Pierre-Edouard Stérin est au cœur des débats. Le milliardaire philanthrope, fondateur de Smartbox, qui tente en ce moment de racheter le journal Marianne, entretiendrait des liens avec le Rassemblement National. Une enquête signée Le Monde a ouvert la boîte de Pandore. Décryptage d’une polémique plus que jamais au cœur de l’actualité autour d’un des business angel majeurs de France.
Peu connu du grand public, Pierre-Edouard Stérin est longtemps resté à l’orée du monde des affaires. Sa grande percée, c’est à travers le succès de Smartbox, créé en 2003. On le retrouvera ensuite derrière l’application La Fourchette, devenu TheFork, mais aussi derrière la chaîne de restaurants La Pataterie. Pour gérer son portefeuille d’actifs grandissant, Pierre-Édouard Stérin a même fondé en 2009 Otium Capital, une société d’investissement aujourd’hui pilier de l’entrepreneuriat tricolore.
Des relations politiques qui ne plaisent pas
« La rédaction reste déterminée à obtenir l’engagement ferme que le journal ne sera pas racheté par Pierre-Edouard Stérin ». Les négociations pour la reprise du journal Marianne, entre Daniel Kretinsky et Pierre-Edouard Stérin sont suspendues depuis quelques jours. La raison ? Une enquête du journal Le Monde a dévoilé des connexions embarrassantes entre ce dernier et le Rassemblement National, provoquant une grève chez les journalistes de Marianne. Ces révélations ont suscité des inquiétudes sur l’indépendance éditoriale du magazine. CMI France, le groupe de Daniel Kretinsky, et l’entrepreneur normand Pierre-Edouard Stérin « ont décidé d’un commun accord de suspendre leurs discussions sur la cession de Marianne », a annoncé à l’AFP l’actuel propriétaire du titre. Et si le milliardaire ultra-conservateur se défend d’être proche de l’extrême droite, il voit son image gravement écornée par ces révélations. Ses investissements dans la French Tech sont maintenant passés au crible sous l’angle de ses opinions politiques et des liens qu’il entretient.
Dans son enquête, Le Monde avance que plusieurs candidats aux élections législatives LR favorables à l’alliance avec le RN sont issus de la « galaxie Stérin ». Ils sont notamment liés au Fonds du bien commun, l’entreprise philanthropique du milliardaire de 50 ans, qui est à la tête du fonds d’investissement Otium Capital. Le Monde cite aussi un autre article du magazine Challenges, selon lequel Pierre-Edouard Stérin et le numéro 2 d’Otium, François Durvye, ont racheté en novembre pour 2,5 millions d’euros la propriété familiale des Le Pen à Rueil-Malmaison, via une société civile immobilière. « Ce qui apparaissait comme un engagement idéologique individuel se révèle être une entreprise partisane », avait estimé la semaine dernière la société des rédacteurs de Marianne (SRM), demandant à CMI France de chercher « de nouveaux acquéreurs en mesure d’assurer l’indépendance éditoriale » du titre et sa « pérennité économique ».
L’entrepreneur normand, titulaire d’une fortune de 1,2 milliard d’euros, se fait peu à peu une place dans le paysage médiatique français. En 2023, Pierre-Édouard Stérin est rentré au capital du média vidéo NEO, puis dans celui du Crayon, le premier média de débat des jeunes, avant d’investir un million d’euros dans le média conservateur Factuel. En février dernier, le milliardaire controversé s’offrait également l’agence d’influenceurs Marmeladz.
L’inquiétude de la French Tech
C’est une première dans l’histoire de la Ve République. Le Rassemblement National pourrait tenir les rênes du pays le 7 juillet. Une perspective redoutée par la French Tech, le « bébé » du président Macron. L’affaire Pierre-Edouard Stérin vient ajouter des inquiétudes au sein de la start-up nation, puisque ce dernier est un véritable pilier de la French Tech.
Conservateur catholique revendiqué, Pierre-Edouard Stérin crée des ponts entre LR et le RN avec son bras droit, François Durvye. Et si le « family office » Otium Capital récuse toute forme de financement du RN, ni placement de proches pour les élections législatives, comme l’a suggéré l’article du Monde, le malaise est bien présent. Et pour cause, au sein d’Otium Capital, on retrouve des sociétés comme TheFork, Payfit, Owkin, Doctrine ou encore Jimmy. « Cela ne me met pas super à l’aise », avoue le patron d’une des sociétés d’Otium au journal Les Échos. La tâche est donc délicate pour les dirigeants ces entreprises de la French Tech qui pour la plupart, ne se prononcent pas sur les affiliations politiques de Pierre-Edouard Stérin. Le family office Otium Capital a fait émerger beaucoup de talents depuis quinze ans et ces derniers ont des intérêts financiers à préserver et du respect pour la carrière d’entrepreneur de Pierre-Edouard Stérin.
Un portefeuille bien rempli
En 2018, Pierre-Edouard Stérin possède, via Otium Capital, des participations dans une trentaine de sociétés, pour un montant total de 200 millions d’euros investis. La revente en 2014 de TheFork à TripAdvisor a permis de récupérer huit fois la mise de départ. Le family office accompagne aujourd’hui Dentelia, un fournisseur de soins dentaires fondé en 2017 et signe en 2021 un accord avec Colosseum Dental Group, qui prend alors une participation majoritaire dans Dentelia.
En 2020, le milliardaire normand rachète Birchbox France, filiale française du groupe américain BirchBox, qui commercialise des coffrets cosmétiques en ligne, et finance également la startup Tekyn (production de vêtements à la demande en circuit court). Fin 2022, Otium Capital lance le fonds Resonance, dédié à des investissements dans le secteur de la French Tech. Le choix des projets financés par Resonance est supervisé par Pierre-Edouard Stérin, et les bénéfices sont soit réinvestis soit reversés au Fonds du bien commun.
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