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Marissa Mayer Ou L’Échec De La Dernière Tentative De Sauvetage De Yahoo!

Crédit Photo : Chris Farina/Corbis / Getty Images

L’ancienne étoile montante de la Silicon Valley n’avait plus d’autre choix que de céder les derniers bijoux de valeur de la famille pour renflouer les caisses du groupe américain en proie à des difficultés financières. La patronne de Yahoo!, qui a pris ses quartiers à San Francisco à l’été 2012, s’estimait capable de relancer l’un des fers de lance de l’Internet grand public aux États-Unis. En vain. 

Le curriculum vitae de cette ingénieure de formation âgé de 41 ans fourmille d’anecdotes croustillantes, éléments indispensables pour créer une story-telling capable de convaincre les plus sceptiques. Tout juste sortie de l’université de Stanford avec une maîtrise en informatique sous le bras, Marissa Mayer reçoit en 1998 quatorze propositions de la part de multinationales. Son intérêt se porte finalement sur une start-up gérée par deux étudiants de son campus, après un courrier reçu dans sa boîte de réception, intitulé en toute sobriété « travailler chez Google ? ».

Après une poursuite d’études en ingénierie et en intelligence artificielle, Marissa Mayer devient, en 1999, la vingtième salariée du Google version 1.0 avec un garage comme lieu de travail et siège social officiel du futur mastodonte de la Toile, avant la création du Googleplex en 2004, basé à Moutain View (Californie). Son goût pour les questions d’ordre stratégique la conduit à gérer la création des produits de recherche. Le développement de l’interface de recherche et de la barre d’outils de Google ? Elle y a participé. La création de Google Actualités et Google Images ? Elle y a contribué. La boîte de messagerie Gmail ? Toujours présente.

La chrysalide du Wisconsin se transforme naturellement en papillon californien le 16 juillet 2012 après treize ans de bons et loyaux services chez Google. Le dernier traitement de faveur initié par le cofondateur Larry Page, aux manettes du géant américain depuis 2011, n’est pas étranger à cet envol surprise vers d’autres cieux. Larry Page avait volontairement rétrogradé son ancienne petite amie avec une mise à l’écart du comité opérationnel et une « nomination » à la tête de la division chargée de la cartographie. Marissa Mayer en gardera un souvenir positif, cette mésaventure s’est transformée, selon elle, en une expérience de manager bénéfique avant de prendre, un an plus tard, les rênes de Yahoo!.

Le début de règne à la tête d’un des pionniers américains de l’Internet se déroule comme un conte de fée, avec un doublement de la valorisation du titre de l’action en Bourse en l’espace de deux ans. Le vent se veut aussi favorable sur le plan personnel, avec une intégration en 2012 dans le top 30 notre classement des femmes les plus puissantes au monde, puis maintient une honorable 32ème position en 2013.

La magie devient inopérante dès 2014 avec les répercussions, entre autres, du projet de restructuration repoussé par Marissa Mayer dès son arrivée en juillet 2012. Scott Thompson, qui n’était resté que quatre mois à la tête de Yahoo! après le scandale de son CV bidonné, avait planifié une stratégie de restructuration deux mois avant son départ de la présidence de Yahoo!. Le plan, enterré par la transfuge de Google, prévoyait le licenciement de 2 000 salariés et la réorganisation de l’entreprise en trois branches distinctes avec les médias, les connexions et le commerce.

Marissa Mayer lui préfère une liste de secteurs stratégiques de développement avec le mobile, la vidéo, la publicité native et le social. Les segments, lancés quelques semaines après son arrivée, sont affublés du nom « Mavens ». La réorganisation internet de Yahoo! est stimulée par une politique faite d’acquisitions, comme la plate-forme de microblogging Tumblr. Marissa Mayer se rappelle au doux souvenir des décisions hâtives – et finalement bénéficiaires – prises avec ses camarades du garage de Google après de longues journées de brainstorming, pour lancer d’une pléiade de nouveaux produits.

Yahoo! se lance sans préparation dans le secteur de la vidéo. Première idée : racheter une société spécialisée dans la publication en ligne de ce type de contenus. Marissa Mayer jette son dévolu sur Dailymotion, contrôlé par le géant français des télécommunications Orange. Après un accord obtenu par les dirigeants de la plate-forme française, l’État actionnaire à 27 % s’oppose à son transfert outre-Atlantique. « Yahoo veut dévorer Dailymotion. Nous leur avons dit : non, ce sera 50-50 », déclarait en mai 2013 Arnaud Montebourg. Une sortie médiatique qui clôture les tractations entre Yahoo! et les actionnaires de Dailymotion. Quelques mois plus tard, les refus successifs de News Distribution Network, un spécialiste américain de la diffusion de clips sur les sites Internet de grands médias; et du jeune service de vidéos à la demande Hulu, entérinent les premiers plans de conquête du secteur de la vidéo par l’acquisition.

Marissa Mayer décide d’abattre une dernière carte, tout aussi onéreuse : le recrutement de stars du petit écran pour créer des programmes d’information en interne. Katie Couric, journaliste vedette de la télévision aux États-Unis accepte le challenge. Yahoo! réussit enfin une première acquisition – somme toute partielle – avec le rachat du catalogue d’archives de l’émission mondialement connue Saturday Night Live. La création de contenus originaux est encouragée par la direction de l’entreprise. La plateforme Yahoo Screen est créée en deux temps, trois mouvements. Elle fermera ses portes en janvier 2016, deux ans seulement après son lancement.

Quatre ans plus tard, le pari de Marissa Mayer semble, au mieux sans effet sur la croissance, avec une baisse de 7 % du chiffre d’affaires net à l’issue de l’année 2015. Au pire… Marissa Mayer a rangé sa volonté de conserver l’indépendance de Yahoo! pour céder son cœur de métier à un spécialiste américain des télécommunications quelques semaines avant la fin du second et dernier mandat de Barack Obama, débuté tout comme Marissa Mayer en 2012.

La mise sous pression, depuis de longs mois, par plusieurs actionnaires pour trouver une solution rapide – et viable – afin d’améliorer la valeur du titre en Bourse et assurer leurs retours sur investissements, aura eu raison du sort de Yahoo… et des rêves de grandeur de la danseuse et fan de mode à ses (rares) heures à perdre. La vente des activités phares de Yahoo! au leader américain des télécommunications Verizon, officialisé quatre ans presque jour pour jour après la prise de fonction de Marissa Mayer, « marque un pas important dans notre stratégie pour dégager davantage de valeur pour les actionnaires », estime ce lundi 25 février la mordue de lignes de haute couture.

L’absorption de Yahoo! représente un échec, quelque soit le discours de circonstance tenue par l’ancienne étoile montante de la Silicon Valley. « Quand vous regardez (la transaction, ndlr), elle traduit le fait que Verizon estime qu’il y a beaucoup de valeur ici à Yahoo! et c’est un jour de grande fierté pour nous », s’enorgueillit Marissa Mayer, qui devrait rester à la barre jusqu’en 2017 de la société fondée en 1994, avant de recevoir un parachute dorée de 57 millions de dollars (51,85 millions d’euros). Le premier chapitre de Yahoo! se referme bien avec elle, vingt-deux ans plus tard, sans monnaies sonnantes et trébuchantes.

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