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Mise en place de clauses de restitution (ou Clawback) de la rémunération variable des dirigeants

A la suite de l’adoption par l’autorité de marché américaine (la Securities and Exchange Commission, SEC) de la Rule 10 D-1, les dirigeants de sociétés cotées aux Etats-Unis seront désormais tenus de rembourser leurs rémunérations variables établies sur la base de comptes sociaux erronés, même en l’absence de faute. En France, même si la mise en place de telles clauses de restitution (clawback) n’est pas obligatoire, l’inclusion de telles clauses dans les politiques de rémunération des sociétés cotées devrait se développer dans les prochaines années et pourrait être constitutive d’une bonne pratique.

 

Dans la plupart des sociétés cotées, la rémunération des dirigeants est, pour partie, liée aux performances financières de l’entreprise, telles qu’elles ressortent des comptes. La remise en cause ultérieure de ces comptes, quelle qu’en soit la cause (erreur ou fraude), peut donc conduire à des situations dans lesquelles des sociétés ont versé une rémunération variable que leurs dirigeants n’auraient pas, en théorie, dû percevoir.

 

Jusqu’à présent, que ce soit en France ou aux Etats-Unis, aucune obligation ne pesait sur les sociétés cotées de devoir demander la restitution de ces rémunérations variables indûment perçues. Afin de pallier cette situation aux Etats-Unis, la SEC a introduit la Rule 10 D-1 dans les règles de marché (listing standards). Ainsi que l’a formulé Gary Gensler, le directeur de la SEC, l’objectif de cette nouvelle réglementation est de « renforcer la transparence et la qualité des comptes sociaux, la confiance des investisseurs dans ces comptes ainsi que la responsabilité des dirigeants envers les investisseurs ».

 

L’obligation de mise en place de clauses de clawbacks aux Etats-Unis

En substance, la Rule 10 D-1 impose aux sociétés cotées d’exiger de leurs dirigeants (anciens et actuels) qu’ils restituent tout ou partie de leurs rémunérations variables perçues sur la base de données comptables erronées.

 

Le champ d’application de la mesure est large :

 

  • l’obligation de restitution concerne les rémunérations versées au cours des 3 exercices fiscaux précédant le retraitement comptable ;
  • la restitution doit intervenir, même en l’absence de faute du dirigeant, dès lors qu’une erreur matérielle impacte les comptes sur la base desquels a été déterminée la rémunération variable ;
  • les dirigeants susceptibles d’être concernés par la mesure sont nombreux, la notion de « dirigeant » comprenant toute personne qui exerce, ou exerçait, des fonctions de direction au sein de l’entreprise (mandataires sociaux, directeurs financiers, responsables de branches d’activité, etc).

 

Un point intéressant de cette réglementation mérite par ailleurs d’être relevé : les sociétés cotées ne pourront pas souscrire à des polices d’assurances permettant d’indemniser le dirigeant en cas de mise en œuvre de la clause de clawback.  

 

Notons enfin qu’à défaut de se conformer à cette nouvelle réglementation, les sociétés cotées s’exposent, à titre de sanction, à être radiées de la cote sur décisions de leurs entreprises de marché.

 

Vers un développement des clauses de clawbacks en France

Contrairement aux Etats-Unis, les sociétés cotées françaises n’ont aucune obligation d’introduire des clauses de clawback dans leurs politiques de rémunération. La seule obligation pesant sur celles-ci est de préciser dans leur rapport sur le gouvernement d’entreprise si elles ont utilisé ou prévoient éventuellement d’utiliser « la possibilité de demander la restitution d’une rémunération variable »[1], ce pour chaque mandataire social (y compris ceux dont le mandat a pris fin). En raison de cette absence d’obligation, le développement de ce type de pratique demeure, à notre connaissance, relativement limité en France.

 

L’AMF a néanmoins indiqué dans son rapport publié fin 2020 sur le gouvernement d’entreprise que les clauses de restitution « peuvent être un moyen efficace d’alignement des intérêts des dirigeants et des actionnaires [et] constituer une bonne pratique »[2]. A cet égard, la pratique pourrait ainsi se développer dans les sociétés cotées françaises. Ces clauses pourraient revêtir différentes formes et être mises en œuvre en cas d’inexactitude des comptes sociaux (comme dans le cas de la Rule 10 D-1) mais également en cas de faute du dirigeant.

 

Compte tenu de l’intérêt croissant des investisseurs pour la bonne gouvernance et pour les sujets portants sur la rémunération des dirigeants sociaux, on peut imaginer que certains actionnaires, notamment les activistes, seront tentés lors des prochaines assemblées générales annuelles de demander l’inclusion de telles clauses de clawbacks au sein des politiques de rémunération.

[1] Article L. 22-10-9 du code de commerce

[2] Rapport 2020 sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants des sociétés cotées publié le 24 novembre 2020 (page 55)

 

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