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Meta-Facebook perd 40% de sa capitalisation boursière en un an : La gouvernance est-elle adaptée aux défis à relever ?

meta-facebook

Le groupe fondé par Mark Zuckerberg a perdu 40% de sa capitalisation boursière en un an. Au-delà des défis nombreux que cette société doit relever, il nous parait important de souligner les limites d’une gouvernance autocratique sanctionnée, ici comme ailleurs, par les marchés financiers.  

Facebook est aujourd’hui le réseau social le plus populaire dans le monde. Fondé le 4 février 2004 par Mark Zuckerberg, Facebook est devenu incontournable au fil des années dépassant aujourd’hui les deux milliards d’utilisateurs actifs mensuels. Les données permettant d’analyser la performance de Facebook sont impressionnantes, et ce, quelle que soit la variable étudiée : nombre de membres, utilisateurs actifs quotidiens, activité sur les mobiles, croissance externe, résultats financiers…

Nombre d’utilisateurs mensuels de Facebook (Source Rapport annuel 2021 – Meta-Facebook)

Lorsque l’on analyse les performances du groupe en 2021, on pourrait penser que l’entreprise de Mark Zuckerberg est toujours tournée vers une croissance dynamique : son chiffre d’affaires 2021 est de 117,9 milliards de dollars (85,7 milliards de dollars en 2020 soit une progression de 37%. Le résultat, à 39 milliards de dollars, est en croissance de 34%. Tout porte donc à croire que les perspectives du groupe sont excellentes.

Pourtant, la publication, début février 2022, du rapport de son activité pour l’exercice 2021, a entrainé une correction sévère de son cours au Nasdaq. L’action Meta a ainsi chuté de 25%.  Plus grave encore, sur un an Meta-Facebook a perdu 40% de sa capitalisation boursière. Sur la même période, le Nasdaq haussait de plus de 6%. Pour la première fois de son histoire, Facebook a perdu 1 million d’utilisateurs actifs quotidiens au cours du dernier trimestre 2021 passant ainsi de 1,93 milliard d’utilisateurs chaque jour à 1,929 milliard. Soit une baisse de 0.05% des utilisateurs quotidiens. Cela peut paraître anecdotique mais c’est une première en 17 ans d’existence.

Nombre d’utilisateurs quotidiens de Facebook (Source Rapport annuel 2021 – Meta-Facebook)

Le Président de Meta-Facebook, Mark Zuckerberg, explique cette situation inédite par la concurrence imposée par les nouveaux entrants, et notamment TIK TOK, conduisant les plus jeunes utilisateurs à se connecter moins régulièrement à Facebook. Par ailleurs, certains analystes ont pointé du doigt les importants investissements de Facebook dans le Métavers (10 Milliards de dollars en 2021). Enfin, la gouvernance de Facebook mérite également d’être interrogée.

Facebook est positionnée sur un marché contestable

Le problème de Meta-Facebook est d’abord d’origine concurrentielle. Le groupe chinois Byte Dance qui détient TikTok Global, Douyin (version chinoise de TikTok qui pèse près de 60 % de ses revenus publicitaires), l’agrégateur d’informations Toutiao (20 %) et la plateforme vidéo Xigua (moins de 3 %) connait un essor fulgurant. TikTok et Douyin approchent désormais les 2,5 milliards de comptes contre 2,985 milliards pour Meta-Facebook. Les utilisateurs partagent donc leur temps de connexion entre un nombre toujours plus grand de réseaux sociaux ce qui explique la baisse du nombre d’utilisateurs quotidiens de Facebook.
Cette baisse influence la capacité de Facebook à générer des revenus supplémentaires pour au moins 3 raisons. Tout d’abord, il est plus difficile de cerner le profil d’utilisateurs recourant à de multiples réseaux sociaux. La finesse du ciblage publicitaire opéré par Facebook s’en trouve affectée. Ensuite, l’exposition des utilisateurs de Facebook à la publicité est une fonction strictement croissante de leur temps de connexion. Si le temps de connexion diminue, le montant des recettes publicitaires baisse également. Enfin, Facebook sera de moins en moins en mesure d’imposer ses tarifs à des annonceurs qui disposent d’un nombre croissant d’alternatives crédibles pour communiquer auprès de leurs cibles. Dans ce cadre, la hausse de 22% des revenus trimestriels par utilisateur ($33.68) annoncée par Facebook pour le dernier trimestre 2021 est un peu illusoire.
La publicité numérique profite de la transformation digitale des entreprises de toute taille et de l’explosion des volumes traités par l’e-commerce. Notamment en raison de la pandémie Covid, la publicité numérique a récoltée 537 milliards de dollars, soit une hausse annuelle de 4% (hors Chine et publicité politique aux Etats-Unis)[1]. Google, Meta-Facebook et Amazon, dominent pour l’instant ce marché et représentent désormais à eux trois plus de 50% du marché publicitaire dans le monde (Chine exceptée). Toutefois, Byte Dance est déjà en mesure de contester cette suprématie et ouvre certainement la voie à d’autres entreprises.

