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Mort annoncée du PDG : gare au dogmatisme !

Christel Heydemann

La nomination de Christel Heydemann à la direction générale d’Orange fait entrer l’opérateur de télécommunications dans la sphère grandissante des entreprises à présidence dissociée.

 

A cet égard, la gouvernance des entreprises, notamment cotées, est devenue en quelques années l’un des sujets les plus surveillés, notamment par les investisseurs, les autorités de marché, les salariés, les agences de notation, les dirigeants eux-mêmes.

Nous le devons pour partie aux activistes et à leur modus operandi. Ils ont compris la puissance du sujet et de son levier, n’hésitant plus à critiquer, voire dénoncer frontalement la gouvernance. Pour preuve, toute incursion activiste se doit désormais d’identifier des vulnérabilités de gouvernance, à côté des sujets traditionnellement saisis par ces actionnaires contestataires. Les exemples sont pléthoriques, de Lagardère à Danone, en passant par Pernod Ricard, Unibail-Rodamco-Westfield, Rexel ou Scor.

Plus largement, la question de l‘engagement actionnarial ainsi que celles cruciales des enjeux environnementaux et sociaux renvoient à la gouvernance, en ce qu’il revient aux instances décisionnelles de s’en saisir et de les porter.

Enfin, la gouvernance est comprise pour ce qu’elle doit être, l’outil majeur de déploiement de l’entreprise, dans l’exercice de ses pouvoirs et contre-pouvoirs, au service de la stratégie et de la création de valeur. Une bonne gouvernance constitue un actif à part entière.

Deux rapports récents nourrissent la réflexion de place et posent les balises importantes.  En décembre dernier, l’AMF publiait son Rapport, au demeurant remarquable, sur le » Gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants des sociétés cotées », tandis que l’AFG rendait en janvier ses « Recommandations sur le gouvernement d’entreprise ».  

Parmi les nombreux volets abordés, celui de la dissociation des fonctions de présidence et de direction générale est sans aucun doute, avec le sujet aussi épineux que récurrent des rémunérations, l’une des questions les plus sous haute surveillance.

La vague de la dissociation poursuit ainsi son chemin, emportant de nombreuses entreprises dans ce modèle de gouvernance, classique au Royaume Uni et aux Etats-Unis, comme récemment chez Danone, suite à la crise de gouvernance. 

 

Le modèle dissocié, faisant cohabiter un président du conseil d’administration et un directeur général, est désormais majoritaire au sein du CAC 40 pour les entreprises à conseil d’administration.

A n’en pas douter, les arguments en faveur de la dissociation ne manquent pas de portée. Elle permet d’assurer un équilibre des pouvoirs ; elle écarte le risque d’isolement du dirigeant ; elle dote l’entreprise de compétences décuplées ; elle permet enfin de donner à l’entreprise une plus grande stabilité, en assurant une continuité notamment en cas de transition.

 

Ce modèle ne doit pourtant pas être érigé en dogme. Il est vrai que la nuance n’est pas à la mode, y compris en matière d’exercice du pouvoir.

Il y a des situations où la présidence unifiée peut se révéler vertueuse, notamment parce que le conseil d’administration exerce à plein son rôle, avec la présence d’un administrateur référent.

Surtout, et là se trouve la plus grande fragilité du modèle dissocié, et son plus grand défi, celui-ci ne fonctionne qu’autant qu’il repose sur une connivence parfaite entre le président et son directeur général et une confiance totale, une compréhension fine du rôle de chacun, sans débordement ni empiètement, un dialogue permanent et bienveillant enfin.

Ce point est essentiel, et il faut rendre hommage l’AMF, dans son Rapport, de l’aborder clairement et sans détour : « La qualité de la relation et du dialogue entre le Directeur général et le Président su conseil d’administration influe donc grandement sur l’efficacité du conseil et le succès de la dissociation. » (Rapport AMF 2021, p. 59).

Or cette subtile alchimie, que nul texte ne peut enserrer, ne s’impose pas.  Loin s’en faut ! Elle est souvent rare. De sorte que le meilleur modèle théorique peut se révéler, tôt ou tard, une menace pour l’entreprise.

La gouvernance ne saurait être ramenée à un organigramme ni à un arsenal de règles formelles érigées en finalité, comme les Codes de Place aiment le laisser penser. La gouvernance est incarnée ; son succès ou son échec est celui des hommes et des femmes qui la font vivre. 

 

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