Le digital a chamboulé jusqu’à la théorie marketing, obligeant Philippe Kotler son père fondateur à revoir sa copie en écrivant pas moins de trois livres pour tenter de raccrocher les wagons. De cette tentative habile, une dizaine de nouveaux concepts clés ont émergé.
Quel étudiant en école de commerce, en gestion ou en MBA n’a pas entendu parler de la bible du marketing : Marketing Management ? Depuis des décennies, la théorie marketing reposait tranquillement à l’intérieur du livre de Philip Kotler, avant que le digital ne vienne en froisser les pages.
Par conséquent, son auteur s’est efforcé depuis une quinzaine d’année de relier ses concepts fondamentaux aux évolutions numériques, avec la rédaction de trois ouvrages : Marketing Moves, Marketing 3.0 et Marketing 4.0. Plusieurs amendements, diverses notions et nombreux concepts clés et utiles, ont émergé de cette trilogie. Un bienfait, même si cela obligea Monsieur Kotler à interrompre ses séances de natation matinales à la piscine de l’Evantson Campus de la Kellogg School of Management.
Les 3C – Dans Marketing Management, Philippe Kotler stipulait que les entreprises pouvaient agir sur quatre variables formant leur marketing-mix, les quatre P (Produit, Prix, Place, Promotion). Habile, il parvient à laisser penser que le Web n’invalidait pas ses travaux antérieurs et en profita même pour nous refourguer trois lettres de plus : les trois C (Convenience, Customer, Cost).
Un moyen astucieux d’intégrer le Web à sa théorie d’ensemble
- En parlant de coûts (cost) alors que le Web a participé à un phénomène plus général : le low cost.
- En faisant ressortir le consommateur (customer) sachant bien que le Web est très customer centric.
- En introduisant de surcroît la commodité (convenience) dans un monde où l’homme moderne interagit de plus en plus avec son environnement par l’entremise de terminaux.
Le nouveau trade off – En marketing, le trade-off se définit comme le compromis accepté par le consommateur qui doit renoncer à certaines caractéristiques (caractéristiques techniques ou esthétiques, prix, services associés, garantie, effet de mode, délais…) pour déterminer son choix, car le produit idéal existe rarement pour l’ensemble des consommateurs. Mais ça c’était hier. Aujourd’hui, le trade-off est largement plus réfléchi. Le compromis accepté par le consommateur n’est plus uniquement motivé par des aspirations hédonistes, mais davantage concéder en fonction de considérations collective, sociétales et humaines. Une évolution du trade-off que Philip Kotler résume en une formule : Win-Win-Win ; autrement dit, la nécessité pour le marketing de ne plus seulement proposer un échange gagnant-gagnant entre une entreprise et un client, mais un échange également profitable à l’écosystème dans lequel il s’effectue (une économie, la société, la planètes, etc.).
Les trois âges du marketing – Le marketing aurait connu trois phases. Le marketing 1.0 axé sur le produit. Le marketing 2.0 tourné vers le client. Le marketing 3.0, centré sur l’humain.
Les 4C – Dans un monde digitalisé, le marketing mix évolue vers une plus grande participation des clients et migre peu à peu vers quatre C : Co-creation (Co-création), Currency (Monnaie), Communal activation (Activation communautaire), Conversation (Conversation).
Les 4A, puis les 5A – Basé sur les quatre A du modèle AIDA (Attention, Intérêt, Désir, action) de Derek Rucker de la Kellog School of Management, les quatre A correspondent à : Conscience (Aware ou niveau de la connaissance), Appreciation (Attitude ou niveau des attitudes), Achat (Acte ou niveau des comportement) et Rachat (Acte Again ou niveau affectif). Le nouveau parcours client rendu possible par le digital modifie les quatre A pour mieux les convertir en cinq A : Prise de conscience (Aware), Intérêt (Appeal), Questionnement (Ask), Action (Act), Recommandation (Advocate).
Le PAR et le BAR – Deux nouveaux indicateurs voient le jour. Le ratio de conversion d’achat de la marque (PAR – Purchase Action Ratio) et le ratio de mobilisation de la marque (BAR – Brand Advocacy Ratio). Le premier mesure la façon dont les entreprises convertissent la notoriété de la marque en actes d’achat. Le second mesure comment les entreprises convertissent la notoriété de la marque en ag=engagement pout la marque.
Les YWN – Les nouveaux consommateurs à séduire sont les Young (plus connectés, influencés et mobilisables via les réseaux sociaux), les Women et les Netizens ou Cybercitoyens qui crient en la démocratie mais pas en la gouvernance. Souvent lanceurs d’alerte (Bradley Manning, Edward Snowden, Hervé Falciani, Antoine Deltour), ils ont montré leur capacité à influer.
Les vertus du plaidoyer négatif – Longtemps terrorisée à l’idée d’avoir une mauvaise image et pire encore, faire l’objet d’un bad buzz, les marques doivent désormais comprendre qu’une mobilisation négative à leur endroit peut susciter une contre réaction positive de leurs fidèles clients et donc se retourner en leurs faveur.
Les nouveaux contours de la marque – Le digital encourage les marques à reconsidérer certaines de leurs facettes et pourquoi pas devenir cool (comme les Google MTV et leurs logos qui changent régulièrement), affirmer une intelligence hors paire (comme Tesla dont la référence au génial inventeur, couplée au charisme de son fondateur, inspire pour le futur), adopter une posture sociale et ouverte aux autres (comme Zappos ou Denny’s Diner), émouvoir (comme Dove ou Doritos), affirmer une personnalité forte (comme Patagonia) et avoir une moralité au-dessus de tout soupçon (comme Unilever avec son plan Unilever Durable, Omo au Brésil, Wall en Inde ou Knorr au Nigéria…).
La richesse intellectuelle et pratique que contiennent ces nouveaux concepts souligne le caractère stimulant, pour le chercheur, du digital. Un champ d’étude dont les contours mouvants semblent vouloir toujours repousser sa délimitation, à l’intérieur d’un enclos intellectuel clairement délimité, dont la science rêverait de l’entourer.
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