Le Métavers bouleverse la répartition de la valeur créée

L’avènement annoncé d’un environnement plus immersif conduisant à une augmentation des temps de connexions des utilisateurs a convaincu Mark Zuckerberg d’investir massivement dans le métavers. La capacité de Meta-Facebook à s’approprier la part du lion dans ce nouvel environnement est pourtant questionnée.
Tout d’abord, le développement du métavers nécessite une utilisation de la bande passante sans mesure commune avec les exigences actuelles d’un réseau social. Les fournisseurs d’accès internet réalisent de très lourds investissements pour augmenter cette bande passante. Ils pourraient être encouragés à exiger le paiement d’un droit d’accès de plus en plus important à des fournisseurs de contenus qui comptent parmi les premiers bénéficiaires de ces investissements.
Ensuite, la mise en service du métavers exige sa compatibilité avec les systèmes d’exploitation des principaux fabricants de hardware. Le groupe de Mark Zuckerberg ne contrôle aucun de ces fabricants. Il peut donc se voir imposer des normes technologiques auxquelles il lui sera difficile de répondre. Méta-Facebook est également très vulnérable aux exigences déontologiques des propriétaires des systèmes d’exploitation. Ainsi, les nouvelles exigences en matière de protection de la vie privée des utilisateurs du système d’exploitation iOS d’Apple ont fortement impacté la qualité du ciblage publicitaire opéré par Facebook et donc la monétisation de ce ciblage auprès des annonceurs.
Enfin, le développement du métavers réputé plus immersif et donc plus intrusif devrait logiquement s’accompagner de nouvelles lois et réglementations, aux États-Unis et dans les juridictions internationales, susceptibles de retarder ou d’entraver le développement du métavers, d’augmenter les coûts d’exploitation, ou tout simplement nuire à l’activité de Meta-Facebook. Comme le souligne le dernier rapport annuel adressé par Facebook à la securities and exchange commission :

« En raison de ces facteurs ou d’autres, notre stratégie et nos investissements dans les métavers pourraient ne pas être couronnés de succès dans un avenir prévisible, voire ne pas l’être du tout, ce qui pourrait avoir un impact négatif sur nos activités, notre réputation ou nos résultats financiers. »

A cet égard, rappelons que le futur règlement européen Digital Markets Act (DMA) prévoit de réguler les grandes entreprises offrant des « services de plateforme essentiels » (réseaux sociaux, moteurs de recherche, assistants virtuels…), et d’encadrer la publicité ciblée. Notamment, les plateformes devront s’abstenir de combiner des données à caractère personnel dans le but de diffuser des publicités ciblées ou micro-ciblées’’ en dehors du consentement « éclairé, explicite et renouvelé » des utilisateurs, conformément au règlement général sur la protection des données (RGPD).

Meta-Facebook est donc confronté à des environnements concurrentiels, technologiques et légaux en mutations rapides. Les dynamiques à l’œuvre chez ces derniers questionnent la capacité de Meta-Facebook à augmenter ses revenus à moyen-terme. La complexité de ces environnements interroge également la gouvernance des grandes plateformes numériques et notamment celle de Meta-Facebook.

La gouvernance de Facebook mérite d’être interrogée

Mark Zuckerberg bénéficie de la légitimité de fondateur de Facebook. Il dispose également de la majorité des droits de vote associés à la détention du capital social. Enfin, Mark Zuckerberg cumule les fonctions de président du conseil d’administration et de PDG.

