combinons exigence écologique avec la même expérience de croisières.«
Sur la deuxième partie de votre question, la Méditerranée au départ de Marseille enregistre toujours un volume important. Ensuite, les Caraïbes avec les Antilles françaises rencontrent un franc succès depuis la levée des restrictions sanitaires. Il y a deux marchés distinctifs : la Métropole et le marché local des Antillais qui partent en croisière. Des Antillais de plus en plus friands de cette manière de voyager. En hiver, ils envisagent les vacances ainsi car les prix sont doux à rebours des tarifs pratiqués par les hôtels qui explosent avec l’arrivée des touristes s’échappant au soleil. Le package all-inclusive de nos croisières plaît beaucoup.
Bien que tous les voyants soient au vert dans votre activité, vous n’en demeurez pas moins challengés par la « spécificité française ». Pourquoi sommes-nous à contre-courant par rapport aux autres marchés ?
Les Français connaissent très mal la croisière comparativement à leurs voisins européens. Quelques chiffres pour vous éclairer : le monde de la croisière, c’est 30 millions de voyageurs, parmi ce chiffre, le marché nord-américain agrège la moitié à lui tout seul. Le restant, c’est ¼ capté par l’Europe et l’autre ¼, le reste du monde. Si nous intéressons à la proportion des Européens, le marché allemand représente 2.5 millions, les Anglais : 2.3 millions, puis on retrouve les Italiens et Espagnols sous la barre des 2 millions. Les Français n’atteignent que les 600.000 croisiéristes chaque année. Cette sous-représentation ne vient pas du fait que nos compatriotes se plairaient moins dans une croisière, mais plutôt du fait d’une méconnaissance du produit.
Les Français font l’amalgame avec plusieurs choses entretenant les idées reçues. Ils gardent le sentiment que seuls les retraités s’épanouissent en croisière, que le produit est cher et aussi que la promiscuité enlève de l’expérience. Comme nous n’avons pas eu historiquement de compagnie hexagonale pour accompagner la communication sur l’évolution de ce marché, les stéréotypes persistent. La croisière moderne se compare aux clubs de vacances actuels : c’est un produit hybride car on part autant pour les mille et une expériences vécues sur le bateau que pour les destinations visitées.
Tous les retours que nous avons, font valoir que lorsque l’on part en famille ou à plusieurs, chacun vivra à son rythme, explorera tout ce qu’il aime sans jamais ressentir de pesanteur, de promiscuité et de mal de mer ! Les bateaux sont à la pointe dans ce domaine. En somme, le plus grand défi est d’amener les Français à faire le premier pas, après ils seront conquis !
Pour aller plus loin :
<<< À lire également : « Pourquoi Bernard Arnault Croit Toujours Au Marché De la Croisière
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