Le fondateur de Facebook contrôle l’issue de l’ensemble des questions soumises à l’approbation des actionnaires. Ainsi, l’élection des administrateurs, les opportunités de fusions, de consolidations ou de vente de la totalité ou de la quasi-totalité des actifs de Meta-Facebook sont soumises à sa seule approbation ou à son véto. Une telle concentration des droits de contrôle peut retarder, différer ou empêcher l’élection d’administrateurs indépendants, mais également une fusion, une consolidation ou une vente de la totalité ou de la quasi-totalité des actifs soutenues par les autres actionnaires. Inversement, cette concentration du contrôle peut entraîner la réalisation de telles transactions contre l’avis des autres actionnaires. Par conséquent, le pouvoir exercé par Mark Zuckerberg sur Meta-Facebook conduit à décourager les investisseurs potentiels d’acquérir des actions ordinaires de classe A[2], et nuit donc au cours de cette classe d’actions.

En outre, Mark Zuckerberg a la possibilité de contrôler la gestion et les principaux investissements stratégiques de la société en raison de sa position de PDG et de sa capacité à contrôler l’élection ou, dans certains cas, le remplacement des administrateurs. Ainsi, alors que l’environnement concurrentiel, technologique et règlementaire de Meta-Facebook apparait de plus en plus complexe, la pérennité de Meta-Facebook repose uniquement sur la qualité des choix stratégiques opérés par son fondateur. Dans ces conditions, détenir des actions Meta-Facebook relève de l’acte de foi et revient à prêter à Mark Zuckerberg des capacités en raison de ce qu’il a démontré dans le passé. Nous respectons ce point de vue et soulignons que celui-ci ne relève pas du tout de la théorie financière.

Par ailleurs, les statuts de Meta-Facebook stipulent qu’en cas de décès, les actions du capital social détenues par Mark Zuckerberg soient transférées aux personnes ou entités qu’il a désignées. La concentration du contrôle de la société pourrait donc être transmise à des personnes qui ne disposent pas de la même légitimité que son fondateur.

Finalement, en tant que membre du conseil d’administration et de dirigeant, Mark Zuckerberg a une obligation fiduciaire envers les actionnaires. Il doit agir de bonne foi d’une manière qu’il croit raisonnablement être dans le meilleur intérêt des actionnaires. En tant qu’actionnaire, même s’il s’agit d’un actionnaire de contrôle, M. Zuckerberg a le droit d’exercer les droits de vote afférents à ses actions, et aux actions sur lesquelles il exerce un contrôle par le biais d’une convention de vote et dans son propre intérêt. Ce dernier ne se confond pas nécessairement avec l’intérêt des actionnaires en général.

 

Conclusion

La capitalisation boursière de Meta-Facebook, censée synthétiser les revenus futurs cumulés de la société, représente aujourd’hui moins de 10 fois son cash-flow opérationnel[3]. Il semble que les investisseurs commencent à douter de la pérennité de cette société et lui prête donc un horizon de revenus limité. Bien sûr, comme toutes les sociétés cotées au Nasdaq, Meta-Facebook agit dans un environnement concurrentiel, technologique et réglementaire en mutation rapide. Face à celui-ci, la gouvernance de ce fleuron des réseaux sociaux nous apparait très autocratique et porteuse de dangers. Le revers boursier de Meta-Facebook signale peut-être que l’ère des gourous de la High-Tech est maintenant terminée. Il est temps pour ces entreprises globales de se doter d’une gouvernance à la hauteur des enjeux qu’elles portent. Il est également temps pour leurs fondateurs d’accepter que tout ou partie de leurs créations leur échappent et de partager le pouvoir.

 

[1] Etude groupe M, 6 décembre 2021.

[2] Les actions de classe A sont des actions privilégiées auxquelles sont associées des droits de vote supplémentaires ou un droit à des dividendes plus élevés.

[3] Contre 22 fois pour Amazon

Article rédigé par :

Pascal Montagnon, Directeur de la Chaire de Recherche Digital,

Data Science et Intelligence Artificielle OMNES EDUCATION

Eric Braune, Professeur associé-INSEEC Bachelor

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